En 2003, Saint-Eugène-de-Ladrière lançait un programme original pour attirer des jeunes familles, toujours en vigueur aujourd’hui : quand quelqu’un fait l’acquisition d’une maison, les droits de mutation (la fameuse taxe de bienvenue) lui sont remboursés. Dans le cas d’un achat de terrain qui appartient à la municipalité, celui-ci est remboursé en totalité si une maison y est érigée dans les deux ans qui suivent, et le nouveau résident bénéficie de trois ans de congé de taxe foncière!
C’est la corporation de développement du village qui effectue les versements, une municipalité n’ayant pas le droit d’octroyer de telles faveurs. À première vue, le succès est au rendez-vous : sept terrains ont trouvé preneurs, et quatre autre ont récemment été mis à disposition de futurs Eugénois. « Ce sont tous des jeunes de moins de 35 ans qui ont acheté ces terrains-là », se réjouit la directrice générale Christiane Berger.
Aujourd’hui conseillère municipale, Vanessa Gagnon-Desjardins a également bénéficié de ce programme. « Mon conjoint est originaire de Saint-Mathieu-de-Rioux, moi de Saint-Valérien. On a pris la décision de déménager à Saint-Eugène car c’était près de nos familles, et parce que mon chum est un grand chasseur et pêcheur. » Le couple a acheté une maison qu’il a rénovée, et a donc bénéficié d’un remboursement de la taxe de bienvenue. « On est bien contents d’avoir eu cette aide, mais ce n’est pas ce qui a motivé premièrement notre choix », tempère-t-elle cependant.
Ce constat est partagé par d’autres, selon Christiane Berger. « Je pose la question à tout le monde : est-ce que c’est le remboursement qui fait que vous avez choisi Saint-Eugène? Souvent, les gens me disent que c’est un plus. La raison principale, c’est parce que c’est un beau petit village tranquille. »
Les propriétaires des sept terrains sont presque tous originaires de Saint-Eugène, incluant certaines personnes qui étaient parties et sont revenues au bercail. On pourrait donc débattre longtemps afin de statuer si l’objectif initial, à savoir attirer de nouveaux résidents, est atteint. À tout le moins, il y a eu une certaine rétention de la population en place, ce qui a un impact majeur selon Vanessa Gagnon-Desjardins : « On a connu un gros boom de naissances : dans l’année de mon garçon de trois ans, il y a eu neuf naissances, et dans celle de ma fille de 16 mois, c’est sept. » Des chiffres importants pour un village de 400 habitants, qui ont permis la réouverture d’une classe de maternelle à l’école cette année.
Des expériences diverses
D’autres villages du Bas-Saint-Laurent ont lancé des programmes similaires, mais les conclusions sont mitigées. À Saint-Paul-de-la-Croix, la Corporation de développement économique et touristique (CDET) a décidé de donner quatre terrains en 2018, à condition que ceux-ci soient bâtis dans les deux années suivantes. Dans ce cas-ci, même pas besoin d’avancer un sou pour devenir propriétaire!
Ces lots ont depuis trouvé preneurs, mais aucune résidence n’y a encore poussé, bien que les permis de construction aient été déjà émis. « La covid a compliqué les choses, alors on a prolongé d’un an le délai pour construire une maison », explique la présidente de la CDET Nadine Chénard. Trois terrains doivent aller à des Français, remplissant ici l’objectif d’attirer des gens d’ailleurs, mais une famille (qui veut deux terrains) a dû retourner dans son pays d’origine durant la pandémie et n’a pas encore pu revenir.
La troisième habitation « française » devrait être une maison écologique faite en autoconstruction, ce qui ravit Mme Chénard : « Cela va peut-être amener une autre dynamique, attirer d’autres personnes intéressées. » Quant à la quatrième famille, elle a depuis reconsidéré ses plans. Elle va plutôt aller aux Îles-de-la-Madeleine et donc rétrocéder le terrain à la CDET, ce qui signifie qu’il sera à nouveau disponible prochainement. Avis aux intéressés…
Plus à l’ouest, à Saint-Bruno-de-Kamouraska, le Comité d’action communautaire remboursait la première année de taxe foncière aux nouveaux arrivants, en plus de donner, dans le cas de nouvelles constructions, 2000$ si le propriétaire avait moins de 30 ans et 1000$ pour les autres.
L’expérience a pris fin en 2018, et le maire Richard Caron ne la regrette pas, car il pense qu’elle n’a eu aucune influence : « Il y a eu autant de construction dans les dernières années que dans le temps où il y avait des incitatifs. Et depuis que le conseil municipal actuel est en place [2017], personne n’est venu demander au bureau municipal s’il y avait des incitatifs pour construire à Saint-Bruno. » Bon an mal an, quatre ou cinq nouvelles familles s’installent dans ce village forestier, ce qui fait dire à M. Caron que « tout va très bien de ce côté ».
L’actuelle tendance du retour à la campagne à la recherche d’autosuffisance, renforcée par la pandémie de covid-19, aurait-elle davantage d’impact que les programmes d’attraction de nouveaux résidents. « À Saint-Paul, avant la covid il y avait des maisons à vendre et ça prenait du temps… Mais là, ça se vend bien », constate Nadine Chénard. Même son de cloche à Saint-Eugène : « Depuis 2-3 ans, des gens appellent de partout, témoigne Christiane Berger. La demande est très forte pour des petites fermettes dans les rangs. » Il faut croire qu’il y a des incitatifs plus efficaces que des remboursements de taxe foncière…