Le blogue du rédac

De quoi Guy Nantel est-il la somme?

Par Fred Dubé le 2021/11
Image
Le blogue du rédac

De quoi Guy Nantel est-il la somme?

Par Fred Dubé le 2021/11

« Comme personnage, je dis vraiment ce que je pense. D’autres fois, je grossis ce que je pense et des fois, je dis le contraire de ce que je pense. Et je me fie sur l’intelligence du monde. »

Guy Nantel, humoriste confus

À la fin de son livre, Guy Nantel écrit que « se moquer de l’autre n’est-il pas le premier signe d’inclusion et d’acceptation? (…) À mon avis, il est parfaitement sain que l’humour égratigne ses cibles. » Dans ce cas, le texte qui suit vise à inclure et à accepter monsieur Nantel très sainement.

– Le comique a voulu être le chef du PQ en 2020. À l’hippodrome, Guy Nantel c’est le jockey assis sur une carcasse de cheval mort qui crie «la victoire est à nous !» en faisant des bruits de sabots avec sa bouche.

– La seule façon de le rendre utile, ce serait de collecter l’aqueduc d’une des 38 communautés autochtones sans eau potable à sa grosse tête d’hydrocéphale.

– Comme a déjà dit Greta Thunberg lors d’un discours à l’ONU : « C’est quoi la différence entre Guy Nantel et un tampon ? Aucune, les deux vont finir ensanglantés au bout d’une corde. »

Ça fait du bien d’inclure et d’accepter monsieur Nantel par la moquerie en se fiant à l’intelligence du monde. Le polémiste serait fier de moi, j’applique ses conseils. Maintenant, essayons de répondre à la question : de quoi Guy Nantel est-il la somme ?

Tout d’abord, son livre, que j’ai lu au complet. Je précise « au complet », car ce fut une entreprise comparable au supplice de la goutte d’eau. Le moment le plus comique du livre, c’est quand Nantel se proclame de centre-gauche. J’ai ri ! À l’image de François Legault qui s’est revendiqué de la « gauche efficace » dernièrement. On le constate, seule la droite ose encore se dire de gauche. Bienvenue en confusionnisme. Mettons un truc au clair : ce livre n’est pas offensant, il est médiocre, populiste et démagogue, le tout écrit platement dans un style qui rappelle les Prairies canadiennes. C’est même pas un livre, c’est un outil promotionnel pour faire parler de Guy Nantel et vendre des billets pour son prochain show qui vient d’être annoncé comme par hasard et qui sera sans doute une version stand-up de Zemmour et des Télétubbies. Guy Nantel est le troisième lien de l’humour : un sujet qui s’impose constamment à l’actualité dont on pourrait facilement se passer.

Prudence : ne critique pas qui veut le boute-en-train.

Sur Facebook, j’ai écrit une très courte critique de son livre et je me suis fait bombarder d’insultes haineuses et d’attaques personnelles par monsieur Nantel en premier lieu et ensuite de ses admirateurs appâtés qui, paradoxalement, dénoncent les offensés et prônent la liberté d’expression. Évidemment, certains humoristes sont venus à la défense de Ti-Guy m’accusant d’être moralisateur et de créer une chicane pour attirer l’attention. Comme ils sont fragiles les « on-peut-pu-rien-dire ». Ainsi critiquer un livre qui nie le racisme systémique; un livre qui épouvante avec des concepts politiques comme la dictature des minorités, le racisme inversé; un livre qui affirme que les antifascistes sont les fascistes; un livre qui défend les mêmes idées identitaires que la CAQ, le Rassemblement national, Mathieu Bock-Côté (qualifié d’intellectuel réac œuvrant dans un média d’extrême-droite en France); un livre qui est « une arme polémique contre les savoirs critiques »; un livre confus qui s’appuie sur les préjugés répandus par les chroniqueurs de Québecor; critiquer tout ça pour mes détracteurs, c’est simplement « se chicaner dans le but daugmenter sa fanbase »? C’est un bel euphémisme employé par des larbins qui ne subiront pas les contrecoups des préjugés et des idées politiques véhiculées par ce livre et son auteur. Quand un antagoniste politique critique des idées réactionnaires, les idiots utiles appellent ça de la « chicane ». Si j’avais voulu faire avancer ma « carrière » en augmentant mon fanbase, je n’aurais pas lu un livre, j’aurais plutôt fait comme les humoristes mainstream pis joué dans des publicités pour promouvoir tout ce qui détruit la planète.

« Cet univers [les médias sociaux] a fini par faire ressurgir le pire de l’humanité et à provoquer les incivilités, la grossièreté, le manque de respect et de solidarité. » 

Guy Nantel, Le livre offensant

« Je te savais piètre humoriste, mais ne te transforme pas en humain minable Fred. »

Guy Nantel, Facebook, 13 novembre  2021

Guy Nantel est un homme qui écrit mais qui devrait plutôt lire. Il impose constamment ses définitions personnelles à des mots et des théories que visiblement il ne comprend pas. Pire, Nantel ne veut pas comprendre. Et lorsque l’humoriste béotien se sent menacé, il tombe rapidement dans les attaques personnelles quitte à inventer des faits pour humilier son antagoniste. Autrement dit, Guy Nantel est un charognard se nourrissant d’informations mortes. Un mercenaire de la désinformation qui trempe sa plume dans la bile de son amertume. Un nationaleux identitaire souhaitant râler des clichés sans qu’on lui réponde comme dans le bon vieux temps. Un péquiste passé date qui espère encore les fausses promesses de l’État-Providence des Trente glorieuses. Ses « idées » politiques sont à l’image de son humour : 60 ans en retard. Le plus ironique, c’est que Nantel applique à merveille les tactiques militantes «wokes» qu’il dénonce : intimidation, acharnement, menaces, humiliation, censure.

« Le comité décisionnel de l’établissement avait refusé ma visite parce qu’il jugeait que je n’étais pas un bon modèle pour les prisonniers. »

Guy Nantel, Le livre offensant

Selon Guy Nantel, Guy Nantel défend la liberté d’expression contre les moralistes wokes et le politiquement correct qui incarnent la pensée dominante. Dans son délire paranoïaque, il affirme même que la gauche radicale contrôle les médias. Comme on le sait, y’a pas un bulletin de nouvelles sans que Pierre Bruneau ne parle d’abolir la propriété privée ou que Patrice Roy ne milite en faveur du municipalisme libertaire sans parler des louanges de Mario Dumont envers l’écoféminisme. Bien oui toé chose ! Ce chevalier scalpé du bonnet veut sauver l’humour et son industrie de la censure ! Mais l’industrie de l’humour défend-elle réellement la liberté d’expression ?

Du temps où je voulais changer les choses de l’intérieur, j’ai été sur le C.A. de l’Association des professionnels de l’industrie de l’humour (APIH). On produisait surtout le gala Les Oliviers. Autour de la table, y’avait juste des membres de l’industrie de l’humour, principalement des producteurs, des agents, des diffuseurs, des manageurs, bref des businessmen qui ne cessent de brimer la création des artistes pour ne pas déplaire aux commanditaires, aux corporations, à la vente de publicités, aux cotes d’écoute; des businessmen qui n’ont qu’un seul mantra « pense à ta carrière »; des businessmen qui incitent leurs artistes à aborder des sujets consensuels pour remplir leur grosse salle et participer à des galas télé; des businessmen qui font miroiter des rêves de célébrité et de trophées pour que les artistes s’autocensurent pour ne pas nuire à cette quête. Les seuls artistes qu’ils défendent ce sont les créateurs de profits. Lorsque l’industrie de l’humour s’inquiète pour la liberté d’expression, ce qu’il faut comprendre, c’est qu’elle a peur pour sa liberté économique et son mode de vie ostentatoire. Ils défendent une industrie de vendeurs de char. On peut rire de tout, tant qu’au final, c’est le Capital qui rit de nous.

Ça me rappelle cette mini anecdote sur la liberté d’expression au sein des corporations culturelles. À l’été 2020, je tournais une émission d’humour pour la télé qui se targuait justement de repousser les limites, sur une chaine appartenant à Bell. Un segment de l’émission était composé d’entrevues et une des questions était : « Peut-on rire de tout? » J’ai répondu : « Non. Ça ne dépend pas seulement de ce que tu dis, mais où tu le dis. Qui paye les violons choisit la musique. Comme ici par exemple, qui est le producteur et/ou le diffuseur? Bell Canada? Je ne pourrais pas faire des blagues sur le fait que cette corporation psychopathe redore son image avec la campagne de philanthrocapitalisme « Bell cause » pour masquer les mauvaises conditions de travail de ses employés en plus de sauver de limpôt. » L’équipe technique sur le plateau s’est esclaffée de rire. Mais ma réponse fut évidemment coupée au montage.

L’industrie de l’humour, c’est des riches qui se moquent des pauvres pour faire rire la classe moyenne. Ce ne sont plus des fous qui rient de rois, mais des rois qui rient des fous. Le plus ironique, c’est qu’alors que ces riches comiques s’acharnent sur ceux et celles qui ont moins de pouvoir qu’eux, ils se pensent audacieux et à contre-courant, mais en réalité ils révèlent que ce sont eux les intouchables. Ces humoristes dorés ne peuvent plus être subversifs, car ils sont au sommet de la pyramide sociale. Il ne reste plus qu’à ces Don Quichotte de s’inventer des épouvantails et à puncher dessus pour continuer d’exister aux yeux d’un public trompé.

« Dans un même numéro, je veux à la fois me moquer du crétin rempli de préjugés que de la personne qui subit de la discrimination et qui se victimise à outrance pour attirer l’attention. »

Guy Nantel, Le livre offensant 

L’industrie de l’humour est un chenil où on élève des bouffons aux réflexes pavloviens. Des gentils toutous qui en entendant la cloche du showbizz arrêtent de japper et commencent à saliver. Aucunement besoin de censurer des carriéristes, l’appât du gain fait la job en moulant leur créativité pour répondre aux besoins des patrons, des producteurs, des annonceurs et des publicistes. Quand des humoristes vendent leur maison plusieurs millions de dollars en pleine crise du logement, j’ai le goût d’appeler la police.

Dans leur numéro d’humour, les comiques nantis ne parlent pas du fait qu’ils sont riches. Ils engagent de jeunes auteurs pour transformer leur histoire de parvenu en anecdote de classe moyenne. Ils vont censurer la richesse dans leur texte. C’est ainsi que leur voyage de luxe se transforme en anecdote loufoque où le comique a vomi dans le filtreur de la piscine. Des anecdotes de vaisselle sale, sans mentionner qu’ils ont une femme de ménage immigrante à leur service. Des souvenirs nostalgiques de leur enfance et du secondaire, leurs derniers vestiges d’une vie normale où leur quotidien ressemblait encore à celui de la classe laborieuse.

Il n’y a pas d’autre objectif que la croissance pour cette industrie. La sainte-croissance. Croissance économique, croissance des profits, carrière en croissance, popularité croissante, croissance personnelle. On se dit que : « Mon nom est une marque de commerce qui doit sexprimer pour croître. » Les humoristes, on veut tous être une courbe sur un graphique qui monte vers le ciel et perce les nuages pour prendre la place du soleil, comme autant de petits Louis XIV. Mais au moins, quand le Roi Soleil invitait sa cour à le regarder produire de la merde au petit matin, il avait la décence de ne pas vendre de billets. 

Guy Nantel est la somme d’un humour industriel, de combats politiques imposés par la droite réactionnaire comme en France, de la peur d’un monde qui change, ainsi que d’un égo à la grosse tête enflée à l’hélium. Critiquer le farceur sans remettre en question l’industrie de l’humour et les idéologies qu’elle propage, c’est passer à côté de l’aspect systémique. De voir à la télé un gala où des plaisantins privilégiés se donnent des trophées en pleine pandémie mortelle, ça fait aussi partie du problème. Guy Nantel n’est pas un mélanome cancéreux qui pourrit le corps de cette industrie, il représente l’une de ses incarnations physiques en santé. C’est le Guy Nantel systémique qui reste à corriger.

Ce qui revient à dire que je fais également partie du problème. Il y a dans mon coeur un mini Guy Nantel qui veut sortir mais je verrouille ma cage thoracique.   Le Ti-Guy tout riquiqui essaye de scier les barreaux mais je verse du whisky dessus et inhale une bouffée de cigarette pour le calmer. Il y a dans ma bouche un petit oiseau bleu avec le visage de Guy Nantel qui veut crier mais je ferme ma gueule. Je ne le laisse sortir que de temps en temps la nuit quand tout le monde dort. Je lui dis, je sais que tu es là, alors ne sois pas triste, et on dort ensemble liés par notre pacte secret, nos angoisses, et c’est assez beau pour faire pleurer même un humoriste. (1)


[1] Paragraphe librement inspiré d’un poème de Charles Bukowski.

Partager l'article

Image

Voir l'article précédent

Profondeur, lumière et douceur chez France Cayouette

Image

Voir l'article suivant

DE L’AUTRE CÔTÉ DU BLIZZARD