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Réussite éducative et crise sanitaire : un bilan opti-pessimiste

Par Jean Bernatchez le 2021/06
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Réussite éducative et crise sanitaire : un bilan opti-pessimiste

Par Jean Bernatchez le 2021/06

Il ne faut pas croire tous les bilans pessimistes quant aux conséquences désastreuses de la crise sanitaire sur la réussite éducative des jeunes. Il ne faut pas non plus les nier. Tout est question de posture. Le concept d’opti-pessimisme, proposé par le sociologue Edgar Morin, qui aura 100 ans le 8 juillet, est utile dans cette perspective : il est possible d’interpréter un même fait de différentes manières, selon la posture mobilisée. Il faut cultiver l’espoir, certes, mais de manière réaliste.

CRISE : MENACES ET OPPORTUNITÉS

Une crise provoque la rupture d’un équilibre. Emprunté au vocabulaire médical (crise cardiaque, crise d’asthme, etc.), le concept évoque un changement rapide et brutal de l’état d’un système. Il est juste de parler d’une crise sanitaire dans le cas de la pandémie de COVID-19, mais cette pandémie génère aussi des crises sociales, politiques, économiques, etc. Elle engendre une crise des valeurs et une crise de confiance à l’endroit des institutions. Les crises aggravent les incertitudes et favorisent les interrogations. Elles stimulent la recherche de solutions nouvelles, mais provoquent aussi des réactions pathologiques. Une crise se présente comme une menace, mais aussi comme une occasion de rompre l’équilibre lorsque celui-ci consacre des injustices. L’opti-pessimiste est une personne réaliste qui voit les périls et les dangers, mais c’est aussi une personne idéaliste qui fonde espoir en l’avenir. Elle est présente, à l’écoute et elle ne baisse pas les bras. Elle est responsable et engagée. Son leitmotiv : que puis-je faire, ici et maintenant, pour moi, pour les miens et pour les autres? Son espoir est mâtiné d’incertitudes : elle navigue dans un fleuve d’incertitudes parsemé d’îlots de certitudes. La personne opti-pessimiste n’est pas dogmatique et elle corrige son action au fil des événements.

RÉUSSITE ÉDUCATIVE : UN BILAN FACTUEL

La réussite scolaire implique l’achèvement avec succès d’un parcours scolaire. La réussite éducative est un concept plus inclusif qui va au-delà de la diplomation et qui tient compte du potentiel de la personne dans ses dimensions cognitives, affectives, sociales et physiques. Elle se déploie tout au long de la vie, « du berceau au tombeau ». Aucune donnée ou méthode fiables ne permettent de mesurer, pour le Québec, l’impact de la crise sanitaire sur la réussite éducative. En outre, localement, dans leur classe, l’enseignante et l’enseignant peuvent estimer l’écart entre les acquis de leurs élèves et ce que prévoit le programme de formation; l’écart sur le plan des apprentissages entre ce groupe d’élèves et ceux des années précédentes. À l’échelle du monde, une étude de l’UNICEF à partir de données factuelles révèle cependant que les indicateurs de la condition de l’enfant régressent depuis le début de la pandémie : malnutrition, maltraitance, anxiété et pauvreté augmentent dans des proportions de plus de 15 %. Plus de 168 millions d’élèves n’ont plus accès à l’école depuis un an. Les variations régionales sont importantes, mais l’UNESCO déduit que les élèves auraient manqué entre 14 et 22 semaines de classe en un an.

DES PISTES D’ACTION AU QUÉBEC

Au Québec, le Conseil supérieur de l’éducation travaille actuellement à l’élaboration d’un état de situation sur la réussite éducative en contexte post-pandémique qui sera rendu public en 2022. Déjà, le Conseil diffuse quelques constats et recommandations. D’emblée, on observe que la crise sanitaire a des effets amplificateurs sur les inégalités sociales et sur les inégalités scolaires. Des retards variables sont observés dans les parcours scolaires, sur le plan des acquis et des apprentissages. En contexte post-pandémique, l’action éducative ne devrait pas être concentrée sur le rattrapage scolaire, considéré comme une approche déficitaire. Les enseignantes et les enseignants pourraient cependant intégrer les apprentissages manquants à leur planification de manière à éviter un rattrapage formellement nommé. Selon le Conseil, les actions éducatives devraient être orientées autour de trois principes. 1) Combattre avec vigueur les inégalités scolaires, particulièrement celles résultant de la pandémie. 2) Intégrer de la souplesse à l’échelle locale (l’école, la classe), recenser les initiatives locales porteuses, en documenter les effets et partager celles qui sont les plus prometteuses. 3) Maximiser la concertation et la mobilisation des acteurs autour de l’élève puisqu’il faut faire équipe pour veiller à son bien-être, soutenir son engagement et favoriser sa réussite éducative.

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