
Parfois, lors des après-midis froids et mélancoliques d’automne, je me demande ce que sont devenus nos premiers ministres après leur mandat d’homme d’État? Je m’inquiète. J’espère qu’ils ont bien su se recycler? Qu’ils ne manquent de rien…
Pierre-Elliott Trudeau, Brian Mulroney, Jean Chrétien, Lucien Bouchard, Jean Charest, etc., tous d’ex-premiers ministres, ont été embauchés par de grands bureaux d’avocats après leur carrière politique pour servir et défendre des intérêts privés au détriment de la population.
Le site Droit-Inc nous donne un exemple au lendemain de la retraite politique du premier ministre Charest : « En fait, le cabinet qui embauchera Jean Charest n’a rien à faire de ses talents d’avocats. Comme la plupart des ex-politiciens, il aura pour rôle d’ouvrir des portes et de rapporter des mandats grâce à ses contacts – nombreux – et sa notoriété. » (1) Donc, ces hommes, qui ont eu accès au pinacle du pouvoir gouvernemental, échangent leurs contacts et leur expertise au sein de l’État pour servir les pouvoirs et les profits privés. Et c’est une pratique normale, voir banale. Il y a quelque chose de pourri au royaume du Canada.
Voici la petite enquête d’un curieux-senteux-péteux mélancolique.
Jean Chrétien au service des pétrolières
En janvier 2004, un mois seulement après avoir quitté la vie politique, Jean Chrétien se joint au cabinet d’avocats Heenan Blaikie. Il est approché trois ans plus tard pour faciliter les échanges entre la société Madagascar Oil et le gouvernement malgache pour l’exploitation pétrolière sur l’île. (2)
En juillet 2009, on apprenait que « l’ancien premier ministre devient conseiller international de la société pétrolière et gazière Ivanhoe Energy. » (3)
Ces nombreuses collaborations avec les puissances pétrolières qui saccagent le monde étaient déjà bien installées pendant son règne à Ottawa. En 2003, on pouvait lire que « le premier ministre Jean Chrétien s’est engagé cette semaine devant l’industrie canadienne du pétrole à limiter le fardeau financier du protocole de Kyoto sur les grands projets, tels que les projets de sables bitumineux. » (4)
Et on se demande encore pourquoi la « transition énergétique » fait du moon walk.
Lucien Bouchard porte-parole de l’industrie pétrolière et gazière
Notre cher bonhomme Bouchard est entré en fonction comme président de l’Association pétrolière et gazière du Québec après avoir été premier ministre et chef du Bloc. L’homme d’influence disait vouloir convaincre les Québécois de la nécessité d’aller de l’avant avec l’exploitation du gaz de schiste : « Je vois la découverte au Québec de volumes importants de gaz naturel comme un atout très important pour notre développement économique et le financement des missions de notre État. » (5) TVA titrait : « Lucien Bouchard appelé en renfort ». Intéressant. Si l’industrie pétrolière appelle un ancien premier ministre en renfort, c’est contre qui? Nous autres, gang! Après avoir fait échouer la vague indépendantiste du Québec, il essaya de surfer sur une marée noire.
Stephen Harper au service des technologies de surveillance
Après avoir été l’ennemi des journalistes et des scientifiques à Ottawa, Stephen Harper joue maintenant un rôle important dans une firme d’espionnage qui investit dans 18 compagnies israéliennes de cybersécurité : « L’ancien premier ministre du Canada, Stephen Harper, est un associé de la firme torontoise AWZ Ventures qui veut faciliter la vente de technologies de surveillance aux Émirats arabes unis, un régime autoritaire. » (6) Malgré que cette décision soit dénoncée par des experts en cybertechnologies et en droits de la personne du Canada, du Royaume-Uni et d’Israël, l’ancien leader conservateur reste solidaire avec ses acolytes du Mossad, de la CIA et du MI5. Un jour, le cancer attrapera un Harper.
Jean Charest lobbyiste des multinationales et des pétrolières
En 2013, très peu de temps après sa défaite électorale, monsieur loi spéciale fut engagé chez le cabinet d’avocat McCarthy. Son premier mandat? Assister la société minière Teranga Gold dans ses négociations avec le Sénégal, où la société exploite une mine d’or.
En pleine pandémie, alors que les commerces locaux se brûlaient la chandelle par les quatre bouts, Jean Charest se faisait lobbyiste pour des entreprises comme Costco. (7) Il fut aussi lobbyiste pour les pipelines TC Énergie, une société active dans l’industrie pétrolière. Force est de constater que nos anciens premiers ministres carburent tous au gaz.
Encore plus inquiétant, non seulement Charest avait été engagé par TransCanada pour agir à titre de conseiller, mais le Globe and Mail a révélé qu’en janvier 2016, l’ancien premier ministre du Québec a appelé Gerald Butts, secrétaire principal de Justin Trudeau, afin d’organiser une rencontre entre TransCanada (promoteur de l’oléoduc Énergie Est) et l’équipe du premier ministre du Canada. (8) Après nous avoir passé des sapins mafieux, l’ancien premier ministre libéral a voulu nous passer un pipeline bitumineux.
Philippe Couillard conseiller pour les multinationales
Monsieur Couillard, aussi appelé « le mercenaire de la santé », s’est vu offrir un très lucratif job dans un cabinet d’avocats multinational, et ce, même s’il n’a aucune formation d’avocat. « Il se joint au cabinet à titre de Conseiller principal, Affaires. », pouvait-on lire dans le communiqué.
À noter que Dentons est également l’un des plus grands cabinets quant au chiffre d’affaire, en 2017 il était classé sixième mondial. Les secteurs d’activité, où Philippe pourra conseiller et ouvrir des portes grâce à ses contacts, sont : activités minières, assurances, énergies (pétrole), institutions financières… Bref, disons que le cabinet Dentons ne défend pas la veuve et l’orphelin.
Brian Mulroney au service des minières
Mulroney a eu une carrière très lucrative en tant qu’avocat chez Ogilvy Renault et consultant d’affaires internationales. Sa relation étroite avec l’ancien président américain George H. W. Bush lui a bien servi. Mulroney siège actuellement sur le conseil d’administration de plusieurs entreprises, incluant Barrick Gold (puissante minière, souvent accusée en justice, qui a pratiquement violé tous les droits environnementaux et humains : « pillage, corruption et criminalité en Afrique », annonçait le livre censuré Noir Canada).
D’ailleurs, les trois anciens premiers ministres canadiens, Brian Mulroney, Jean Chrétien et Paul Martin, ont des liens avec le monde des paradis fiscaux, selon les Paradise Papers. (9) Et le jeune Justin Trudeau a passé ces dernières vacances en famille chez un homme lié aux Paradise Papers. (10)
Le plus inquiétant, c’est que ces nombreuses collaborations n’ont pas débuté après leur rôle de premier ministre, mais bien avant et surtout pendant. Combien de projets de loi écologiques, d’alternatives énergétiques, de progrès sociaux ont été bloqués par ce grenouillage immoral? On me rétorquera que la majorité de la population a voté pour eux, alors arrêtons de nous plaindre. C’est faux. En septembre 2021, le parti Libéral fut réélu avec 19% des voix citoyennes. Prendre le pouvoir avec si peu d’appuis, ce n’est pas de la démocratie, c’est un coup d’État.
[2] https://ici.radio-canada.ca/nouvelles/special/2017/paradise-papers/ex-premier-ministre-canada-jean-chretien-lobbyiste-madagascar-oil/index.html
[6] https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1827612/stephen-harper-awz-surveillance-emirats-arabes-unis
[7] https://www.journaldemontreal.com/2020/04/22/relance-de-leconomie-charest-se-fait-lobbyiste-pour-des-entreprises-se-disant-essentielles
[8] https://www.ledevoir.com/societe/environnement/464507/energie-est-jean-charest-a-tente-d-organiser-une-rencontre-entre-transcanada-et-le-cabinet-de-trudeau