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Le 11 mai dernier, le conseil municipal de Rimouski votait l’expulsion de la conseillère du Bic, Virginie Proulx, de ses comités pléniers. Quelques semaines plus tard, le maire Marc Parent justifiait cette exclusion de la manière suivante sur sa page Facebook : « Le 8 mai dernier, un événement ponctuel est venu confirmer à tous les membres du conseil que Mme Proulx partageait en effet des renseignements confidentiels avec des tiers en plus de véhiculer des informations auprès de résidents de son district qui ne reflétaient pas la teneur des orientations et décisions du conseil. »
Virginie Proulx a toujours soutenu que cet « événement ponctuel » était un échange de courriels. Cinq mois après les événements, Le Mouton Noir a eu accès à celui-ci, ce qui permet de mieux comprendre sa version des faits.
Il s’agit en fait de plusieurs discussions distinctes, se déroulant sur deux semaines, entre Mme Proulx et un citoyen ou une citoyenne, que nous nommerons X. Le 8 mai, de manière inexpliquée, X a copié ces différents échanges dans un message envoyé à Marc Parent.
Virginie Proulx assure que les courriels qu’elle nous a montrés sont les mêmes que ceux auxquels les membres du conseil municipal ont eu accès. Le Mouton Noir a filtré l’information afin de protéger l’identité de X, dont le nom est caviardé dans la correspondance fournie par la conseillère du Bic.
Chronologie
Le 24 avril, X écrit à Virginie Proulx pour lui partager un document sur l’agriculture urbaine, ajoutant que la Ville de Rimouski devrait s’en inspirer.
La conseillère du Bic lui répond : « Je suis bien d’accord sur l’intérêt de ce document, je l’ai même partagé aux autres membres du conseil… Après, notre volonté de faire bouger les choses en ce sens n’est pas la même pour tous disons! »
X renchérit : « Alors, que doit-on faire? Se résoudre à attendre le bon vouloir de certains élus à faire bouger les choses? » Par la suite, X exprime son inquiétude, arguant que la sécurité de la population repose sur le principe d’autonomie alimentaire. « Alors, comment fait-on pour forcer le conseil à prioriser ce dossier […] ? Pétition? »
Réponse de Virginie Proulx : « Je suis aussi découragée que toi… Continuez la pression populaire, contactez des journalistes… et prenez des notes pour les prochaines élections! »
Le 30 avril, X écrit à nouveau pour manifester son mécontentement : plusieurs semaines après avoir fait parvenir des revendications au conseil municipal en compagnie d’autres citoyens, X n’a reçu aucune réponse. « Avez-vous discuté de nos demandes? Quel est le fruit de ces discussions? », demande X, avant de conclure : « Nous comprenons pleinement votre réalité en ces temps de crise, mais n’y a-t-il pas un minimum démocratique à maintenir? Que se passe-t-il? Peux-tu nous en dire plus? »
La conseillère répond le soir même : « Il n’y a pas de majorité au conseil qui veuille aller plus loin… Je t’invite, pour au moins avoir une réponse officielle, à envoyer une question pour la séance du conseil. Tu peux le faire via le site web et via sa page Facebook… »
La discussion se poursuit le 5 mai, suite à l’annonce par la Ville de l’ouverture de Jardins libres, c’est-à-dire d’espaces où la population pourra jardiner librement. X veut savoir s’il y en aura un au Bic. Mme Proulx lui répond que non. « J’ai été surprise de voir ce projet (agréablement surprise), car on ne nous en avait rien dit avant, complète-t-elle. Cela dit, je pense que ça pourrait faire partie du projet de parc… s’il finit par naître un jour… »
Finalement, le 8 mai, c’est à Marc Parent que X écrit, pour une toute autre raison. Citant un article du Mouton Noir, X demande s’il est possible d’utiliser une application de visioconférence pour que les citoyens puissent poser leurs questions de vive voix lors des séances publiques du conseil municipal, comme cela se fait à Sainte-Luce – l’accès à la salle du conseil est alors interdit au public à cause de la pandémie de covid-19. X copie dans son message ses derniers échanges avec Virginie Proulx, résumés ci-dessus, les portant à la connaissance du maire.
« Un prétexte », dit Virginie Proulx
Si l’on en croit la publication Facebook de M. Parent du 31 mai, cet événement n’est pas le seul impliqué dans la décision d’exclure Mme Proulx des comités pléniers, mais il viendrait confirmer des soupçons : « Depuis plusieurs mois, une série d’événements ont contribué à la croyance auprès des élus que Mme Proulx ne respectait pas son engagement et partageait des renseignements confidentiels découlant des travaux en assemblée plénière », écrit le maire.
Selon la conseillère du Bic, « c’est comme s’il attendait un prétexte pour me sortir. Est-ce qu’après ça, [les membres du conseil] pensent qu’ils peuvent dire que je sors d’autres informations confidentielles? Encore faudrait-il le prouver! »
Elle considère qu’elle n’a pas enfreint le code d’éthique et de déontologie des élus de la Ville de Rimouski, dans la mesure où celui-ci stipule qu’un membre du conseil ne doit pas communiquer de renseignement obtenu dans l’exercice de ses fonctions « pour favoriser ses intérêts personnels ou ceux de toute autre personne ».
« Régulièrement, le maire dit qu’il n’y a pas de majorité au conseil qui veut aller de l’avant » sur tel ou tel sujet, ajoute-t-elle, soutenant que la discussion qu’elle a eue avec X, qui était privée, ne contenait pas davantage d’informations. « Je ne nomme personne. »
Sollicité pour parler de l’exclusion de Mme Proulx des comités pléniers, le conseiller de Saint-Robert Jocelyn Pelletier n’a pas voulu engager une discussion à ce propos. « Désolé, je suis en train de vérifier avec mon avocat ce que je peux dire à ce sujet, parce que je ne veux pas être poursuivi par madame pour diffamation », explique-t-il, avant de préciser que « nous n’avons aucune protection pour des poursuites personnelles à la Ville ».
Lundi soir, M. Pelletier a déclaré qu’« il faudrait peut-être faire la différence entre transparence et manigances » lorsqu’il a été appelé à donner son avis sur une résolution proposée par Virginie Proulx. Celle-ci, qui n’a reçu aucun appui des autres conseillers, demandait à la ministre des Affaires municipales de mieux encadrer les séances de travail à huis clos.
MISE À JOUR MERCREDI 7 OCTOBRE PM
Le conseiller de Sainte-Odile, Grégory Thorez, confirme que cet échange de courriels est bien ce qui a mené certains conseillers à demander un vote sur la possibilité d’exclure Virginie Proulx des comités pléniers. « Pour eux, c’était un peu la goutte qui faisait déborder le vase », explique-t-il, tout en disant ne pas avoir été impliqué dans les événements antérieurs. Il précise qu’il a voté contre cette exclusion.