
Si une consultation publique est organisée dans le cadre du projet de redécoupage électoral de la Ville de Rimouski, celle-ci devra se faire à l’écrit et dans un délai de 15 jours, ainsi que l’a expliqué le ministère des Affaires municipales et de l’Habitation (MAMH) au Mouton Noir.
Pour les citoyens qui s’opposent à la nouvelle carte électorale en vue des élections municipales de 2021, la situation risque de devenir incompréhensible : non seulement il faudra que 245 d’entre eux fassent connaître leur opposition par écrit lorsque le service du greffe annoncera officiellement le redémarrage du processus de redécoupage, mais il faudra ensuite qu’ils réécrivent pour expliquer pourquoi ils s’opposent…
Si l’on considère que 177 personnes avaient déjà écrit à la Ville de Rimouski avant que la pandémie de covid-19 ne vienne interrompre le processus, cela signifie que certains citoyens pourraient avoir à écrire pas moins de trois fois.
Le district du Bic, qui correspond à un ancien village fusionné à Rimouski en 2009, est au cœur de ce débat. La nouvelle carte électorale, justifiée par des motifs d’équité démographique, ne prend plus en compte la spécificité de ce noyau villageois et lui adjoint une grande partie du district voisin de Sacré-Cœur. Des résidents du Bic craignent que les enjeux propres à leur milieu fassent l’objet de moins de considération à l’hôtel de Ville. Ironie du sort, on apprenait il y a quelques jours que la représentante du district, Virginie Proulx, a été exclue des comités pléniers au cours desquels le conseil municipal prend ses décisions.
Saga en cours
Reprenons la chronologie des événements. Le 25 mars 2020, la Ville de Rimouski faisait paraître un avis public sur deux pages dans le journal L’Avantage (qui sera repris dans l’édition suivante, le 1er avril) annonçant un « projet de règlement concernant la division du territoire de la Ville de Rimouski en onze (11) districts électoraux ». Dans celui-ci, on pouvait lire que les électeurs avaient 15 jours pour faire connaître par écrit leur opposition aux nouveaux districts proposés, et que « le conseil tiendra[it] une assemblée publique […] si le nombre d’oppositions reçues dans le délai fixé est égal ou supérieur à 245 ».
Le 6 avril, le conseil municipal demandait officiellement un report de la procédure au MAMH, considérant qu’elle était affectée par la situation sanitaire. 177 citoyens avaient alors fait connaître leur opposition.
Le 4 mai, le même conseil municipal décidait de reprendre la procédure de redécoupage. Dans la foulée, il demandait aux 177 électeurs susnommés d’écrire une nouvelle fois pour la même raison lorsque l’avis public annonçant la reprise du processus serait publié – sous-entendant que leur première correspondance était nulle et non avenue.
Près d’un mois plus tard, toujours pas de trace du nouvel avis public. D’après la responsable des communications de la Ville de Rimouski, Claudie Lamontagne, « il devrait sortir dans les prochains jours ». Lorsque ce sera fait, il faudra donc que 245 personnes disent qu’elles ne sont pas d’accord avec le redécoupage pour qu’une assemblée publique soit tenue.
Ici, ça se complique encore… Selon le relationniste de presse du MAMH, Sébastien Gariépy, organiser une assemblée publique représenterait une violation des directives émises par le ministère de la Santé et des Services sociaux dans le contexte de la pandémie de covid-19. Par conséquent, « la municipalité doit remplacer l’assemblée publique […] par une consultation écrite de 15 jours, annoncée préalablement par un avis public », affirme M. Gariépy.
Huit pages d’avis publics
On récapitule : après un premier avis public (publié deux fois), 177 personnes se sont opposées par écrit au redécoupage. La Ville a suspendu la procédure, et va publier un nouvel avis public pour la relancer. Si 245 personnes écrivent pour s’opposer, alors la Ville publiera (encore) un avis public pour demander à la population de transmettre des commentaires par écrit sur le projet de redécoupage.
Le MAMH ne s’oppose pas à ce qu’une consultation en ligne soit organisée en utilisant la plate-forme Zoom – ainsi que l’a proposé le maire Marc Parent lors de son point de presse du 8 mai –, mais celle-ci ne pourra être qu’un complément à la consultation écrite, qui est obligatoire.
Cette situation kafkaïenne déroute la coprésidente du Comité du patrimoine naturel et culturel du Bic, Linda Lavoie. Selon elle, le « gros bon sens » aurait commandé qu’on conserve les messages des 177 protestataires plutôt que de leur demander de réécrire pour dire exactement la même chose. « Ça coûte des sous au contribuable », fait-elle également valoir : la Ville a déjà passé deux avis publics dans L’Avantage sur des doubles pages. Étant donné qu’il pourrait y avoir deux avis supplémentaires, on arriverait à un total de huit pages.
D’après le service du greffe, la Ville de Rimouski paie généralement 1177 $ par page. Ce qui nous amènerait donc à un total de 9416 $ si le processus est mené à terme. C’est-à-dire, si la population parvient à garder son intérêt pour ce sujet, alors que les modalités se compliquent et que l’été arrive…