
Panier bleu[1], Solution locale[2], circuit court, économie circulaire, agriculture de proximité… depuis que le premier ministre François Legault a évoqué la question de l’autonomie alimentaire du Québec et le risque d’une rupture de la chaîne d’approvisionnement des fruits et légumes en provenance des États-Unis, soulignant ainsi la fragilité du système en place, les articles, idées, initiatives se multiplient, même si le sujet ne date pas d’hier, loin de là.
Ainsi, dans La Presse+ du 7 avril, Jean-Martin Fortier[3] se demande « Et si Hydro-Québec et les petites fermes s’alliaient pour nourrir le Québec à l’année?[4] »
Le 13 avril, l’IRIS publie un article intitulé « Autonomie alimentaire : Québec devrait envisager la création d’une nouvelle société d’État[5] », qui pourrait s’appeler « Serre-Québec ».
La Tribune[6] du 11 avril présente les mesures adoptées par les villes de Sherbrooke, Victoriaville ou Drummondville pour favoriser l’autonomie alimentaire de leur population.
Rad, dans la capsule « Nourrir ses citoyens grâce aux serres municipales[7] », explique ce qui se passe à Victoria, en Colombie-Britannique : la ville va convertir 20 % de sa production annuelle de fleurs en légumes et distribuer ainsi de 50 000 à 70 000 plants à sa population, entre autres aux plus démuni·e·s, avec la marche à suivre pour faire pousser sa propre nourriture.
Les propositions foisonnent, l’effervescence est au rendez-vous.
Qu’en est-il au Bas-Saint-Laurent? Et à Rimouski?
Je ne reprendrai pas ici « Goûter NOUS![8] » l’excellent billet que Christian Bégin signait le 11 avril dans le magazine en ligne Caribou, la culture culinaire québécoise raisonnée qui dresse un panorama des principales actions entreprises dans la région par d’importants acteurs locaux, entre autres Colombe St-Pierre[9], la Ferme du Vert Mouton, La jardinière et l’Union paysanne. Il y mentionne notamment l’une des deux initiatives qui nous intéressent ici.
Rimouski-Neigette : une MRC nourricière en temps de pandémie
Le 5 avril dernier, Martin Poirier, Patricia Posadas, Marie Boirot et Annie Cayouette, de Rimouski en transition, publiaient la lettre envoyée[10] au Conseil des maires pour sa rencontre plénière du 1er avril, après s’être entretenus d’autosuffisance et d’autonomie alimentaire avec monsieur Francis Saint-Pierre, préfet de la MRC de Rimouski-Neigette et monsieur Harold Lebel, député de Rimouski à l’Assemblée nationale.
Les signataires énoncent « quelques gestes simples et peu coûteux » pour faire de Rimouski-Neigette une MRC nourricière et pouvoir manger fruits et légumes, « puisque les municipalités pourraient devenir des acteurs clefs dans l’organisation de cette production » :
- En lançant un mot d’ordre de cultiver chaque endroit qui est à notre disposition
- En modifiant dès maintenant [les] commandes de plantes ornementales pour cet été, pour les remplacer par des plantes comestibles
- En fournissant un service de travail du sol par l’entremise des employés municipaux (tracteurs, machinerie)
- En organisant la distribution de semences
- En ouvrant des parcelles publiques dans les parcs et sur les terrains municipaux (si nécessaire)
- En lançant un appel à la population pour augmenter la production du compostage et ainsi en maximiser la distribution
- En consultant et réunissant les acteurs du secteur maraîcher pour bonifier les idées à mettre en commun afin de décupler cette production/transformation locale.
En parallèle afin de donner les moyens à la population de mettre l’épaule à la roue [les municipalités pourraient également offrir] :
- un encadrement pour aider les débutants à produire des transplants, gérer leurs cultures, etc.;
- […] des lieux dédiés à la production des transplants;
- […] des lieux pour la conservation des récoltes et un soutien sur la manière de le faire chez soi.
La lettre a été conçue pour être adaptable, modulable, reprise par d’autres. Ainsi, les signataires invitent-ils les citoyen·ne·s « à prendre contact avec [leurs] éluEs afin de leur faire part de [leurs] idées et préoccupations afin d’amorcer une transition écologique sur notre territoire dans les plus brefs délais ».
Rimouski, ville nourricière
À ce titre, le 8 avril dernier, Jérôme Motard, appuyé par plusieurs concitoyen·ne·s, a adressé une « demande citoyenne […] aux conseillères et conseillers, ainsi qu’au maire de la Ville de Rimouski » contenant « [p]lusieurs solutions qui pourraient rapidement être mises en place » :
– Lancer un appel à la mobilisation des forces vives sur notre territoire, s’arrimer au plan de souveraineté alimentaire élaboré par la MRC Rimouski-Neigette afin de le rendre vivant et maintenir une participation active au sein des concertations agroalimentaires existantes;
– Mobiliser les centres jardins pour qu’ils se concentrent sur la production des semis alimentaires;
– Mobiliser une partie des équipes municipales pour distribuer gratuitement des semences, de la terre, du compost, des matériaux pour la fabrication des bacs (issus de l’écocentre) dans chaque district;
– Partager les ressources existantes, faire la promotion des techniques de jardinage et faciliter l’échange de savoirs;
– Créer une plateforme numérique pour permettre l’échange des connaissances et de matériel;
– Mettre en place une équipe technique pour conseiller la population au maraîchage accessible dans chaque district (reconversion possible de certains travailleurs municipaux);
– Si ce n’est déjà fait, adopter une réglementation afin de permettre des poules et des lapins à domicile, dans des installations adéquates;
– Aider à la distribution des animaux sur l’ensemble du territoire et le suivi sanitaire (assurer la formation);
– Au besoin, en partenariat avec les corporations indépendantes, faciliter l’accès des cuisines de la ville à la communauté au moment des récoltes;
– Transformer une partie des bacs à fleurs de la ville en bacs comestibles;
– Multiplier le nombre de jardins, de vergers communautaires sur notre territoire et en assurer le suivi;
– Mettre à la disposition des citoyennes et des citoyens le matériel de base, si besoin;
– Inciter les propriétaires à planter des arbres fruitiers sur leur terrain en leur fournissant l’expertise d’élagage et les arbres,
– Permettre aux citoyennes et citoyens de la ville de Rimouski de faire du maraîchage sur la partie avant des terrains et sur leur façade d’habitation (côté rue)
– Faire appel à l’aide financière du gouvernement provincial et fédéral pour assurer la pérennité de cette démarche;
– Proposer au gouvernement du Québec et aux autorités sanitaires d’autoriser la vente directe à la ferme dont les produits laitiers;
– Mettre en place toutes autres mesures de soutien aux entreprises agroalimentaires déjà existantes et mettre en place des incitatifs pour la création de nouvelles entreprises.
Pour Jérôme Motard, « [à] l’instar de Saint-Bruno-de-Montarville[11], ville nourricière ou de Trois-Rivières, qui a mis en place en partenariat avec un OBNL et l’organisation de développement économique locale le projet ‘’La brouette[12]’’, un outil pédagogique de jardinage urbain […], la ville de Rimouski a […] tous les leviers politiques nécessaires pour répondre à nos demandes rapidement et devenir un acteur clé dans cette mobilisation ».
Enthousiaste, l’auteur de la lettre poursuit : « Il s’agit là de choix écologiques et économiques à long terme et très éclairés. Ce virage n’est pas qu’humanitaire. On parle ici d’un plan d’affaire touristique de premier ordre et d’une grande plus-value pour attirer la main-d’œuvre en région. Une ville jardin et nourricière, c’est le nec plus ultra du développement urbain. Soyons visionnaires! »
Dans les deux cas, les signataires sont en attente d’une réponse. Le projet de Jérôme Motard doit être examiné au prochain conseil plénier de la Ville de Rimouski qui aura lieu ce lundi 20 avril.
Certes, la saison maraîchère n’attend pas et le temps presse. Martin Poirier reste confiant toutefois : il est encore possible d’adopter des mesures dès cette saison. Ces démarches s’inscrivent en effet dans un esprit de main tendue, de bienveillance, de collaboration entre élu·e·s et citoyen·ne·s puisqu’il s’agit d’« agriculture sociale, précise Martin Poirier au bout du fil. On veut nourrir le monde. »
Vous souhaitez participer au prochain conseil plénier de la Ville de Rimouski? Posez vos questions par écrit ici : https://villederimouski.wufoo.com/forms/r1irtg9d0e1xoz2/
Date limite : lundi 20 avril, 15 h.
[1] https://lepanierbleu.ca/
[2] https://solutionlocale.ca/
[3] http://lejardiniermaraicher.com/
[4] https://www.lapresse.ca/debats/opinions/202004/06/01-5268244-et-si-hydro-quebec-et-les-petites-fermes-salliaient-pour-nourrir-le-quebec-a-lannee.php
[5] https://iris-recherche.qc.ca/blogue/autonomie-alimentaire-quebec-devrait-envisager-la-creation-d-une-nouvelle-societe-d-etat
[6] https://www.latribune.ca/actualites/la-longue-route-vers-lautonomie-alimentaire-6afcb8a09929e90d9afe76bdadcccc2factualites/lautonomie-alimentaire-en-rafale-8fa4131dbd598fdbf6dfe112ae09d2a7
[7] https://www.rad.ca/dossier/actualite/314/nourrir-ses-citoyens-grace-aux-serres-municipales
[8] https://cariboumag.com/2020/04/gouter-nous/
[9] https://plus.lapresse.ca/screens/2ee52765-a090-4283-b626-432de88e4043__7C___0.html?utm_medium=Facebook&utm_campaign=Microsite+Share&utm_content=Screen
[10] http://www.rimouskientransition.com/une-mrc-nourriciere-en-temps-de-pandemie/
[11] https://stbruno.ca/ville/politiques-et-plans-daction/ville-nourriciere/
[12] https://www.labrouette.ca/