
Revoici, rassemblées en un ouvrage de 125 pages d’un format rappelant un agenda, les brèves chroniques de Chine signées de 2006 à 2010 par Christine Portelance, dans le journal que vous lisez actuellement. Ces chroniques, humaines, éclectiques, observatrices et ludiques, ont été écrites lors de trois séjours de l’auteure en Chine en 2006, 2008 et 2009, lors de périodes sabbatiques accordées par l’Université du Québec à Rimouski où Christine enseignait la linguistique française, puis la littérature chinoise et la création littéraire (haïkus et formes brèves). Elle est aujourd’hui une heureuse retraitée qui invite parfois ses amies et amis, dont je suis, à deviser autour d’un canard laqué et de bonnes bouteilles.
Quiconque se rappelle ces chroniques dans Le Mouton Noir ou lit sa chronique Erre d’aller, qui paraît depuis 2012 en page 2 du journal, dans une colonne galamment cédée par un chroniqueur qui commet encore certaines collaborations à l’occasion, comme celle-ci, sait que Christine Portelance manie fort bien la plume. Cynique à souhait, observatrice et fine analyste, elle sait façonner une chronique d’opinion mordante, qui va droit au but, mais qui se garde un style ludique tout à fait portelancien. Elle peut tout autant faire référence à Henri Laborit qu’au poète Denis Vanier ou à Frank Zappa.
En soi, l’avant-propos de Le regard de l’autre est une rapide leçon sociologique sur la Chine de ces années, en même temps qu’une mise en bouche de ce que peut représenter pour un étranger un voyage là-bas. Christine y parle des Jeux olympiques de 2008, de la propagande anti-Tibet et de son « féroce » dalaï-lama, bref, de décor et d’envers du décor, pour reprendre les derniers mots de cet avant-propos.
L’ouvrage est divisé en trois carnets, pour autant de séjours. Nouvel An du calendrier lunaire de Chine, toilettes de McDonald’s, route de la soie, maisons, arbres, rochers, manifestations contre les conditions de travail, valeurs traditionnelles chinoises, cohabitation des langues et dialectes, montagnes sacrées, Tibet — cela va de soi! —, rizières en terrasse et art de vivre sont tout autant de sujets, instructifs, intéressants et savamment servis, que recèlent ces chroniques du Regard de l’autre. À prendre à la volée ou l’une après l’autre.
Il y a quelque chose d’agréable à lire les observations d’une linguiste bicoise, cultivée, engagée, bonne vivante et ironique qui marche le territoire chinois. N’a-t-on pas besoin de lire — sans pour autant l’occulter — autre chose que ce que le mainstream nous livre sur la Chine : Huawei, détentions arbitraires, TikTok, Hong Kong, coronavirus à saveur de pangolin ou de chauve-souris? Par exemple, juste du monde ordinaire qui te salue et te sourit au marché ou sur la rue.
En plus du plaisir qu’il procure, c’est à ça que peut servir Le regard de l’autre, de Christine Portelance.