
Il y a dans l’humain quelque chose de troublant, comme cette façon de se soumettre à qui nous veut le moins de bien. C’est le syndrome de Susan Collins (sénatrice républicaine).
Cette atteinte se généralise et il faut nous en inquiéter. Susan (la vraie), se disant féministe, a pourtant voté pour un juge accusé d’agressions sexuelles, puis pour une juge anti-pilule et anti-avortement, ultra conservatrice et religieuse.
Tout individu atteint du syndrome de Susan Collins obéit comme un bon soldat. La pression et l’impuissance donnent raison au chef qui est de facto sauveur (supposé ou réel). Puis vient la crainte. Individus et groupe frappés par le syndrome subissent insidieusement la captation. Capter l’autre permet de lui faire choisir la soumission sans faille. De Hitler à Moubarak, de Bolsonaro à Erdogan, de Poutine à Duvalier, ils ont tous été choisis par la population. Si le possible chef a des qualités reconnues pour ses prises de paroles charismatiques, même si elles peuvent être totalement vides de sens, et qu’il est appuyé par une célébrité médiatique, même si elle est vide de contenu, la force du personnage passe devant la valeur de la personne. Les USA ont récemment donné l’illustration de la possible dérégulation de la démocratie.
Union comme séparation sont utilisées de concert. L’union se fait toujours face à un ennemi désigné, cible à détruire (Juif, Arabe, Noir, communiste, riche, chrétien, homo, fonctionnaire, peu importe). Si le pouvoir est pris par un chef omnipotent, la voie n’est plus la raison, ni le cœur, mais la peur et la résolution de la souffrance d’un « JE ». La différence entre le populisme historiquement originel qui défendait l’évolution sociale en maintenant l’État de droit et les mouvements qu’on nomme aujourd’hui populistes, se situe, le plus souvent, dans une radicalisation « droitiste ». On pourrait les appeler national-populistes, souvent extrêmement identitaires, plus lourdement chargés d’exclusion et misant sur l’espoir non dans l’état de droit, mais dans le droit de chacun. Ce droit serait servi par chacun et surtout par et pour le chef.
Comment réfléchit l’Amérique? Bloquée aux années 1950 et 1960 et à la guerre froide anticommuniste, toute approche sociale s’interprète comme socialiste/communiste. Ces notions restent vagues et font appel à des suppositions infondées, mais définissent le « danger ». Il évoque une mainmise sur la liberté et sur l’économie selon des mécanismes totalitaires. Ce danger serait présent constamment, preuve en est la très récente mise de Cuba dans la liste des pays terroristes actifs.
On aurait pu supposer que la « réalité » et les années de paix auraient calmé cette crainte d’une menace, pourtant inexistante, de la sacrosainte liberté d’entreprendre. Les discours, même de certains modérés, disent le contraire. Le communisme « tue » l’économie et il « tue la population »! L’absence de culture politique fait ressasser efficacement un danger fantasmé fort (voir le discours anti-Medicare). Cette logique agit au niveau national en freinant la conscience sociale globale. Cette conscience se retrouve seulement dans les discours des représentants de groupes les plus ostracisés par le système. (Noirs, Sud-Américains, Femmes, LGBT).
Le cadre ainsi posé, le Guide peut tout. Il peut rompre avec les alliés habituels, en définir de nouveaux au péril des systèmes de défense et des conflits en cours et se rapprocher de l’ex-ennemi, visant toujours des bénéfices financiers. L’Amérique de l’entrepreneuriat est pourtant dirigée par le « king de la faillite ». En criant « America First », il risque « America Last », mais, tout puissant, il décrédibilise l’opposant. Personne n’est à l’abri de sa colère. Alors, ceux et celles qui vivent avec le syndrome de Susan Collins ne diront jamais « le roi est tout nu »!
Le système se sert de la fracture sociale. Entre deux principaux groupes ethniques, facile de désigner des fautifs toujours du même côté, même dans les films, et il est rassurant d’être parmi les gentils. Si le chef soutient cette idée, la répression et l’éviction sociale sont légitimées. Le violent au pouvoir devient le bon par définition ou par mission. Le violent peut même devenir un exemple et ainsi libérer tout ce dont le Guide à besoin, quand il en aura besoin. Plus la séparation et la culture de la haine de l’autre est valorisée, plus le Guide appuie ces comportements, plus il est supposé être du bon côté, celui de ceux désignés les plus forts et qui pourront être son bras armé dans le pays.
On voit alors croître ou réapparaître des mouvements extrêmement régressifs, violents, racistes. La haine justifie la totalité de certaines existences qui ont besoin d’être validées à tout prix! Le Guide omnipotent les appuie, tout est permis! Dans ce cadre, le mouvement (légitime) Black Lives Matter a été défini comme un groupe « terroriste » avec les antifa. Le mot en lui-même renvoyant à l’image abominable du 11 septembre.
Dans ce contexte, le Sauveur, le Guide pourra aussi être défini comme tel par l’Alt-Right et Q Anon, la droite alternative américaine, et les gourous informant les éveillés. En face, une gauche radicale sera évidemment qualifiée d’immorale représentant le danger ultime. Dans ce montage menaçant, presse, scientifiques, écologistes, groupes de défense sociale, médecins seront les menteurs liberticides qui soutiennent les séditieux. Une personne estimable se définit par ce Je qui tendrait, dans une communauté qui lui ressemble, à être semblable au Guide : « JE suis libre, JE suis souverain, JE n’ai pas de justification à donner ». S’il est isolé, le cas « Susan Collins » revient au groupe et assure le soutien aux buts « sociaux-individuels » du chef.
La communauté se définit comme Peuple. La notion de peuple – ensemble d’individus – remplace le concept de société dont les membres sont interreliés, interdépendants. Les nécessités et le fonctionnement collectif pour le bien de l’ensemble disparaissent. Cela permet d’accepter toutes les décisions qui ne bénéficient pas à l’ensemble social, mais seulement aux gardiens de la liberté individuelle, qui pourront donc TOUT. Le Guide est garant du système, au-dessus des lois, intouchable et la notion de corruption devient obsolète
Cette dynamique détermine le populisme actuel et le justifie. Ne croyons pas que les États-Unis soient uniques. Cette gangrène s’étend insidieusement, aidée par le trio inculture-stress-réseaux sociaux. La décrédibilisation agressive de la science fait du monde une construction hasardeuse résolue par une supputation de divin. Séculier et Églises entrelacent leurs pouvoirs, le Guide béni protège. Ce qu’on a vu récemment, montre encore une fois que cette structure repose sur une diminution de la démocratie, ou du moins des structures déjà existantes. Le vote n’a pas toujours servi les Chefs. Il faut donc tricher, préremplir les urnes, clore les lieux de vote, annoncer que l’autre a triché pour que les adeptes du Guide gagnent! Si c’est nécessaire, empêcher certaines communautés de voter, ou contester, ou dans certaines situations, annuler les résultats. Tout peut être bon pour se maintenir. Quand ça ne marche pas, faire un appel aux armes…
Couronnant cette brioche politico-sociale, les histoires. C’est ce que la nouvelle mouvance de droite utilise sous le nom de narratif. On peut tout à loisir jouer sur la peur, puis créer une autre histoire rassurante ad nauseam. Les gouvernants actuels jouent avec un art consommé du conte à dormir debout. Le vrai et le faux? Le Guide peut décrédibiliser les analystes de son « story telling », donc la presse qui devient ennemi du peuple, à quelques exceptions près. La manipulation liberticide absolue devient possible. Mais attention, à trop forcer la division, la haine, la corruption, les mécanismes deviennent visibles et l’échec possible.
Quand le Guide perd, il perd tout! Le Guide a besoin de la foule qui le stimule, et le Guide stimule la foule, il risque d’en perdre lui-même le sens des réalités. La statue du Commandeur vacille sur son socle. Il a trop fait souffrir, limite atteinte. Diviser encore? Se sauver de la honte? Risquer des vies humaines vengeresses?
Susan Collins a été réélue, pour quelle démocratie?