
La semaine dernière, une délégation de la Société d’économie mixte d’énergie renouvelable de la région de Rivière-du-Loup (SÉMER) a rencontré des fonctionnaires de différents ministères et leur a présenté un rapport concernant la conversion de son usine de biométhanisation. Il s’agit là d’une étape cruciale pour l’obtention de la subvention de 2,3 millions $ nécessaire afin de produire du gaz naturel comprimé à Cacouna.
Réalisé par Seneca, une firme montréalaise spécialisée en ingénierie des procédés industriels de transformation de la matière, ce même rapport avait été déposé au début du mois de juin au ministère de l’Économie et de l’Innovation.
Le président de la SÉMER et préfet de la MRC de Rivière-du-Loup, Michel Lagacé, reste discret sur le contenu de la réunion de mercredi dernier, disant devoir rendre des comptes à la totalité de son conseil d’administration (ce qui sera fait mardi 29) avant de s’exprimer publiquement. Alors qu’en début d’année, il prévoyait produire et vendre du gaz naturel compressé à la fin de l’été 2021, il ne confirme pas si cet échéancier est encore d’actualité : « Je pourrai vous le dire après nos échanges avec le CA. »
Cela fait maintenant plus de deux ans que la SÉMER est en attente de cette subvention : Michel Lagacé a annoncé avoir conclu une entente de vente de biogaz avec Énergir le 19 mars 2019. Depuis, la date d’obtention des 2,3 millions $ est toujours repoussée. « Incessamment, on devrait être bien heureux des réponses qu’on va recevoir de la part du gouvernement du Québec », disait par exemple M. Lagacé à CIEL FM en mars 2020.
La SÉMER voulait auparavant produire du gaz naturel liquéfié (GNL) à partir des matières organiques des citoyens (le bac brun), mais a abandonné ce projet suite à des problèmes techniques, et après qu’Énergir ait jeté l’éponge sur son projet de Route bleue, un corridor de transport de marchandises alimenté au GNL.
Certains secteurs doivent participer davantage
Sur le terrain, la SÉMER doit composer avec d’autres défis, apprend-on en lisant le rapport de suivi de la mise en œuvre du Plan de gestion des matières résiduelles (PGMR) de la MRC de Rivière-du-Loup, rédigé en janvier 2021 par Collectivités écologiques Bas-Saint-Laurent (Co-éco), un organisme à but non lucratif qui se spécialise dans la gestion des matières résiduelles.
Ainsi, la participation des immeubles multilogements à la collecte de matière organique est insatisfaisante : « Par exemple, une tournée des immeubles à logements réalisée à l’été 2020 a révélé que les deux tiers de ceux visités n’avaient pas de bac brun visible ou étaient inutilisés, et près de 50 % des locataires sondés n’étaient pas intéressés à l’utiliser ».
Le chargé de communication de Co-éco François Lapointe explique que cela est dû à l’implantation plus récente du bac brun dans ce type d’immeubles : « Il y a des multilogements qui ont reçu leur bac brun il y a un ou deux ans seulement, alors que cela fait six ans dans les maisons individuelles. » Prendre l’habitude de collecter ses déchets organiques pour aller les porter dans une poubelle spéciale au rez-de-chaussée peut prendre un peu de temps, et la présence d’une personne qui trie mal dans l’immeuble peut suffire à décourager ses voisins.
Le secteur des industries, commerces et institutions (ICI) participe également très peu à la collecte de matière organique (son taux de récupération est de 5 % pour l’ensemble de la province, selon Recyc-Québec). « Jusqu’à récemment, les ICI n’avaient pas d’objectifs avec des dates claires de la part du gouvernement provincial, mais 100 % des ICI vont devoir être équipés pour gérer la matière organique en 2025 », se réjouit M. Lapointe.
La SÉMER a grandement besoin d’augmenter son apport en matière première : en octobre 2020, elle n’avait reçu que 13 000 tonnes de matière organique, sur une capacité totale annuelle de 26 000 tonnes. Qui plus est, elle devrait prochainement perdre des clients : les MRC de La Mitis et de La Matapédia planchent sur la conception d’une multiplateforme de gestion des matières résiduelles qui leur permettra de se passer des services de la SÉMER. Les tarifs de cette dernière sont jugés trop élevés par de nombreux élus.
Les résidents doivent gérer leurs résidus verts
La SÉMER présente un autre irritant pour les résidents : les branches et les feuilles mortes ne sont pas acceptées à l’usine de biométhanisation. En effet, les branches peuvent causer des bris, à tel point que « s’il y en a beaucoup dans un voyage, ça peut rendre ce voyage impossible à biométhaniser » selon François Lapointe. Quant aux feuilles mortes, elles ne génèrent pas de méthane. Dans les MRC qui ont fait le choix du compostage, ce problème ne se pose pas : par exemple, à Rimouski, les feuilles et les branches de moins de 60 cm sont acceptées dans le bac brun.
Certaines municipalités organisent des collectes de feuilles à l’automne, mais dans la plupart des cas, les citoyens sont invités à aller porter ces résidus verts dans des écocentres. « Ce qui est recommandé au niveau provincial, c’est le feuillicyclage. Tu étends tes feuilles une journée sèche, tu passes la tondeuses pour ramener les nutriments dans le sol », assure M. Lapointe. Cependant, selon le rapport de Co-éco, « le traitement sur place des résidus verts ne semble pas être encore une option pour plusieurs citoyens ».
Organiser des collectes dans toutes les municipalités pourrait donc être envisagé : « Cela fait partie des discussions qu’on a au comité de gestion des matières résiduelles ces temps-ci », confirme Michel Lagacé. Soit une collecte supplémentaire, après celle des déchets, du recyclage, du bac brun et des encombrants, et donc des coûts supplémentaires pour la population…