
Bien que le village du Bic ait perdu son autonomie en fusionnant avec Rimouski en 2009, son cachet et sa vitalité en font toujours un des lieus les plus fameux du Bas-Saint-Laurent. Mais aujourd’hui, les Bicois craignent de perdre un peu de leur identité alors qu’un projet de redécoupage des districts électoraux proposé par la Ville de Rimouski viendrait bouleverser les limites du secteur, les amenant à partager leur élu(e) avec un autre quartier.
Dans la carte électorale proposée pour les élections municipales de 2021, le « district numéro 11 » engloberait le village du Bic, mais aussi une bonne partie du district voisin de Sacré-Cœur, à une dizaine de kilomètres de là. L’administration municipale justifie ce changement par la nécessité d’égaliser les populations des districts électoraux afin de mieux représenter les citoyens. « Tous les élus ont le même poids à la table », a dit le maire Marc Parent lors d’un point de presse vendredi 8 mai, mais en raison des différences démographiques, « il y a des districts où un seul résident équivaut à deux résidents d’un autre district ». M. Parent parle du redécoupage comme d’un « processus fondamental démocratique ».
Mais celui-ci heurte les sensibilités locales. « La fusion de 2009 s’est faite à une condition : que notre caractère villageois soit respecté », se souvient la coprésidente du Comité du patrimoine naturel et culturel du Bic, Linda Lavoie, qui s’oppose au redécoupage. « Il y a des enjeux de représentation et de développement : les citoyens du Bic ne veulent pas nécessairement le même développement que les citoyens de Sacré-Cœur. Ici, il y a un très grand sentiment d’appartenance. » Et la Ville de Rimouski devrait soupeser les avantages de cette fierté locale avant de s’embarquer dans de grandes décisions, selon elle : « C’est aussi une marque de commerce : je pense à Colombe St-Pierre, au théâtre du Bic, au parc national du Bic… On est souvent plus connus que Rimouski à l’international! Ils ont gagné beaucoup en nous fusionnant. »
Dérogation ou statu quo, les autres solutions
Si la Loi sur les élections et les référendums dans les municipalités contient effectivement l’exigence que les populations des différents districts d’une ville soient équivalentes (à 15% près), elle stipule qu’il est possible de demander une dérogation à la Commission de la représentation électorale du Québec. Sur le site de cette dernière, on peut lire qu’« une carte électorale doit, dans la mesure du possible, prendre en considération le sentiment d’appartenance de la population à son milieu », la notion de « communautés naturelles » étant évoquée. Lors des précédentes élections municipales, Le Bic avait échappé au redécoupage, mais cette année aucune demande de dérogation n’a été formulée, d’après nos informations – la Ville de Rimouski n’avait pas répondu à notre question à ce sujet au moment de terminer cet article. De son côté, le maire a déclaré que l’appartenance de chacun à son quartier ne serait pas remise en cause par ce processus « vraiment très administratif ».
Le sujet ne fait pas l’unanimité au sein du conseil municipal de Rimouski : lundi 4 mai, deux conseillers ont voté contre la résolution relançant le processus de redécoupage, qui avait été interrompu un mois auparavant à cause de la pandémie de covid-19. La conseillère du Bic, Virginie Proulx, fait partie des dissidents. « La seule option valide, c’est le statu quo jusqu’aux prochaines élections, déclare-t-elle. On ne pourra pas faire de consultation publique en bonne et due forme en pleine période de covid-19. » Le maire Parent a évoqué la possibilité de recourir à des solutions technologiques, comme la plate-forme Zoom, pour mener à bien cette éventuelle consultation sur le redécoupage proposé.
Mais pour que celle-ci ait lieu, il faut, selon la loi, que 245 citoyens de Rimouski fassent connaître leur opposition par lettre au service du greffe. En avril, lorsque le processus a été suspendu, 177 d’entre eux avaient écrit en ce sens, mais puisqu’un nouvel avis public va être émis, ces personnes doivent renvoyer une lettre si elles veulent que leur voix soit prise en compte.
Une de ces 177 personnes, Caroline Bérubé, était furieuse lorsqu’elle a appris la nouvelle. « C’est quand même beaucoup demander aux gens, qui ont vécu plein de choses ces derniers temps, réagit-elle. Des fois on a de l’énergie pour se débattre, mais là l’été s’en vient, tout le monde veut la paix. » Linda Lavoie est plus optimiste : « Ce n’est pas agréable de recommencer, mais s’ils veulent 245 noms on va aller les chercher, c’est sûr! » La bataille du Bic ne fait que commencer.