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Peut-on concilier covid-19 et démocratie municipale?

Par Rémy Bourdillon le 2020/05
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Peut-on concilier covid-19 et démocratie municipale?

Par Rémy Bourdillon le 2020/05

Comme toutes les activités impliquant un rassemblement de personnes, les séances du conseil municipal sont bousculées par la pandémie de covid-19 partout au Québec : depuis quelques semaines, elles se déroulent à distance – sous forme de vidéoconférence – et sans public.

La période de questions, rare moment où les citoyens peuvent demander des comptes à leurs élus,  est la première victime de l’impératif de distanciation. Plusieurs municipalités ont recours à la webdiffusion en direct de la séance publique du conseil municipal (sur leur page Facebook, par exemple), et proposent alors généralement à leurs citoyens d’envoyer leurs questions à l’avance, en écrivant au Service du greffe ou par le biais d’un formulaire en ligne. Le maire ou la mairesse prend un moment pour y répondre, mais l’exercice perd alors de sa saveur : l’auteur de la question ne peut demander des précisions suite à la réponse… Difficile aussi de poser des questions sur l’ordre du jour, dont seule une version abrégée est mise en ligne avant la séance.

À Rimouski, lundi 4 mai, la longueur des questions au maire était même limitée à 200 caractères (soit environ 30 mots). « Nous souhaitons que les gens mettent l’accent sur une question principale afin de donner la chance au plus grand nombre de personnes possible de poser une question et de recevoir une réponse lors de la séance du conseil », justifiait l’adjoint aux communications de la Ville Frédéric Savard, avant que cette limite soit levée au cours de la journée. 

Les petites municipalités n’ont pas toutes l’équipement ou les connaissances techniques pour assurer une diffusion en direct de leur séance mensuelle du conseil municipal. À Saint-Valérien par exemple, celle-ci se fait à huis-clos – la bande audio est mise en ligne le lendemain. Exit la période de questions, donc, mais le maire Robert Savoie juge que l’impact sur la démocratie municipale est limité : « Lors de nos séances du conseil, il y a rarement plus de deux personnes, et c’est toujours les mêmes. » D’après lui, la majorité des questions sont liées à des dossiers personnels, et les résidents les adressent désormais directement à la direction municipale. « Lorsque des questions concernent plus directement le conseil, la directrice générale a autorité de donner mon numéro de cellulaire personnel et je suis en mesure d’expliquer la décision directement au citoyen », complète M. Savoie. 

Des outils informatiques pour inclure les citoyens 

Ailleurs, d’autres ont décidé d’innover pour que tout reste comme avant. Ainsi, à Sainte-Luce, la mairesse Maïté Blanchette Vézina a recours à l’application GoToMeeting, qu’elle a l’habitude d’utiliser dans son travail d’avocate. Le fonctionnement ressemble à la très populaire application Zoom, dit-elle : « Je demande aux citoyens d’éteindre leur caméra durant la séance, pour qu’on ne voie que les conseillers. Lors de la période de questions, ceux qui ont des questions à poser allument leur caméra. Ils peuvent aussi utiliser la fonction clavardage. Et ceux qui n’ont pas accès à internet peuvent être présents par téléphone. » Un réel échange a donc lieu entre citoyens et élus, et toute la population peut y assister. « Les gens sont très disciplinés, j’ai été moi-même surprise de voir comment ils peuvent être plus concis par vidéo qu’en présence physique », témoigne la mairesse.

Après quelques essais, Mme Blanchette Vézina est conquise : « Ça va très bien! On a une quarantaine de participants par séance, alors qu’habituellement une vingtaine de personnes se déplace. On touche donc de nouvelles personnes, qui apprécient l’idée de suivre la politique municipale dans le confort de leur salon. On va probablement poursuivre après la pandémie avec un hybride : à la fois la séance publique physique et la webdiffusion avec questions en ligne. »

Et l’expérience fait déjà des émules : Price a utilisé pour la deuxième fois une application similaire nommée WebEx, lundi dernier. Le maire Bruno Paradis en est satisfait, et constate également qu’il est capable de rejoindre davantage de citoyens par ce biais : « On s’entend qu’une séance du conseil, ce n’est pas digne des Oscars! Des fois c’est un peu plate… Mais ça peut être intéressant de l’écouter en faisant autre chose. Je crois que pour la démocratie, c’est une bonne chose. » À tel point que lui aussi pense garder cette application dans le futur. Il est venu le temps des conseils municipaux 2.0.

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