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La douceur de Gaza

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La douceur de Gaza


«Yesterday, we were missing freedom. Today, we miss love. I’m afraid of tomorrow for we will miss humanity. »
 Au terme de mon séjour à Gaza, lieu des plus chargés, Mahmoud Darwish, célèbre poète palestinien, traduit bien mon sentiment.

Je suis arrivée dans la bande de Gaza au début du mois d’octobre 2020 pour un séjour de six mois avec Médecins sans frontières (MSF). Six mois sur un territoire de 365 km2, nettement délimité par Israël et l’Égypte. Mes premières impressions sont mitigées, révélant la complexité de la réalité. La musique du Trio Joubran accompagne ma déambulation dans ce territoire.

D’abord, un quartier qui tombe en ruine, des routes de sable et une multitude d’enfants qui courent dans les rues. Plus tard, j’apprendrai que ce quartier est en fait un camp de réfugiés. À Gaza, la majorité de la population a quitté sa terre natale et détient le statut de réfugié. Dans le camp, pas de tentes, seulement des bâtiments en ciment, entassés et surpeuplés. Ici, clairement, les mariages et les naissances vont bon train, la situation politique ou sanitaire n’aura pas raison de l’envie de vivre.

Aujourd’hui, mon esprit embrumé par la pandémie, j’ai peur. Puis, la mer. L’immensité de la mer Méditerranée s’ouvre devant moi, parsemée de barques de pêcheurs. Tels des danseurs, deux par deux, ils rament debout sur leur barque, affrontant les vagues. La pêche se déroule du soir au matin et la vente, en journée. Au matin, les pêcheurs délaissent leur bateau et s’installent simplement le long du chemin, avec chaise, cageots de crabes, poissons divers et filets en réparation. Le soir venu, tous se rassemblent pour profiter du coucher du soleil. Nous sommes semblables.

Ensuite, il y a la ville de Gaza, principale de la bande. Ville vivante moyenne orientale, avec échoppes et magasins de toutes sortes… et même des hôtels! À ma grande surprise, ici, si on sait attendre, on trouve pratiquement de tout. La principale qualité de l’importateur gazaoui est probablement sa patience. La vieille ville regroupe un dédale de ruelles, un hammam magnifique, un marché ancien, des potiers avec de drôles de cheminées et évidemment des mosquées. La religion fait partie intégrante du quotidien, tel un ancrage. Le muézin nous rappelle le temps qui passe.

Mon quotidien est principalement occupé par mon travail. Comme à Bagdad, où j’ai fait ma précédente mission pour MSF, je coordonne une équipe de physiothérapeutes nationaux. Dès mes premiers jours, je suis impressionnée par leur solide pratique professionnelle, leur résilience et leur solidarité. Tous portent la mission de MSF dans leur cœur. Le mandat du service de physiothérapie est d’assurer la réadaptation après une (et souvent plusieurs) chirurgie reconstructrice qui est planifiée des jours, des semaines, voire des mois après l’événement traumatique. Nous accueillons principalement de jeunes hommes blessés aux jambes et assurons l’ensemble de leur suivi. Mon rôle est de soutenir l’évolution de la pratique professionnelle de l’équipe ainsi que le développement du département afin qu’il réponde plus globalement aux besoins criants. Après des décennies de violence, la participation sociale d’un grand pan de la population gazaouie est réduite. Est-ce que Gaza, en 2021, peut réellement se passer de tous ces individus?

LA BEAUTÉ AU QUOTIDIEN

Les moments de congé se passent à la maison, confinement oblige. Je profite encore des rayons de soleil et me délecte des petits plaisirs de la vie : dattes gazaouies et clémentines du jardin! Je suis étonnée par la variété des plantes, fruits et légumes qui parviennent à pousser dans cette terre sablonneuse… et aussi par les livreurs : des ânes! Le bougainvillier, lui aussi, continue de fleurir dans la bande et ajoute de la beauté au quotidien.

Curieusement, la vie à Gaza est plutôt douce pour nous… à croire que la pandémie freine aussi la guerre. Je sens toutefois qu’un mélange de colère et de désespoir gronde… La pandémie sera peut-être l’événement de trop pour cette population déjà bien éprouvée et qui ne semble pas voir où trouver une issue. Comment affronter et surmonter une autre épreuve dans cet état? Bien des Gazaouis semblent vouloir mettre le virus au défi. De nombreux organismes œuvrent d’arrache-pied pour soutenir la population, dont presque l’entièreté vit sous le seuil de pauvreté. Aujourd’hui, je sens une grande fatigue face à un conflit qui n’en finit pas et devant cette menace invisible. Je vois des gens rassemblés ici et là, qui regardent la vie passer et attendent…

Je crois fermement que la présence internationale joue un rôle important à Gaza. J’ai envie de parler de Gaza et des Gazaouis, pas du conflit. La culture palestinienne est riche, la connaissez-vous? Malgré l’histoire, la jeunesse palestinienne est fière et me ressemble, nous ressemble. Venez voir.

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