Le blogue du rédac

« Nous ne sommes pas seuls » : le bilan de campagne de Noémi Bureau-Civil

Par Rémy Bourdillon le 2021/09
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« Nous ne sommes pas seuls » : le bilan de campagne de Noémi Bureau-Civil

Par Rémy Bourdillon le 2021/09


C’était l’invitée surprise des élections fédérales dans Rimouski-Neigette–Témiscouata–Les Basques : lundi, Noémi Bureau-Civil a réussi à grappiller 3,5 % des voix, faisant mieux que la moyenne canadienne du Parti vert. Cette candidate indépendante prônant la décroissance choisie, inconnue dans la région jusqu’alors, confesse qu’elle n’espérait pas à un tel score : « Je m’attendais à zéro virgule quelque chose, peut-être 1 %… Je m’étais dit que si j’avais plus de voix que le parti de Maxime Bernier, ce serait encourageant. C’est réussi! »

En lançant sa campagne, le 1er septembre, elle était nerveuse : au début de sa conférence de presse, elle a rappelé qu’elle n’était pas habituée à être une tête d’affiche, mais plutôt une alliée qui travaille dans l’ombre. Quelques jours plus tard, on pouvait déjà constater qu’en devenant porte-parole de la décroissance, elle suscitait beaucoup d’intérêt chez les gens désabusés par la politique partisane et l’incapacité des gouvernements à concevoir un autre rapport au monde que l’exploitation.

« Plusieurs bénévoles se sont joints sans qu’on leur demande, raconte la trentenaire. Beaucoup de gens m’ont remerciée, j’ai même reçu des dons de personnes vivant dans d’autres circonscriptions, qui auraient aimé pouvoir voter pour quelqu’un comme moi. Ça fait plaisir de voir qu’une solidarité s’est créée autour de ce message. »

La population est ouverte à l’idée de décroissance

Noémi Bureau-Civil a même réussi un exploit probablement inédit dans toute l’histoire des élections fédérales canadiennes : le chef d’un autre parti a fait du bénévolat pour sa campagne et a appelé ses partisans à voter pour elle – il s’agit de Sébastien CoRhino, du Parti Rhinocéros.

Sur le terrain, elle a pu tester la réception de la décroissance auprès du grand public. Elle dit avoir ressenti de l’ouverture et de l’écoute, y compris de la part des autres candidats. Cela fut même le cas lors du débat organisé par la Chambre de commerce du Témiscouata, quand elle a critiqué la formulation des questions – les humains y étaient un peu trop vus comme des ressources corvéables à son goût. « La population est plus prête qu’on ne le laisse croire pour tenir un débat sur la décroissance. Ça a révélé que nous ne sommes pas seuls. »

En bref, cette candidate insolite et son discours radical (« qui vise à agir sur la cause profonde de ce que l’on veut modifier », selon Le Robert) ont réussi à susciter de la curiosité, même si la question de la faisabilité d’un tel projet lui a souvent été posée.

Il faut bien parler de la décroissance, pourtant, pour qu’elle ait une chance d’advenir : en France, trois personnes sur quatre sont d’accord avec l’idée qu’il faut adopter un mode de vie plus sobre pour faire face à l’urgence climatique. On peut penser qu’au Québec aussi, l’idée fait son chemin. Même le GIEC commence à évoquer la nécessité de la décroissance…

Discrétion médiatique

Ceci dit, parler d’une idée, cela passe par les médias. Noémi Bureau-Civil a eu l’honneur des pages du Devoir, où Aurélie Lanctôt lui a consacré une chronique. Cependant, au niveau régional, la couverture a été modeste : quelques articles ont parlé de sa candidature, mais contrairement aux autres courtisans, elle n’a pas eu droit à une entrevue à l’émission matinale de Radio-Canada. La radio parlée CFYX n’a pas non plus jugé bon de la recevoir.

Avoir vécu la campagne de l’intérieur a permis à la candidate indépendante d’avoir une réflexion sur les biais de l’exercice. « Quand on est l’électeur, on se dit que c’est notre devoir de citoyen de voter de manière éclairée, mais est-ce que les médias jouent leur rôle d’éclairer la population quant au choix qu’elle a à faire? Malheureusement, ma réponse est non. Comment cela se fait qu’on a un média d’État, en l’occurrence Radio-Canada, et que tous les candidats ne peuvent pas s’y exprimer de manière équitable? »

Il serait pertinent, ajoute-t-elle, que les électeurs reçoivent par la poste les programmes de tous les candidats au même moment. Et que la formule du vote par anticipation soit revue, toujours dans l’optique que chacun ait accès à l’ensemble de l’information : « Il m’est arrivé de rencontrer des personnes et de leur expliquer mon programme, puis qu’elles me répondent « Avoir su que tu existais, j’aurais voté pour toi! » »

Un mouvement à consolider

Mais celle qui termine sa saison en tant qu’aide-maraîchère n’a jamais pensé qu’elle serait élue. « Mon but, c’était de diffuser le message de la décroissance, et créer un mouvement citoyen pour que les personnes prennent en main la démocratie qui est très abîmée, et mettent en place des alternatives au système actuel. »

De Saint-Anaclet à Rivière-Bleue, 1471 personnes endossent l’idée de décroissance, ce qui représente bien des forces vives à mobiliser. Alors, c’est quoi la suite? Noémi Bureau-Civil aimerait organiser un festival de la décroissance au Bas-Saint-Laurent le printemps prochain, histoire que ces gens se rencontrent, et d’en attirer d’autres.

Une élection n’attendant pas l’autre, elle invite toutes les personnes qui ont envie de changer les choses à se lancer dans la campagne municipale. « Pendant la campagne, j’ai utilisé trop souvent l’expression « en tant que citoyen ordinaire ». Je vais arrêter de le faire : être citoyen ou citoyenne, c’est extraordinaire. Il faut se saisir du pouvoir qu’on a et de tous les leviers possibles. Et ce n’est pas juste pendant les élections… »

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