
Dans le cadre de cette rubrique, Le Mouton Noir présente une ou un artiste du Bas-Saint-Laurent. Avec l’autorisation de Coline Pierré et Martin Page, s’est inspiré du collectif que ces auteur·e·s ont publié en 2018 aux éditions Monstrograph, Les artistes ont-ils vraiment besoin de manger?, un recueil de 35 questions posées à 31 artistes sur leurs conditions de vie, de travail, de création.
Pour en savoir plus : www.monstrograph.com
Ton autoportrait :
Originaire de Causapscal, à Rimouski, je suis devenu artiste en arts visuels en privilégiant non pas mes propres mains, mais bien toutes celles autour de moi.
Je sculpte le social : je pratique l’art action et expose surtout par l’installation, la vidéo et le livre d’artiste. J’ai présenté mes œuvres, entre autres composées d’une participation citoyenne au Québec et à l’international. Mes œuvres ont été diffusées aux États-Unis, en Amérique latine, en Europe et en Inde, à de multiples reprises. Ces œuvres incluent :
- un colloque international sur le trafic humain légal;
- la production et la vente de produits de poussière humaine;
- la pose de simulacres de mine antipersonnel contenant des fleurs cueillies dans un cimetière de guerre;
- des intrusions concertées en groupe dans des espaces domestiques.
Que réponds-tu quand on te demande quel est ton métier?
Artiste en arts visuels
Artiste en art action
Fondateur de la Cathédrale de demain
Directeur d’escouades d’intervention pour des monuments
PDG de l’entreprise Legal Human Trafficking Goods And Services™
Créer, c’est quoi?
Transformer, réinterpréter, réactualiser.
Jusqu’en janvier 2021, j’expose l’œuvre Faux Tousignant, dans l’exposition Confluences. Laboratoire de création, présentée au Musée du Bas-Saint-Laurent (Rivière-du-Loup), en collaboration avec le regroupement Voir à l’Est — art contemporain. Dans l’œuvre, les 26 membres de mon escouade se sont chargés de réaffirmer que « la poésie doit être faite par tous. Non par un » (le comte de Lautréamont). Créer nous dépasse parce que c’est collectif, pluriel, hors de notre individu. L’originalité et le talent sont des mythes si tenaces qui collent à mon métier : ceux-ci sont déboulonnés dans l’œuvre, qui présente l’infiltration dans la vie courante de plusieurs ménages durant le confinement, par la prolifération compulsive d’interprétations des Dessins solaires de l’artiste Serge Tousignant.
Créer, c’est recréer, pour faire simple.
À qui t’adresses-tu quand tu crées?
À toute personne qui est prête à commencer à se regarder en face!
Est-ce que parfois tu en as marre?
Oui, en ce moment, à cause de la pandémie de COVID-19. L’art action ne peut se passer de l’expérience du public. Mon milieu est devant un gouffre, éprouvant à la fois les difficultés des espaces de diffusion en arts visuels et en arts vivants.
Qu’est-ce qui te sauve?
La diffusion de mes œuvres, qui rendra la suite plus facile.
Pour l’instant, je me consacre à un contrat en culture qui me passionne. Travailler pour une école d’arts destinée à des personnes ayant des difficultés fonctionnelles me comble autant que la pratique artistique, heureusement.
Qu’est-ce que tu cherches en ce monde ?
À manger?
Qui sont tes allié.e.s?
Ces personnes qui collaborent à mes œuvres et qui leur donnent corps.
J’ai espoir dans les retombées du mouvement actuel, qui revendique un salaire universel, notamment pour les artistes.
J’ai somme toute peu d’allié.e.s… Il ne tient qu’à vous de le devenir!
Qu’est-ce qui est choisi ou subi dans tes conditions de travail?
Dans mon métier d’artiste, on subit trop et choisit peu, si ce n’est que l’on choisit de devenir et d’être artiste et de subir ce qui vient avec. Améliorer les conditions de travail des artistes est plus crucial que jamais, comme nous l’a révélé la pandémie.
Qu’y a-t-il dans ton frigo?
Tout ce qu’il me faut; et de la place pour l’épicerie à venir.
As-tu vraiment besoin de manger?
Peux-tu vraiment vivre sans manger?