
Au Québec, le mouvement des femmes a été fortement influencé par la lutte de l’élite bourgeoise blanche pour l’obtention du droit de vote des femmes. L’analyse féministe se basait alors sur le fait que notre société repose sur des rapports de domination des hommes sur les femmes, ce qui crée des inégalités. En d’autres mots, ces femmes dénonçaient le patriarcat.
Les rapports de domination basés sur le sexe se manifestent autant dans la sphère publique que privée. Les hommes détiennent l’autorité et exercent le pouvoir et le contrôle dans tous les domaines. Les femmes sont davantage confinées au rôle de subalterne. Les filles et les garçons apprennent des notions culturelles et sociales différentes. On se souviendra de la célèbre phrase de Simone de Beauvoir « On ne naît pas femme, on le devient ». La différence sexuelle devient différence de genre, car on conditionne différemment les garçons/hommes et les filles/femmes. La société attend des femmes qu’elles soient obéissantes, douces, conciliantes, soumises, belles et sexy et des hommes qu’ils soient forts, virils, compétitifs, affirmés et ambitieux.
Malgré les nombreuses avancées pour réduire les inégalités et « dégenrer » les rôles sociaux, ceux-ci sont encore très présents dans la socialisation des filles et des garçons, et sont entretenus par les institutions en place.
Au fil du temps, le mouvement des femmes a évolué, s’est diversifié, et certaines femmes l’ont critiqué et remis en question. Plusieurs d’entre elles n’y reconnaissent par leur réalité et se sentent exclues. Depuis plusieurs années, et plus intensément depuis le début du XXIe siècle, l’analyse féministe comprend mieux la complexité de la croisée des oppressions. Il n’y a pas que l’appartenance au sexe (patriarcat) qui opprime les femmes. Les intérêts de classe (classisme), l’origine ethnoculturelle (racisme), l’orientation sexuelle (hétérosexisme), l’âge (âgisme), le handicap (capacitisme), par exemple, le font également. Tous ces « ismes » sont des systèmes d’oppression sur lesquels reposent les inégalités sociales. Ce sont eux qui définissent l’organisation de la société, les rapports de pouvoir, ce qui est la norme et ce qui ne l’est pas. Ces systèmes peuvent interagir sans que l’un prime sur l’autre dans la vie des femmes. Ils mettent en place des expériences particulières d’oppressions et de privilèges qui engendrent les violences systémiques.
Les notions de privilège et d’oppression sont au cœur des violences systémiques. Au sein du système patriarcal, le privilège des hommes peut leur donner le droit d’opprimer les femmes jusqu’à les violer, d’utiliser leur corps comme objet sexuel, d’excuser les inégalités salariales. Le privilège des Blancs sur les personnes racisées permet le profilage et les emprisonnements illégaux. Le privilège des personnes hétérosexuelles autorise l’homophobie et la transphobie. Il en va de même pour tous les autres systèmes qui donnent des privilèges aux uns et causent l’oppression des autres. Dans ces systèmes où les rapports sociaux sont basés sur les notions de privilège et d’oppression, les institutions mises en place reproduisent les inégalités de traitement. La mort d’une femme autochtone, Joyce Echaquan, à l’hôpital de Joliette, les acquittements successifs dans des procès pour agressions sexuelles et la mort de George Floyd sont des exemples concrets de traitements inégaux qui ont marqué l’actualité récente.