Exclusivité Web

Un violent silence

Par Charlotte Huard le 2020/04
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Exclusivité Web

Un violent silence

Par Charlotte Huard le 2020/04


Nos façons de vivre et d’habiter le Québec sont complètement différentes depuis le début du confinement. La COVID-19 nous porte à croire que tout est en arrêt, en suspens. Pourtant, la violence conjugale continue de sévir et de détruire, sinon plus qu’avant cette crise. Les femmes victimes ne sont pas seulement confinées à cause des mesures gouvernementales, elles sont emprisonnées, voire séquestrées par leurs agresseurs. Tout cela se passe à côté de chez moi, à côté de chez vous. C’est horrifiant, car le confinement en soi est une mesure pour sauver des vies, mais il devient, pour les victimes de violence conjugale, un emprisonnement qui donne libre cours à la terreur, toutes les heures du jour. Cette situation est planétaire, partout des femmes subissent la violence et l’horreur dans leur propre intimité. Plusieurs d’entre elles sont dépossédées de cette faible liberté qui existait avant la COVID-19, à savoir quelques heures par jour où elles ont encore accès à un téléphone ou à l’aide d’une proche.

Rappelons-le, une femme sur cinq vit, vivra ou a vécu de la violence conjugale au Québec. Chaque mois, une femme est assassinée par son conjoint ou son ex-conjoint. La pandémie ne fait pas abstraction de ces horrifiantes statistiques, pourtant il y a de moins en moins d’appels de femmes victimes de violence conjugale dans les maisons d’aide et d’hébergement ou encore à la ligne téléphonique de SOS violence conjugale. Ce silence est inquiétant.

Plusieurs intervenantes sociales partout au Québec se démènent pour mettre en place des protocoles ou des réseaux d’aide et de soutien pour s’assurer que les femmes entendent leur voix : nous sommes toujours là pour vous soutenir, pour vous aider – nos mains sont tendues vers vous… Le sentiment d’impuissance est tout de même grandissant. Comment, malgré ce confinement nécessaire, aider toutes ces victimes de violence conjugale ? Pour elles, le réel danger se trouve dans leur maison, il ne dort jamais et se laver les mains n’y changera rien.

Le gouvernement Legault a annoncé que 2,5 millions de dollars seraient octroyés aux maisons d’aide et d’hébergement pour les femmes et les enfants victimes de violence conjugale pour qu’elles puissent répondre aux besoins urgents et criants dans leur communauté. Pour aider toutes ces femmes, encore faut-il être capable de les rejoindre, d’avoir accès à leur réalité. Ainsi, une réflexion collective est nécessaire pour que ces femmes et ces enfants ne soient pas oubliés dans un violent silence pendant cette crise, mais aussi après. 

La pandémie causée par la COVID-19 nous fait prendre conscience de la fragilité du filet social. Si le monde tremble trop sous nos pieds, il ne saura nous retenir. Tout un chacun à son rôle à jouer, mais la part de notre gouvernement est immense, surtout aujourd’hui. C’est à lui d’enclencher des démarches rigoureuses pour protéger les femmes et les enfants. De fait, si la violence conjugale est encore présente, c’est que notre système la tolère et la perpétue. Un protocole national doit être créé rapidement. Puisque nous sommes dans l’urgence, pourrions-nous nous inspirer de certains pays d’Europe ? En Belgique, toutes les personnes qui avaient déposé des plaintes pour violence conjugale lors des trois derniers mois ont été appelées pour rétablir le contact et pour leur rappeler qu’elles ne sont pas seules. En Espagne, les pharmaciennes et les pharmaciens ont été mobilisés à la réalité des victimes. Lorsque les femmes disent les mots Masque-19, la police est appelée.

La violence conjugale concerne chacun d’entre nous et tous ensemble. Ces femmes et ces enfants ont besoin de sécurité et d’accompagnement, aujourd’hui plus que jamais étant donné le confinement et l’isolement. Il faut agir rapidement, des drames se passent tous les jours, sous un silence inquiétant, partout au Québec et dans le monde. Tout comme la COVID-19 nous l’oblige, il faut toutes et tous se mobiliser contre la violence conjugale pour y mettre fin définitivement.

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