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Du pain et des roses

Par Éric Dubois le 2020/05
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Du pain et des roses

Par Éric Dubois le 2020/05

Les Trois-Pistolois peuvent savourer avec satisfaction une victoire citoyenne dans le dossier de la traverse. Mais devant un État néolibéral désengagé du développement territorial et régional, des questions se posent : est-ce que les nombreux enjeux qui touchent notre région, notre environnement risquent de connaître le même sort que celui de l’Héritage? Devrons-nous toujours nous mobiliser pour être respectés et respectées par les gouvernements?

La « recette » de Sauvons l’Héritage, mouvement citoyen de sauvegarde de la traverse Trois-Pistoles-Les Escoumins, a été simple mais efficace : des assemblées publiques courues par la communauté, un porte-parole énergique et dévoué, Guillaume Legault, soutenu par un réseau de centaines de citoyens et de citoyennes en mode démocratie directe, des outils de mobilisation qui définissent un nouveau standard dans les luttes locales avec la contribution solidaire d’artistes graphiques dont Simon Beaudry, un ultimatum, des manifestations plus grandes que nature, une pétition, beaucoup d’huile de coudes et de claviers, du porte-à-porte et du réseautage. En 25 ans de contribution aux luttes citoyennes, l’une de mes plus belles expériences.

Cela donne confiance pour la suite, au moment où une pause nous est collectivement imposée, comme une période de réflexion et d’espoir. Il faudra réfléchir à plusieurs aspects de cette bataille : la façon dont les pouvoirs municipaux et paramunicipaux, enfermés dans leurs bureaux, ont soufflé le chaud et le froid sur la mobilisation, la façon dont la CAQ a négocié un octroi de cinq millions de dollars en imposant des conditions excessives, le fait que les citoyens et citoyennes ont occupé avec brio et inventivité la place publique, alors qu’aucune place politique ne leur a été offerte. Des leaderships peuvent émerger de projets structurants qui mobilisent. Comment pouvons-nous utiliser ces leaderships dans l’élaboration et la mise en œuvre d’un projet territorial pour les Basques? Voilà des possibilités infinies d’autonomisation!

Un revenu de citoyenneté

La crise de la pandémie nous secoue durement. L’État néolibéral redevient maintenant l’État providence pour affronter la première pandémie de l’ère moderne et tenter de soutenir l’économie plongée dans la récession. La crise sanitaire commande des moyens extraordinaires pour appuyer les citoyens et les citoyennes dans leur vie quotidienne, par des mesures de soutien au revenu. Faute de choisir une approche universelle, les gouvernements tentent de convaincre le capital de contribuer. Des subventions salariales sont offertes aux entreprises qui accusent une perte de revenus de 30 %. On financera 75 % des salaires pour que les travailleuses et les travailleurs demeurent en situation d’emploi.

Cette mesure est intéressante pour une crise de courte durée. Elle permettra à tout le monde de reprendre le service rapidement. Mais les employeurs accepteront-ils de garder un lien d’emploi à moyen et à long terme avec des salariées et des salariés peu productifs, alors que la crise risque de se poursuivre encore longtemps? Le capitalisme ne prévoit pas ce genre de scénario. Viendra le temps où des mesures universelles seront requises.

J’ai milité auprès du camarade Michel Chartrand en 1996 lorsqu’il s’est porté candidat pour affronter « Lulu le toupet Bouchard » dans la circonscription de Jonquière. On était en pleine déconfiture néolibérale, tant à Ottawa qu’à Québec, après l’échec référendaire. C’était la genèse du déficit zéro, le début des compressions dans les programmes sociaux, bref un milieu idéal pour commencer ma carrière dans la résistance sociale.

Chartrand avait fait du revenu de citoyenneté sa thématique de campagne. Il articulait ses discours autour de la condition des personnes âgées qui doivent vivre dans l’indignité, faute de revenus suffisants et en raison des compressions dans les services sociaux. Pour lui, le revenu de citoyenneté était le ciment de la cohésion sociale, celui du respect et de la liberté. Au déficit zéro, il opposait la pauvreté zéro.

Chartrand prônait un revenu universel versé à tous pour assurer les besoins de base : se loger, se nourrir, se soigner et se vêtir. Puis aussi pour avoir du temps pour prendre part à la démocratie, pour s’occuper de politique avant qu’elle ne s’occupe de nous… Celles et ceux qui n’auraient pas besoin de ce revenu pourraient le redonner aux impôts, ou encore en faire profiter des causes ou des projets locaux.

Cette idée paraît encore plus pertinente aujourd’hui. Les actions immédiates du gouvernement Trudeau ont permis de fixer à 2 000 $ par mois le seuil en deçà duquel les personnes atteintes par la COVID ou qui subissent les contrecoups du ralentissement de l’économie ne devaient pas tomber. Il est dommage que la vision néolibérale des gouvernements les empêche de choisir d’étendre ce seuil à l’ensemble de la société en guise d’aide immédiate. Espérons que le droit social fera le travail après la crise pour améliorer le sort de celles et de ceux qui méritent tout autant un soutien de l’État.

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