
Un territoire invisible : une cité d’espaces communs de création, d’apprentissage et de partage. Des lieux mythiques rêvés, mort-nés, imaginés, perdus, submergés par des velléités politiques ne s’accordant pas aux projets citoyens culturels et rassembleurs.
À mon arrivée à Rimouski, il y a cinq ans, je soupçonnais déjà la présence d’une Atlantide; j’avais l’intuition qu’il devait bien exister un autre monde, en dessous du clabord que l’on-veut-bien-voir. Je constatais un manque de lieux de création artistique, scénique plus particulièrement (mais où peut-on danser et faire du théâtre en tant que professionnelles, caltâr?). Après, j’en ai fait l’expérience : on m’a accueillie dans cette petite communauté regorgeant d’artistes enflammées qui peinent à trouver des lieux pour se rencontrer, pour créer, pour imaginer et mettre au monde des initiatives. Puis, j’ai tenté de mon côté de matérialiser ce genre d’espaces, pour me retrouver engloutie par la froideur du paysage locatif ou par la stérilité des lieux institutionnels disponibles.
C’est l’an dernier que mes recherches « archéologiques » ont officiellement débuté. J’ai tout d’abord sommairement recensé les lieux submergés au « limon infranchissable » : l’indisponibilité des locaux de l’École de danse Quatre-Temps, la complexité des usages des centres communautaires et des locaux du Cégep, l’absence de plancher décent à l’UQAR (et de nombre d’autres locaux existants), le nouveau Paradis en forme de spectre, le privé cherrant, la mission de démocratisation du Théâtre du Bic qui « collisionne » avec la réalité de ses disponibilités et que dire des fantômes qu’on ne cesse de vouloir ressusciter, tels que les Ateliers Saint-Louis ou la, LA cathédrale.
C’est en gratouillant ce substrat décevant que le mythe s’est doucement dépoussiéré. À travers mes recherches et rencontres, les Atlantes se sont manifestées avec ferveur. En dessous − ou au travers ou au-dessus − des chasses gardées institutionnelles, des clôtures du privé, de l’immobilisme de la Ville devant les possibilités d’un monde écologico-artistico-communautaire (ça se peut!), il y avait tout à coup de nombreuses personnes aux nobles envies de collaboration. Des créatrices jouvencelles autant que des initiatrices qui n’en sont pas à leur premier projet rassembleur. Je souligne d’ailleurs tous vos efforts, je sais votre fatigue.
Ainsi, plus je rencontrais de personnes motivées, plus les fouilles en faisaient apparaître d’autres inspirées qui cherchaient à faire naître ou à occuper un lieu de rencontre citoyenne ouvert à toutes. On y trouverait des ateliers et des studios artistiques, pour avoir l’espace d’imaginer et de créer d’autres mondes en y invitant celles qui le veulent. On s’y croiserait, s’y jaserait et s’y échangerait toutes sortes de savoirs en espérant ne pas être tributaires des hiérarchies étouffantes et de la performance castrante. On fédérerait nos efforts pour s’autonomiser avec des outils de toutes sortes et des aliments cultivés et distribués dans des circuits alternatifs. C’est ça qu’elle racontait la mélopée d’Atlantidouski, quand je me suis mise à l’écouter.
Mon objectif en rédigeant cet article était de faire une visite de tous les artefacts recueillis de ce monde englouti; voici pourtant qu’il se découvre encore en dimensions inespérées. Il semble de surcroît convaincu de surgir du limon, de se concrétiser à l’air libre. Il faut dire que nous ne sommes pas seules à avoir déterré ces pulsions « communes » ; les consultations du Projet 13-30 et de l’Alliance pour la solidarité Rimouski-Neigette ont souligné le besoin d’un tel espace. L’idée de développer un Fab Lab et un carrefour alimentaire rimouskois est en cours de discussion, le budget participatif a vu des projets de bibliothèque d’outils et de maison pour la démocratie, le Paradis lâche pas la très imposante patate depuis 10 ans et 45 artistes ont signé une missive en appui au Village culturel et à son centre communautaire pour les arts, une des propositions de remplacement de la Grande Place. Proposition rejetée, devrais-je spécifier.
Dans un souhait de connaître, de soutenir et de relier les personnes ayant des visions similaires à celles envisagées ci-haut, un groupe d’Atlantidouskouines s’est formé en 2019. Il est encore difficile à définir, mais nos besoins en tant qu’humaines créatrices avides de partage et de dynamisme communautaire nous relient. D’ailleurs, nous serions ravies de connaître vos besoins et envies, afin d’entreprendre des démarches qui, nous le souhaitons, concrétiseront en tout ou en partie un projet d’espace ouvert de création et de partage.
Pour contacter le groupe et faire connaître votre intérêt, rendez-vous au
www.surveymonkey.com/r/TNY67X7.