
La pochette de J’ai bu, le cinquième album de Québec Redneck Bluegrass Project (QRBP), se présente sous la forme d’un livre : un très bel ouvrage rouge et or, à la couverture rigide, dans lequel est inséré un disque. Un clin d’œil au Petit livre rouge de Mao? Le format livre de cet album de musique est génial, visuellement magnifique. Les pages sont abondamment ornées d’images, de dessins, de photographies, d’archives, de fioritures.
Le quatuor enchaîne les chansons écrites et composées par JP « Le Pad » Tremblay. L’album commence par « Jig-a-Loo », « Bleu diesel », « Canon dans l’front ». Déjà on reconnaît des thèmes récurrents chers au groupe, la vie punk et DIY : alcool, drogue, nomadisme, le déchirement entre vouloir « être normal », mais se sentir complètement à côté de la société. JP, connu pour chanter vite, poursuit avec une turlutte impressionnante sur « Mange-moé l’pad ».
Chaque pièce de l’album est solide. Les mélodies, les riffs, le picking, tout est bien agencé. « Bombe météo » montre comment JP « Le Pad » peut prendre un sujet banal et en faire une chanson absolument géniale. Sans insulter ceux qui consomment les médias météorologiques, il critique la façon extrémiste dont la météo est présentée. Et je suis content de ne pas être le seul à l’avoir dans l’cul, la température ressentie!
En écoutant les pièces, je me suis demandé lesquelles allaient entrer dans le répertoire « feu de camp », aux côtés de « Chu Ben Plus Cool Su’a Brosse » ou « Pantera artic cat Triple 800 ». Au jeu des prédictions, j’irais avec « Bombe météo », « Sevrage » et « Bleu diesel ». Quoique ça pourrait être… l’album complet!
Le livre est absolument magnifique. Chaque chanson a son chapitre, une page de présentation donne la tonalité et le tempo, les paroles sont offertes dans une mise en page flyée et agrémentée de notes en milieu de page, les aphorismes de Madeleine (violon) accompagnent les textes. Au centre du livre, la pièce de résistance : un récit de 60 pages de Capitaine Cool relate la genèse du band en Chine, les bands de punk asiatiques des membres du groupe, les tournées en Asie, des histoires incroyables et invraisemblables, tout ce qui nous permet de comprendre l’univers de ce groupe mythique qui est né dans l’Empire du Milieu. La genèse est accompagnée d’innombrables photos, d’archives, de dessins, suivie d’annexes écrites par quelques collaborateurs. Le design est assuré par l’ami de longue date « Dairy Mark » Corry, un Irlandais qui a fait partie de Québec Redneck pendant plusieurs années à ses débuts.
Seule critique : la qualité de l’enregistrement n’est pas à la hauteur de ce qu’on tient dans les mains. Le violon sonne souvent comme s’il sortait d’une canne de soupe aux pois, les harmonies vocales ne nous donnent pas de frissons, alors qu’elles devraient le faire dans le refrain de « Canon dans l’front ». La voix du Pad est bien placée, mais on aurait pu prendre un peu plus d’air dans la voix (harmoniques dans les fréquences aiguës). Et parfois c’est lourd, par exemple tous les instruments se pilent sur les pieds autour de 400 Hz dans « Bombe météo ». Je reconnais une amélioration depuis les premiers albums, mais je crois que J’ai bu aurait nécessité un investissement en studio un peu plus important. Un autre léger bémol, la peinture or sur la couverture disparaît à la lecture du livre! Je ne l’ai lu qu’une seule fois, et le titre des pièces commence à disparaître. Mais c’est pas ben grave…
Je me répète, cette œuvre d’art est absolument géniale. QRBP mérite ses lettres de noblesse dans la chanson québécoise, ses chansons sont là pour durer.
Je vous laisse sur cette savoureuse anecdote tirée du récit de Capitaine Cool, où un membre du groupe répond à une question d’une journaliste : « Si We Are Wolves sont pas des loups, p’tet que Québec Redneck sont pas redneck pantoute. »