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Voir plus loin que la perte de bois

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Voir plus loin que la perte de bois

Le ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs (MFFP) souhaite procéder, dès le mois d’avril 2022 et au cours des prochaines années, à différents travaux de récolte de bois atteints par la tordeuse des bourgeons de l’épinette en forêt publique sur le territoire du Bas-Saint-Laurent. Une consultation publique est en cours et la population est invitée à se prononcer jusqu’au 14 mars 2022. L’épidémie de la tordeuse des bourgeons de l’épinette amène une réaction urgente de la part du MFFP, mais comme mentionne le Conseil régional de l’environnement du Bas-Saint-Laurent (CREBSL), elle ne doit pas être faite au détriment d’autres dossiers régionaux importants.

Le MFFP souhaite amorcer des coupes forestières pour contrer l’épidémie de la tordeuse des bourgeons de l’épinette (TBE) sur le territoire du Bas-Saint-Laurent, mais une expérience similaire dans la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean peut semer quelques inquiétudes quant à la prise en considération du MFFP sur d’autres enjeux que la perte de bois. En effet, le plan d’aménagement spécial du MFFP pour contrer l’épidémie de TBE dans la région du Saguenay avait permis une vaste opération forestière amorcée en 2019 en bordure de la rivière Pikauba, un affluent du lac Kénogami qui représente la réserve d’eau potable de 120 000 citoyens du Saguenay. Ces coupes ont créé des foyers d’érosions qui affectent la qualité de l’eau du lac1. Au Bas-Saint-Laurent, la cause de l’intervention du MFFP est la même, mais les risques encourus sont d’une autre nature, car ils représentent un enjeu pour l’habitat du caribou et la création d’aires protégées.

L’habitat du caribou menacé

Le Conseil régional de l’environnement du Bas-Saint-Laurent (CREBSL) est fortement préoccupé par les coupes forestières prévues à proximité de l’habitat du caribou de la Gaspésie. Si ces coupes totales ont lieu, les quelque 34 caribous encore en vie verraient leur habitat préférentiel, les sapinières matures, disparaître encore plus. Dans son avis déposé au MFFP, le CREBSL réclame donc le retrait de plusieurs des chantiers prévus dans le plan spécial afin de mieux protéger l’habitat de cette population.

Ces coupes forestières représenteraient aussi une incohérence dans les interventions gouvernementales, car plusieurs sommes sont présentement investies par le gouvernement dans des mesures visant la protection des derniers caribous de la Gaspésie. Ces travaux forestiers viendraient pourtant détruire leur habitat.

De plus, ces travaux forestiers impliquent la construction de nouveaux chemins alors que parallèlement, de l’argent est investi dans la fermeture de chemins forestiers comme mesure pour lutter contre la disparition des caribous dans ces secteurs. Le CREBSL rappelle que la fermeture de chemins est une mesure incontournable pour le rétablissement de l’espèce puisqu’elle diminue l’accès des prédateurs aux jeunes caribous. Il est important que tous les intervenants concernés s’impliquent afin de fermer le plus rapidement possible plusieurs dizaines de kilomètres jugés prioritaires.

Une embûche à la création des aires protégées au Bas-Saint-Laurent

Le plan spécial présenté par le MFFP touche aussi certains secteurs impliqués dans la création des aires protégées du Bas-Saint-Laurent. Le CREBSL rappelle qu’en décembre 2020, le gouvernement a annoncé la création de trois réserves de territoires à des fins d’aire protégée au Bas-Saint-Laurent : Chic-Chocs, rivière Assemetquagan et rivière Patapédia. Ces territoires, qui diffèrent partiellement du consensus régional de 2013, bénéficient maintenant d’une protection administrative jusqu’à ce qu’un statut légal de protection leur soit attribué. Le processus de création de ces trois aires protégées par le ministère de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques (MELCC) étant toujours en cours, le CREBSL demande au MFFP de ne pas prévoir de coupes forestières dans les superficies qui ont fait l’objet d’un consensus régional en 2013.

La nécessité de se doter d’une vision à long terme

Le CREBSL comprend que l’épidémie de TBE demande une réaction rapide de la part du MFFP, mais cela ne doit pas être fait au détriment d’autres dossiers régionaux importants. L’organisation est d’avis qu’il importe de voir plus loin que la perte de bois, particulièrement dans un contexte de protection du caribou de la Gaspésie et de la création d’aires protégées dans la région du Bas-Saint-Laurent.

De plus, dans un contexte de changements climatiques, les forêts diversifiées sont plus résilientes aux perturbations naturelles, telles que les épidémies d’insectes, les chablis ou les feux. Dans ces conditions, la pratique de coupes totales suivies d’un reboisement quasi-monospécifique d’épinettes blanches ne représente pas une solution à long terme pour diminuer la vulnérabilité des peuplements à la tordeuse des bourgeons d’épinette.

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