
Au Québec, on aime bien se faire dire quoi faire, et quoi penser. Contrairement aux cultures ancestrales orientales (et à Karaté Kid 1) qui prônent le partage des savoirs et les apprentissages croisés, notre vision de l’apprentissage se limite à une vue en entonnoir avec un Jos connaissant (parfois Jos-colonisant) qui déverse son savoir désincarné sur des hordes de Jos Connnais-Rien ou autre Bowling Jack de notre imaginaire collectif.
Et même si les goûts ne se discutent pas, nos Jos connaissant de la culture, spécialistes patentés du coup de cœur, nous disent à la rentrée quels seront les meilleurs disques et les meilleurs films de l’année à venir, œuvres qu’ils n’ont pas plus écoutées que nous, mais qui confortent le consensus culturel qui fait d’eux des spécialistes. Bon. Après. Ceux de la culture sont assez inoffensifs. Mignons, même. Mais il y a des Jos plus préoccupants.
Commençons par le début
La formation du Jos connaissant prend divers parcours : les plus travaillants feront de longues études, alors que d’autres préféreront les raccourcis que permettent le succès, les fréquentations, l’aura familiale, la proximité du pouvoir.
Grâce à ces outils de shining sociétal, divers types d’individus, du talentueux orateur à l’idiot besogneux et emballé, peuvent se placer dans la position de « ceux qui savent » et ainsi professer leur savoir au bon peuple. Dans le meilleur des cas, ils deviennent professeurs et partagent leur passion dans un domaine spécifique, dans un joyeux mélange d’affects et d’érudition; dans le pire des cas, ils donnent dans le général, se font moralisateurs, défenseurs de causes, et mettent leur crédibilité académique au service d’un discours tantôt partisan, tantôt intéressé. Les plus audacieux deviennent des philosophes va-t-en-guerre, défendant à Tout le monde en parle l’immuabilité morale des libertés individuelles, et la guerre comme moyen de régulation.
Véritables dons Quichottes du projet spirituel humain, les Jos connaissant mènent d’ardentes batailles dans tous les domaines de la pensée. Armés de concepts lourds et de lexiques foisonnants, ils font des constats assommants sur le déclin de la civilisation, sur l’importance pour notre société de mener tel ou tel combat.
Si les Zemmour et Bock-Côté de ce monde en sont les caricatures avec leurs allures de colonialistes mal dégrossis, certain usent beaucoup plus habilement de la méthode du Jos connaissant, habiles « pénisplicateurs », ils réussissent à créer, dans la tête des gens, une fausse correspondance entre leurs propres théories et les intérêts ou les craintes de la population.
Tout efficace soit-elle, cette méthode ne va pas sans quelques dommages collatéraux, car il faut avant tout créer des craintes. Et comme celles-ci s’inscrivent le plus souvent dans une logique de victime à bourreau, ils n’hésitent pas à donner dans le populisme, dans le racisme ordinaire, afin de donner à ces « maux » un responsable, tantôt woke, tantôt immigrant. Après tout, comme le disait brillamment Desproges, « le raciste, c’est quelqu’un qui se trompe de colère ».
Les individus qui souffrent du syndrome du Jos connaissant avec hyperpopulisme (SJCH) finissent immanquablement politiciens. Ou journalistes. Ou amis de politicien, si la fourberie est doublée d’un instinct de cafard. Une fois dans les milieux politiques, ils raffineront à la perfection cet art de cacher une partie du message à des fins idéologiques.
Parmi les nombreux spectacles à nature idéologique que donnent nos politiciens, adolescent, j’ai pu assister aux grimaces de nos « patriotes » nous suppliant de voter NON à cet étrange référendum sur l’Accord de Charlottetown, afin que le Québec puisse conserver son rôle (stratégique?) de rejet de la constitution canadienne. Il aurait été malvenu pour eux de nous dire que l’entente reconnaissait également le droit des peuples autochtones à l’autonomie et leur présence au Parlement. De toute façon, ils étaient trop occupés à postillonner sur un « peuple en quête de souveraineté ».