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Un système de santé toujours sous assistance respiratoire

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Un système de santé toujours sous assistance respiratoire

Dès les premières semaines où la COVID-19 a atteint le Québec, on nous a parlé de l’importance « d’aplatir la courbe » pour éviter un pic de cas que notre système de santé ne pourrait pas accueillir. De nombreuses mesures ont donc été mises en place pour ralentir la propagation du virus et éviter de surcharger le système de santé. Mais parallèlement, des mesures ont-elles été prises pour rendre ce dernier plus apte à répondre à de futures crises?

UN SYSTÈME DE SANTÉ DÉPOUILLÉ DE SA RESPONSABILITÉ SOCIALE

Si notre système de santé n’a pas la capacité de répondre à la pression causée par la propagation de la COVID-19, c’est qu’il souffre d’un sous-financement chronique, sans compter les nombreuses réformes qui l’ont rendu inapte à répondre aux besoins de l’ensemble de la population. L’adoption d’un modèle centré sur des cliniques privées financées par l’État, les groupes de médecine familiale (GMF), au détriment du modèle communautaire des CLSC, n’a pas amélioré l’accessibilité à un médecin de famille1. La centralisation des pouvoirs et la gestion inspirée de l’entreprise privée, comme la méthode Toyota/Lean implantée dans les hôpitaux, n’ont pas diminué le temps d’attente aux urgences2. En revanche, ces réformes ont diminué la responsabilité sociale de notre système, l’amputant de sa capacité à agir de manière globale et préventive pour améliorer la santé de la population, tout en le limitant à traiter les conséquences de son abaissement.

Autrement dit, ces réformes ont évacué la prise en compte des causes structurelles et socioéconomiques de la maladie pour la limiter à sa dimension biomédicale et individuelle. La gestion de la crise actuelle relève de cette vision technique, où on s’attarde davantage au traitement des symptômes de la maladie qu’aux causes qui favorisent son apparition. Tout comme on ne cherche plus à outiller les communautés pour qu’elles prennent en charge leur santé (tel que le proposaient les cliniques communautaires et populaires qui ont inspiré les CLSC à leur création en 1971), on ne cherche pas à rendre la société plus apte à répondre à des éclosions de virus; non, on cherche à sauver les meubles d’une société basée sur l’exploitation des masses, qui doivent rester un minimum en santé pour continuer à faire rouler l’économie.

On observe ce désintérêt de l’État pour notre système de santé public notamment dans son refus d’améliorer les conditions de travail de ses « anges gardiens ». En effet, malgré la crise, l’État est réfractaire aux demandes syndicales, entre autres de la Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec (FIQ), dont les membres sont en renouvellement de convention collective3. De plus, les réformes ont surchargé plusieurs secteurs du filet social déjà poussés à bout, dont les centres d’hébergement en violence conjugale ou en itinérance. L’abandon des services sociaux par les GMF et la diminution du financement des CLSC ont eu pour effet de transférer aux organismes communautaires une bonne part des services autrefois garantis par l’État. Évidemment, ce transfert de responsabilités n’a pas été accompagné de fonds, et les organismes qui assurent désormais ces services de première ligne se retrouvent débordés et souvent détournés de leur mission de transformation sociale4.

MAIS OÙ VA DONC L’ARGENT PUBLIC?

Le non-investissement de l’État dans les services publics, mais le surinvestissement dans les mesures de contrôle et policières – écorchant au passage l’État de droit sous prétexte de l’état d’urgence – reflète une position idéologique5. De plus, même si la majorité des éclosions de COVID-19 se situent dans les milieux de travail6, ce sont nos sphères de vie personnelle qui sont contrôlées, alors que les grandes surfaces, elles, restent ouvertes et continuent de profiter de l’exploitation de travailleuses et de travailleurs précaires7. Et évidemment, c’est au secours des entreprises que le gouvernement s’est lancé en premier, annonçant des investissements de 2,5 milliards de dollars à peine une semaine après le début du premier confinement8. Si notre système de santé ne fait pas le poids devant la COVID-19, il perd assurément la partie face à l’opportunisme d’un système économique où il suffit de deux jours aux 100 patrons les mieux payés du pays pour dépasser le salaire annuel d’une infirmière…

1.Anne Plourde, CLSC ou GMF?, IRIS, mai 2017, https://cdn.iris-recherche.qc.ca/uploads/publication/file/Note_CLSC_02.pdf

2.Charles Lecavalier, « 25 ans d’échecs en santé : un fiasco malgré les réformes », Journal de Québec, 25 juillet 2020, https://www.tvanouvelles.ca/2020/07/25/25-ans-dechecs-en-sante-un-fiasco-malgre-les-reformes-1

3.Isabelle Paré et Marie-Ève Cousineau, « Une année sans convention collective dans le réseau de la santé », Le Devoir, 18 mars 2021, https://www.ledevoir.com/politique/quebec/597138/covid-19-une-annee-sans-convention-collective

4.Jean-Baptiste Leclercq, « L’ “organisation communautaire” au Québec et la reconfiguration de l’État social : le tournant », Sortir du cadre, vol, 7, no 1, 2014, https://www.cremis.ca/publications/articles-et-medias/l-organisation-communautaire-au-quebec-et-la-reconfiguration-de-letat-social-le-tournant/

5.Alain-Robert Nadeau, « État d’urgence et État de droit », Le Devoir, 16 avril 2020, https://www.ledevoir.com/opinion/idees/577076/etat-d-urgence-et-etat-de-droit

6.Gouvernement du Québec, « Éclosions actives et terminées par milieu », Québec.ca, 30 avril 2021, https://www.quebec.ca/sante/problemes-de-sante/a-z/coronavirus-2019/situation-coronavirus-quebec/#c75433

7.Marie-Claude Lortie, « Entreprises essentielles pour qui? », La Presse, 13 mars 2021, https://www.lapresse.ca/affaires/entreprises/2021-03-13/entreprises-essentielles-pour-qui.php

8.Cabinet du ministre de l’Économie et de l’Innovation, « COVID-19, mesures économiques : un gouvernement proactif pour aider les entreprises du Québec », Cision, 19 mars 2020, https://www.newswire.ca/fr/news-releases/covid-19-mesures-economiques-un-gouvernement-proactif-pour-aider-les-entreprises-du-quebec-883274053.html

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