La nomination d’une personnalité inuite comme gouverneure générale est une grande première. Belle occasion d’examiner ce qu’est devenu le Canada depuis le rapatriement de la Constitution en 1982. Rappelons d’abord que, jusqu’en 1947, les Canadiens étaient des sujets britanniques et les gouverneurs généraux, jusqu’en 1952, des lords anglais.
LE CANADA DE TRUDEAU PÈRE
La gouverneure générale Mary Simon parle l’inuktitut, sa langue maternelle, et l’anglais, la langue de son père. Pourquoi lui reprocherait-on de ne pas parler français, elle n’en a jamais eu besoin. En effet, ne pas s’exprimer dans les deux langues officielles ne l’a pas empêchée de mener une brillante carrière au sein de la diplomatie canadienne. Elle est la preuve que le Canada imaginé par Pierre Elliot Trudeau — un état multiculturel, bilingue coast to coast grâce au levier que constituerait l’exigence des deux langues officielles pour faire carrière dans la fonction publique fédérale — n’était qu’une chimère. Cette vision utopique a néanmoins réussi à éliminer du paysage la notion si encombrante des deux peuples fondateurs et la menace du dangereux « séparatisme ». Je parie qu’une majorité de Canadiens souhaiteraient maintenant se débarrasser d’une des deux langues officielles. Holy shit!
LES « VOIES ENSOLEILLÉES » DE TRUDEAU FILS
Jusqu’à son fabuleux voyage en Inde, Justin Trudeau avait une image plutôt positive à l’international. Sur la scène nationale, les faits et gestes remarquables de Trudeau fils s’inscrivent surtout dans la propension du premier ministre à dépenser à tout crin et à s’excuser, poussant parfois l’empathie jusqu’à verser une petite larme pour la galerie. Justin Trudeau brille par ses belles paroles (en anglais et en franglais) et son absence de substance. La réforme électorale promise a rapidement été écartée; les libéraux ont fait volte-face au sujet du contrôle des armes à feu; le Service canadien des forêts n’a toujours pas de plan précis ni de budget pour remplir la promesse de planter deux milliards d’arbres supplémentaires d’ici 2030, ce qui avait été pourtant présenté comme l’élément essentiel de la stratégie canadienne pour la lutte contre les changements climatiques. Par ailleurs, le fédéral a acheté un pipeline en Alberta et 12,8 milliards ont été versés à l’industrie pétrolière en 2020 malgré la promesse de ne plus la subventionner. En matière de substance, Justin Trudeau a tout de même légalisé la marijuana. Holy smoke!
On a souvent dit que le point faible de Pierre Elliot Trudeau était la gestion économique; si on se fie au Directeur parlementaire du budget à Ottawa, Trudeau fils serait en voie de faire beaucoup mieux : l’argent du fédéral coule à flots. Selon son rapport, le gouvernement fédéral mettrait 48 ans à se remettre financièrement de la pandémie. Holy moly!
DE NATION À NATION
Les peuples autochtones ont toujours affirmé qu’ils souhaitaient négocier avec le Canada de nation à nation. Si l’une des leurs est la représentante d’Elizabeth, reine du Canada (et monarque de 15 autres pays), symbole par excellence du colonialisme, ne se retrouvent-ils pas en porte à faux et Mary Simon en conflit d’intérêts? Pas vraiment. Il n’y a aucun pouvoir politique réel rattaché à la fonction de gouverneure générale, un poste purement symbolique dans une monarchie constitutionnelle. Situation pour le moins singulière toutefois : la Loi sur les Indiens, cette loi coloniale, existe toujours. La nomination d’une Inuite n’effacera pas l’horreur des charniers, mais si jamais sa simple présence contribuait à faire abolir cette loi raciste, alors le jeu en vaudrait la chandelle.
Cette nomination montre qu’une des deux langues officielles est moins « officielle » que l’autre; elle annonce symboliquement le début de la fin du statut du français au Canada. Certains disent qu’on devrait y ajouter des langues autochtones, mais il faudrait alors les inclure toutes, soit une soixantaine, ce qui serait ingérable; il y a des améliorations de la qualité de vie des peuples autochtones qui seraient nettement plus utiles.
Y a-t-il encore quelqu’un pour croire que le projet de loi C-32, dont la prétention est de mieux protéger et promouvoir le français au Canada, soit autre chose qu’un « joli » miroir aux alouettes? Malheureusement, ce n’est pas ce qui est le plus inquiétant au pays. Le Canada se réchauffe deux fois plus vite que le reste de la planète, mais pour les libéraux, il semble que ce soit : après nous le déluge et vogue la galère… Holy hell!