
Depuis le début de la pandémie de covid-19, le sujet de l’autonomie alimentaire a pris le haut de l’affiche, et les municipalités rurales du Bas-Saint-Laurent commencent à prendre des mesures en ce sens. Ainsi, Saint-Anaclet-de-Lessard devrait adopter prochainement un règlement permettant de posséder quelques poules pondeuses à l’intérieur de son périmètre urbain.
« Dans les grandes crises, pourquoi les agriculteurs ne mouraient pas de faim? Parce qu’ils produisaient leurs choses, assure le maire de Saint-Anaclet, Francis St-Pierre. Il n’y a pas d’argent à faire avec des poules : la moulée coûte le même prix qu’une douzaine d’œufs à l’épicerie. Mais peu importe ce qui va arriver, tu es sûr d’avoir des œufs. »
La limite sera fixée à trois volailles. « Cela représente deux douzaines d’œufs par semaine, ça commence à faire pas mal », pense M. St-Pierre. Son conseil municipal veut agir vite pour répondre à l’engouement de la population – difficile de trouver des poules dans la région de Rimouski tellement elles sont en demande, assure l’élu –, mais prudemment : chaque fois que le sujet est abordé, certains citoyens émettent des craintes quant à l’odeur. Ce premier essai va permettre de démontrer que ce problème est inexistant à petite échelle.
Surtout, le maire craint que des oiseaux soient abandonnés à l’automne parce que leurs propriétaires s’en lassent ou ne veulent pas s’en occuper l’hiver. « On veut que ces animaux ne soient pas sacrifiés, et que d’autres personnes puissent les récupérer, parce qu’une poule ça pond plus qu’un an. »
Par ailleurs, Saint-Anaclet-de-Lessard va unir ses forces avec un autre village situé près de Rimouski, Saint-Valérien. Plutôt originale, la démarche vise elle aussi à améliorer l’autonomie alimentaire de la population. Concrètement, les deux municipalités vont réfléchir ensemble à des moyens d’augmenter la production maraîchère sur leurs territoires respectifs, mais aussi le nombre de potagers près des résidences privées et des logements locatifs. Elles vont aussi analyser des mesures permettant d’encourager l’achat de produits locaux.
Les employés municipaux mettent les mains dans la terre
« On voit que quand les municipalités décident d’être créatives, elles ont des possibilités d’action », se réjouit Martin Poirier. Ce dernier est un des quatre signataires d’une lettre envoyée au préfet de la MRC Rimouski-Neigette (qui n’est autre que Francis St-Pierre) par le mouvement Rimouski en transition pour lui demander une « MRC nourricière ». Partout au Québec, les initiatives villageoises se multiplient, souligne M. Poirier : par exemple, à Sainte-Thérèse-de-Gaspé près de Chandler, les citoyens peuvent demander aux employés municipaux de venir passer le motoculteur chez eux afin d’aménager un jardin. Avec cette initiative, le maire Roberto Blondin veut offrir à ses résidents un bon moyen de s’occuper durant un été sans festivités.
À La Trinité-des-Monts, la pandémie va aussi bouleverser les plans estivaux : ce village de 250 habitants avait prévu de construire une scène extérieure, mais puisque les rassemblements sont interdits, il vient de demander à la MRC Rimouski-Neigette (qui devait financer le projet) de rediriger l’argent vers le jardin communautaire. Si cela fonctionne, on pourrait y voir apparaître cinq serres (histoire de respecter les règles de distanciation) cet été. « Depuis quelques années, la municipalité cultive des pommes de terre qui sont ensuite distribuées aux personnes âgées, ou à mobilité réduite, ou à faible revenu, explique la directrice générale Nadia Lavoie. En 2020, on voudrait diversifier la production : tomates, concombres, poivrons… toujours dans le but de les offrir aux gens dans le besoin. Et si jamais on a un surplus d’aliments, on va le donner aux cuisines collectives. »
Plus tôt cette année, La Trinité-des-Monts a obtenu une aide d’Emplois d’été Canada pour embaucher deux jeunes afin d’organiser des camps de jour. Ceux-ci ne pourront probablement pas avoir lieu, mais la directrice générale aimerait pouvoir employer ces étudiants quand même, et les assigner au travail dans les serres. Elle a déjà acheminé une demande en ce sens à Emplois d’été Canada. Comme quoi, avec un peu d’imagination, on peut traverser les pandémies en restant bien nourri.