
La fabrique du consentement, réalisé par Mathilde Capone, est un documentaire expérimental qui réfléchit au consentement dans une perspective lesbo-queer. La réalisatrice étend la réflexion entourant le consentement à beaucoup plus qu’à la binarité du oui ou du non.
Le film met en scène le résultat de treize entrevues audio avec des personnes de la communauté lesbo-queer, au Québec et en France, qui expriment leurs visions du consentement et de la communication dans la sexualité.
Circulant dans les médias sociaux et de masse, la notion de consentement, intimement liée aux vagues de dénonciations d’agressions sexuelles, s’est finalement taillé une place émergente dans le discours populaire au cours des dernières années. Cela dit, l’appropriation généralisée de cette notion s’est soldée par une simplification dichotomique : « Sans oui, c’est non! » Aussi primordiale soit la compréhension de cette phrase-clé, il est nécessaire d’aborder le consentement comme une notion complexe, dont les zones grises, les lignes floues méritent d’être étudiées en tenant compte de différentes approches. Ce sont ces subtilités que Mathilde Capone considère avec doigté et dans une sensibilité qui habite la fois le discours des acteurs et des actrices, et la forme artistique originale du film.
La redéfinition du consentement que le documentaire propose établit un parallèle avec la non-binarité de l’identité de genre et de la sexualité affirmée par la communauté queer. La perspective avec laquelle la réalisatrice a choisi d’aborder cette notion prend ici tout son sens.
Le film déconstruit des stigmas et des stéréotypes en dépersonnalisant la communauté queer à travers un jeu d’anonymat. Les acteurs et les actrices, sans étiquettes, interprètent des segments d’entrevues audio préalablement menées auprès d’autres personnes de leur communauté. De plus, on voit revenir, au fil du scénario, un personnage sans voix, de dos, arborant différents habillements. La réalisatrice dresse ainsi le portrait de toute une collectivité, dans une approche intergénérationnelle et intersectionnelle, permettant d’aborder des dynamiques de pouvoir et de performance pouvant s’instaurer au sein de ce milieu. Le jeu d’anonymat des personnages permet d’aller au-delà des étiquettes, au-delà de la binarité, et peut-être de déjouer des préjugés inconscients, pour rencontrer, dans toute sa force et sa vulnérabilité, une perspective très humaine.
Grâce à cette sensibilité, le film s’adresse à toutes et à tous. Malgré l’utilisation de certains termes propres à une subculture queer, le discours sur le consentement est compréhensible, positif et applicable à n’importe quelle forme de relations. C’est pourquoi, selon Laurence Gagnon, s’identifiant comme non binaire et gender fluid, avec qui j’ai discuté du film, qu’elle a grandement apprécié, il serait pertinent de recourir à cette œuvre pour l’éducation sexuelle et en faire un outil pour aborder les relations queer, qui sont sous-représentées, même quasi absentes de la culture populaire et du discours dans l’éducation à la sexualité.
La forme utilisée rend elle aussi le documentaire hautement accessible : le discours est ponctuellement illustré par un jeu de marionnettes, d’ombres chinoises ou encore de dessins; l’imagerie permet de clarifier le propos, en plus de créer un visuel à la fois léger, original et sentimental.
La fabrique du consentement de Mathilde Capone déconstruit jusqu’au genre documentaire traditionnel. C’est un film de réflexions profondes au rythme joyeux, qui expose une vision du consentement décentrée de l’agression, soutenue par un pan artistique expérimental, juste et esthétique.
Le film, sorti en 2019, a été présenté dans plusieurs compétitions cinématographiques dans la francophonie. Bien qu’il ne soit pas présentement accessible en ligne, toute l’information entourant le processus de création et les prochaines diffusions se trouve sur le site Internet : www.lafabriqueduconsentement.com ou sur la page Facebook du même nom.