Champ libre

As-tu vraiment besoin de manger, Anjuna Langevin?

Par Tina Laphengphratheng le 2022/02
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Champ libre

As-tu vraiment besoin de manger, Anjuna Langevin?

Par Tina Laphengphratheng le 2022/02


Dans le cadre de cette rubrique, Le Mouton Noir présente une ou un artiste du Bas-Saint-Laurent. Avec l’autorisation de Coline Pierré et Martin Page, Le Mouton Noir s’est inspiré du collectif que ces auteur·e·s ont publié en 2018 aux éditions Monstrograph, Les artistes ont-ils vraiment besoin de manger?, un recueil de 35 questions posées à 31 artistes sur leurs conditions de vie, de travail, de création.

Pour en savoir plus : www.monstrograph.com

Ton autoportrait :

Je suis une voyageuse. Ma pratique en art part de cette manière de regarder les lieux et les choses, comme s’ils étaient là pour la première fois. La magie apparaît dans les choses quotidiennes, dans les rencontres. J’aime aussi le souffle des grandes quêtes, l’impossible, l’imprévu.

Que réponds-tu quand on te demande quel est ton métier?

Je crois que mon véritable métier, c’est d’apporter de la beauté dans le monde. La beauté au sens de l’authenticité, ce qui nous relie à l’universel, à la poésie. Je ne fais pas ça seule. Je me relie aux autres et aux lieux rencontrés. Je tisse des trames et j’invite d’autres artistes à les habiter avec moi.

Créer, c’est quoi?

Je crois que pour moi créer est dans tout. Dans ma cuisine, dans mes méditations, dans ma marche au bord de la mer et même dans ma comptabilité. « Laisse aller le crayon sur la feuille », me disait ma mère, quand j’étais enfant. Oser le chaos. Le lâcher-prise. Laisser surgir. Et transposer cela dans le concret.

Quel rapport ton travail entretient-il avec la réalité?

Quelle réalité? Tout est relatif non?

Je me suis formée à la discipline rigoureuse des cargos, à la physique mécanique, au mouvement d’objets industriels qui pèsent 200 tonnes. Puis j’ai fait une maîtrise en gestion. Une part de moi est très ancrée dans le réel tangible.

Et une autre part de moi navigue entre ici et là-bas, entre le réel et ce qui vit au-delà. Je dirais que j’influence le réel par une pratique de l’invisible.

Est-ce que parfois tu en as marre?

Clairement!!! Il y a tellement de choses qui me révoltent!

J’ai beaucoup de mal avec les règles qui n’ont pas de sens. Avec le manque de reconnaissance de ce que l’art et la créativité apportent à nos sociétés.

Qu’est-ce qui te sauve?

La mer.

J’ai un jour compris que je ne pouvais pas me passer de l’horizon. Parfois, lorsque je débarquais d’un bateau, je me réveillais la nuit, en panique, parce que je ne voyais plus l’horizon dehors.

L’horizon, c’est la ligne des possibles, l’infini ouvert.

Là, je respire et je retrouve cette liberté qui existe au-delà de tout.

Qui sont tes alliés?

La musique. Les sons.

Assez bizarrement, la musique est l’art que je connais le moins. Mais j’ai vraiment besoin de musique. Elle me transporte, elle est un mystère, une fascination, une vibration.

Qu’est-ce qui est choisi ou subi dans tes conditions de travail?

Je choisis beaucoup. Parfois trop (!) de projets, tous très motivants. Mais j’aime vivre passionnément, alors j’accepte les risques de l’intensité et je vis avec la haute voltige de mes propres nuages (et je médite pour rester ancrée sur la terre!).

Que pense l’enfant ou l’adolescent que tu étais de ton travail ?

Elle aime ça parce que c’est très beau et on rencontre plein de gens merveilleux avec des étoiles dans les yeux. Elle me dit quand même que je devrais aller plus souvent regarder la lune tranquillement et manger des brioches.

As-tu vraiment besoin de manger?

Oui, je l’avoue. Et même que j’ai besoin que ce soit beau et bon et savoureux, et merveilleux.

Je pense qu’il faut déboulonner ce préjugé selon lequel les artistes vont mourir de faim s’ils n’ont plus de subventions. Ils sont vraiment assez créatifs et talentueux pour faire mille autres choses. Le vrai drame, c’est que si on ne finance pas nos artistes, c’est toute notre société qui aura perdu.

Leur poésie

Leur regard sur le monde

L’essence de la vie.

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