Actualité

Logement en crise

Par Pénélope Roberge le 2021/07
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Logement en crise

Par Pénélope Roberge le 2021/07

Le sol, la terre, une terre, un lot ne devraient-ils pas être perçus comme un bien collectif? Ils nous seraient prêtés, le temps de notre passage dans ce monde, comme un héritage à soigner pour les générations à venir, pour nos enfants, les enfants de nos enfants. Si on possédait autrement? Si on cessait de voir la propriété foncière comme notre fonds de retraite, comme notre assurance vieillesse? Si au lieu de s’arroger les ressources, on se les partageait au profit de tous.

Aujourd’hui, au Québec, environ 80 % de la population vit en zone urbaine. Ce mouvement de population du monde rural vers la ville, entamé au cours de la révolution industrielle, crée une pression sur le périmètre urbain. Qui dit augmentation du territoire habitable dit diminution des aires protégées pour l’agriculture et les milieux naturels. On se retrouve donc dans une province où les villes s’étalent pour presque se rejoindre et où les terrains constructibles se raréfient et deviennent plus coûteux. En trente ans au Québec, le coût de l’immobilier a bondi en moyenne de 121 % et le coût des terres agricoles a augmenté de 35 % entre 2007 et 2014. Dans le milieu locatif, le portrait ne semble pas plus reluisant, avec un taux d’inoccupation moyen de 1,7 % dans l’Est-du-Québec et de 0,9 % à Rimouski, alors que dans un marché équilibré, ce taux se situe à 3 %. Sommes-nous en train de revenir à une nouvelle ère seigneuriale où seuls quelques privilégiés peuvent posséder une habitation?

Comment pouvons-nous rééquilibrer ce marché afin de nous loger convenablement? Les organismes de défenses des droits des locataires, tels que le Comité logement Rimouski-Neigette, demandent au gouvernement quelques actions :

  1. La création d’un registre des loyers qui aurait pour effet d’éviter les hausses abusives : le locataire détiendrait l’information nécessaire pour refuser l’augmentation de son loyer.
  2. L’imposition à 100 % du gain en capital réalisé lors de la vente d’une résidence secondaire.
  3. L’instauration d’une taxe aux investissements immobiliers étrangers gérée par les municipalités.
  4. Afin de contenir le phénomène des flips immobiliers (achat-revente), la mise en place d’une taxe sur le profit lors de reventes rapides (à l’intérieur de cinq ans).
  5. L’impôt reste toujours un bon moyen de décourager l’investissement. En attendant que le gouvernement agisse, nous citoyens et citoyennes, reprenons notre pouvoir et pensons à l’impact de nos décisions lorsque nous décidons de vendre notre maison bien au-delà de l’évaluation municipale ou lorsque nous décidons de transformer notre habitation en logement Airbnb. Avant d’augmenter un loyer, réfléchissons plus loin que notre portefeuille. Voici quelques pistes d’actions citoyennes à considérer.
  6. Lorsque vous quittez votre loyer, laissez votre bail sur la table ou essayez de le donner en main propre au nouveau locataire : il connaîtra le coût du loyer précédent et détiendra l’information nécessaire pour contester l’augmentation.
  7. Si vous êtes victime d’une augmentation abusive, contestez, demandez de l’aide ou de l’information aux organismes de défense des droits des locataires de votre région. Ils connaissent les lois qui protègent les locataires. La rédaction d’une simple mise en demeure pourrait vous faire économiser quelques dollars par mois et ralentir l’escalade d’augmentation des loyers.
  8. Au moment de la retraite, au lieu de vendre sa terre à un investisseur étranger, il est possible de la placer dans une fiducie d’utilité sociale et de protéger sa vocation à perpétuité, comme l’a fait Jean Bédard avec la ferme SageTerre. Cette terre possède son patrimoine distinct, et sa vocation agricole est protégée pour toujours. Si des milieux naturels se trouvent sur votre terre, vous pouvez aussi les protéger en créant une servitude de conservation. Certaines organisations, telles que Horizon-Nature Bas-Saint-Laurent, travaillent aussi à la conservation des milieux naturels et peuvent faciliter certaines démarches.

La Ville de Percé a décidé de prendre les choses en main en interdisant les logements de type Airbnb sur son territoire. Inspirons-nous de cette idée. Au nom des générations futures, cessons de considérer la planète comme une marchandise, changeons de paradigme et partageons au lieu de posséder. Alors que le groupe Desjardins prévoit que le prix médian des maisons, toutes régions confondues, sera de 450 000 $ en 2021, il est plus que temps de se questionner sur la moralité de la spéculation foncière. La Terre n’est pas à vendre, elle nous est prêtée, il est de notre responsabilité à tous de travailler à ce que tous les habitants aient un toit et de la nourriture; protégeons notre garde-manger collectif. Reprenons le contrôle de notre territoire et assurons ainsi la sécurité de la population et de notre écosystème.

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