Art & Création

Un degré de la fugue, une errance pour penser

Par Tina Laphengphratheng le 2020/01
Image
Art & Création

Un degré de la fugue, une errance pour penser

Par Tina Laphengphratheng le 2020/01

Le premier recueil de poésie de Francis Bastien, Un degré de la fugue, a été pour moi une invitation à repenser le monde. Je me suis retrouvée dans ce recueil comme dans une maison ouverte, ou plutôt comme dans une maison sans mur, cernée par la forêt, quelque part entre partout et nulle part, hors du temps. « oui le temps existe / mais seulement parce que les choses / pensent / un milliard de fois plus vite que moi ». Dans un espace pour fuguer, prendre le temps. Le recueil est un exil, une échappatoire hors de toutes les frontières. Un non-lieu lorsque l’existence est en crise. Une errance. « on m’avait dit que marcher n’avait plus de sens / mais ceux qui sont partis partent encore / tracent des visages / respirent / dans les bifurcations de la terre ».

Dans l’univers de Francis Bastien, la désillusion est une force tranquille qui nourrit la réflexion. « il faut se l’avouer / qui seras-tu est le dernier lieu / à nous ressembler […] » Le contraste constant entre la nature et ce que l’humain a créé nourrit les poèmes. Cette dualité qui habite les vers constitue un chemin pour réfléchir au rapport de l’humain avec le territoire et permet de redécouvrir quelque chose qui n’a jamais cessé d’exister : la nature, pure et simple. Ce dépouillement est perceptible à travers la relation intime du poète avec l’univers et la matière. « […] je suis venu étudier / de quoi les sentiers se nourrissent ». Une fascination pour le mode de vie des nomades fait également réfléchir à la manière dont nous vivons. Ce n’est pas seulement notre corps physique qui est sédentaire, mais trop souvent notre esprit. « les nomades, étincelles qui durez des siècles / on vous attend quelque part / l’univers scellé dans nos meubles / fugue entre les mots / tant j’envie la terre / de vous avoir mis au monde ». En tournant les pages, j’en suis arrivée à être de moins en moins en mesure de me distinguer d’un rocher. Après tout, nous ne sommes que des atomes et le recueil nous le chuchote très discrètement.

Un degré de la fugue est une lecture inconfortable parce que nécessaire. L’inconfort nous reste dans la poitrine comme si « un orme sec dans les poumons » y avait fait sa place. En lisant le recueil, j’ai eu envie de reconstruire le monde pour qu’il ait un peu plus de sens, parce que comme Francis Bastien le dit si bien : « le meilleur isolant, c’est encore du rêve »

Partager l'article

Image

Voir l'article précédent

Sauvagines, un chant de coyotes

Image

Voir l'article suivant

Nous qui n’étions rien