
Avec un titre qui annonce clairement sa trajectoire, l’ouvrage d’Anne Plourde campe une réflexion fort bien articulée sur la lutte des classes sociales au cœur des enjeux qui touchent la santé au Québec. L’auteure, docteure en science politique, est chercheuse à l’IRIS, notre think tank de gauche. Son livre, en bonne partie tiré de sa thèse de doctorat et paru en avril dernier chez Écosociété, s’avère un incontournable au moment où la tentation sera forte au Québec dans les prochains mois d’éviter de faire l’examen de ce qui n’a pas fonctionné depuis le début de la pandémie.
Partant du point de vue que depuis la révolution industrielle, le capitalisme est une menace pour notre santé, l’auteure dresse le portrait des ravages du système économique dominant qui carbure à la maladie et à l’exclusion. Si la mort est souvent perçue comme une justice universelle, la maladie et les soins de santé eux sont l’objet de spéculations et d’un marché extrêmement lucratif, et ne sont pas accessibles à tous de la même manière. Cette injustice a été à l’origine d’un laboratoire de solidarité et de luttes sociales au Québec depuis la Grande Noirceur.
Anne Plourde reprend la petite histoire des luttes populaires et ouvrières liées à la santé, qui se sont cristallisées dans la fondation de la Clinique communautaire de Pointe-Saint-Charles et par la création du réseau des centres locaux de santé communautaire (CLSC) en 1971. Inspirés par un esprit de réappropriation des soins de santé par la communauté et avec la volonté de rendre les soins accessibles et proches des gens, les CLSC auront connu de belles années à l’aube du néolibéralisme et de la contre-attaque capitaliste des années 1980 et1990.
Douze réformes libérales et péquistes plus tard, l’auteure constate les miettes de ce qui reste et offre une réflexion sur les effets de la pandémie sur notre système déjà en ruine.
La lecture de l’ouvrage d’Anne Plourde rappelle combien nombreux sont les enjeux et les menaces qui planent sur notre régime universel de soins de santé et sur nos outils collectifs. Elle nous convainc aussi que les forces en présence, surtout celles du capital financier et des intérêts corporatifs, sont une menace pour la pérennité de notre régime public. L’État doit jouer son rôle de régulateur, ce qu’il ne fait plus depuis quatre décennies. Quarante ans de reculs malgré la résistance auront eu l’effet de nous acculer à la quasi-faillite, au moment où le bris de soins et l’arbitraire médical nous menacent comme jamais. Mais tout n’est pas une fatalité, l’auteure nous en convainc en proposant six pistes de solutions, présentées comme une nouvelle « révolution tranquille », qui visent à extirper le domaine de la santé des mains des capitalistes.
Ce que les capitalistes nous ont vendu comme des certitudes sont en fait des faux-fuyants : le capitalisme se retrouve face à ses contradictions et perd sa légitimité. Et si la santé pour tout le monde devenait le nouvel idéal de la révolution?
Lecture recommandée à nos anges gardiennes et à toutes celles qui tiennent ce qui reste du système de santé à bout de bras.