Exclusivité Web

Gonzo Wexit : Mon voyage en Alberta!

Par Sébastien Corriveau le 2020/01
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Gonzo Wexit : Mon voyage en Alberta!

Par Sébastien Corriveau le 2020/01

Une version non-Gonzo et plus courte a été publiée dans l’édition papier du Mouton Noir.

Notez aussi qu’à la demande de l’auteur, ce texte n’a pas été révisé et peut contenir des fautes d’orthographe!!!

J’ai décidé d’avoir envie d’écrire sur le sujet du Wexit. J’ai visité l’Alberta pendant la campagne électorale, et j’ai même rencontré le chef du parti séparatiste albertain, le Alberta Independance Party (AIP), je me sentais confiant que je pouvais écrire cet article de 800 mots. Une mission de Marc Simard qui partit à la dérive lorsqu’arriva bien trop rapidement la date de mon départ pour Ottawa et Manhattan, ce voyage dans lequel s’insère la date de tombée de l’article. Je me suis dit : « Bah, c’est pas grave, à Ottawa je vais passer du temps avec Christina Bassett (candidate Rhino dans Calgary-Signal-Hill), on va avoir le temps de jaser et d’écrire l’article ensemble ». Hé bien, j’ai sous-estimé la qualité des réunions d’Élections Canada dans les centres des congrès de la capitale nationale et la quantité de nourriture gratuite qu’on peut y ingurgiter. 7 heures de sommeil + 7 heures de réunions d’Élections Canada + 7 cafés gratuits + 7 collations gratuites + 2 repas copieux gratuits + rencontrer le commissaire aux Élections qui est ben trop heureux de jaser avec le Chef du Parti Rhinocéros du Canada = impossible de commencer la réflexion menant à l’écriture de la première ligne de cet article. Pire encore, j’ai passé 2 jours et quart avec Christina, et j’ai oublié de lui mentionner l’existence même dudit article – article inexistant – pour lequel j’aurais bien besoin de son aide pour le faire avancer. Il est 4h45 AM, je suis sur l’île de Manhattan, le fleuriste vient d’entrer dans son commerce pour commencer sa journée et j’écris le premier paragraphe de cette œuvre d’art journalistique et futur Pullitzer!

Gonzo (definition selon le Merriam-Webster) 1: of, relating to, or being a style of journalism marked by a lack of objectivity due to the writer’s immersion in the subject and often participation in the activity being documented. Gonzo journalism, a gonzo journalist.

Maintenant qu’on sait ce qu’est un journaliste gonzo, maintenant que j’ai décidé d’écrire du journalisme gonzo, on peut se demander : Est-ce que le journalisme peut être neutre? Impartial? Est-ce possible? Et surtout : est-ce que, ailleurs, il l’est vraiment? Plusieurs médias se vantent de faire du journalisme « objectif ». Mais assumez-vous dont! Personne n’est impartial! Faire une nouvelle, choisir un sujet, c’est un acte tendancieux! Interviewer quelqu’un ou quelqu’une, en soi, est un acte subjectif! Ici, dans ce blogue du Mouton Noir, un chef de parti politique fédérale réalise des entrevues, en toute partisannerie je vous présente Mon Voyage en Alberta!

Wexit

Wexit : prononciation anglaise “We Exit”. Wexit. We exit. On crisse notre camp.

Western Exit, définition : la séparation du Canada, se faisant à partir du Très-Haut-Canada. Quel est le but de cette séparation? Où sont nées les racines de ce désir? Est-ce l’émancipation d’un peuple, qui veut trouver ses propres repères culturels et identitaires? L’abolition d’une relation colonisatrice et la recherche de liberté face à un oppresseur? Une lutte des classes où le travailleur tente de reprendre le dessus sur le patronat exploiteur, afin de s’offrir une meilleure qualité de vie? Disséquons!

Quelques jours après avoir confirmé mon intention d’écrire un article de 800 mots sur le Wexit, je me suis retrouvé dans l’avion en route vers Ottawa, New York et Manhattan. Empreinte carbone oblige, j’ai planté moi-même les érables à sucre, sur ma propre terre, qui serviront à capter de carbone de ce gaspillage de fonds public. “Hey, chu t’allé en Alberta au mois d’octobre, ça va être facile à écrire, ce texte là! Et pis ça me tente vraiment d’écrire sur le Wexit!” ai-je pensé. J’avais sous-estimé l’éco-anxiété qui m’attendait au détour du sujet, la procrastination non-médicamentée dont je souffre depuis l’adolescence et mon horaire de travail surchargé de nouveau-travailleur-autonome-j’sais-pas-c’que-j’fais. Heureusement, de nuit, sur Manhattan, n’étant pas autorisé à dormir, j’ai réussi à tendre les perches des premières entrevues qui ont mené à l’écriture de ce manifeste!

À Ottawa m’attendait une réunion des partis politiques fédéraux. Je me suis dit : “Parfait, je vais pouvoir parler du Wexit avec plein de monde différents : des communistes, les conservateurs, le NPD, les libertariens, le Blocus Québécus, etc.!”. Hé bien, j’ai même oublié complètement l’existence de cet article, et je n’en ai pas parlé aux collègues représentants les 21 partis politiques invités à Ottawa. Et plusieurs des partis politiques n’étaient même pas venus à Ottawa pour profiter du café gratuit! Je voulais revoir Tim Moen des libertariens. Je ne voulais pas revoir Stephen Nazi de Halifax. Aucuns des deux n’était présent. Tout ce que je retiens de 2 jours de réunion avec Élections Canada, c’est une diatribe communiste concernant la privatisation de l’espace public : par exemple, les lieux “publics” sont désormais surveillés par des gardes de sécurité qui s’octroient le droit discrétionnaire de discriminer ce qu’ils jugent bon ou pas, de faire appliquer des règlements arbitraires et inventés, souvent en toute innocence et illégalité face à la loi canadienne ou à la Charte des droits et libertés garanties par notre Constitution du Canada. Solide Thumbs Up après ton discours, le communiste! Je pense que je suis le seul qui a applaudi…

Wexit : Comment ça a commencé?

J’ai utilisé Wikipedia pour écrire des gros morceaux du paragaphe suivant, qui peut aussi être retrouvé dans la version papier du Mouton Noir. En cas de doute, sautez le paragraphe. On peut situer les racines du Wexit à l’année 1980, lorsque Pierre-Eliott Trudeau a lancé le Programme Énergétique National (PÉN) en réaction à la crise pétrolière des années ‘70. Le PÉN a permis de garder les prix du pétrole plus bas, entre autre pour soutenir les industries manufacturières de l’est du Canada (Québec, Ontario). Dans les années suivantes, les provinces productrices de pétrole et de gaz naturel (Alberta, Saskatchewan) sont entrées en grave récession. Le lien de cause à effet n’est pas clair entre ces deux événements, et même aujourd’hui, il y a toujours des protagonistes sur les deux fronts. Le PÉN a contribué à l’élection du gouvernement conservateur de Brian Mulroney (1984), qui a éliminé le PÉN et privatisé Pétro-Canada. Hé oui, Pétro-Canada a déjà été une entreprise publique de distribution d’essence, mais dans les années ‘80, elle était déficitaire. Aujourd’hui, le Canada engrangerait des milliards annuellement grâce à cette entreprise publique, mais elle a été vendue à 100% à Suncor. Et les racines du Wexit peuvent remonter encore plus loin…  

Le sentiment d’être une colonie d’Ottawa est présent depuis la fondation de l’ouest. Les provinces de l’Alberta et de la Saskatchewan ont été créées en 1905 en tant que régions ressources autour d’une monoculture d’hydrocarbures et de mines. On peut donc dire que, dès leur fondation, la région a été crée afin d’exploiter des ressources qui seront revendues par Ottawa.

Le sentiment d’être pris à la gorge, tel que mis en paroles par Peter Downing : “This is one of the richest parts of planet Earth, over $20 trillion in natural resources, and we’re being told we can’t drill for it or we can’t mine or we can’t harvest or we can’t forest.” C’est tellement triste.

Séparer l’ouest, ça va jusqu’où?

Le mouvement Wexit s’est réellement fait connaître grâce à Peter Downing, à l’issue de la réélection de Justin Trudeau le 21 octobre dernier. En plus de donner des conférences et des rallys politiques en Alberta depuis les élections, deux partis politiques sont présentement en formation, le Wexit Canada pour les élections fédérales, et le Wexit Alberta pour les élections provinciales albertaines. De plus, le mouvement a enregistré 5 sites webs distincts : Wexit Canada, Wexit Alerta, Wexit Saskatchewan, Wexit Manitoba et Wexit BC. Les 4 premiers sites sont pratiquement du copier-coller, tandis que le site du Wexit BC ne fonctionne pas. En plus, la gang du BC Wexit m’a écrit sur Facebook pour faire une collaboration avec le Parti Rhino (ça ne s’invente pas!), et pis j’ai essayé de les relancer pour faire une entrevue pour cet article, pis y me répondent pu. Ils ne sont pas très actifs…

En Alberta, Peter Downing n’a pas répondu à notre demande d’entrevue. Néanmoins, on peut trouver des entrevues sur le web où les arguments de la sortie de l’ouest sont assortis de promesses pro-pipeline, pro-pétrole, anti-immigration et négationiste des changements climatiques. Le mouvement Wexit est-il un appendice du parti républicain étatsunien?

Pendant la campagne électorale, j’ai rencontré Dave Bjorkman dans un débat de candidats locaux à Edmonton. On a pris un selfie, je comprenais rien de ce qu’il disait, et c’est le lendemain sur twitter que j’ai catché avec qui j’avais parlé la veille. Un bon redneck. On se jase sur Twitter. Je lui ai promis que, en tant que premier ministre du Canada, j’allais crisser l’Alberta dehors de la confédération! On s’aime ben. Dave, il a refondé le Alberta Independence Party (AIP) en 2018, juste à temps pour les élections provinciales du 16 avril 2019. Le Parti avait existé pour l’élection de 2001, puis il a été dissous la même année. Aux élections provinciales de 2018, le AIP a présenté 63 candidats sur 87 circonscriptions, plus que le parti libéral avec ses 51 candidats! Alberta Independance a récolté 13 000 votes, soit 0,71% des voies. Il tient à se différencier du mouvement Wexit, “because we’re in it only for Alberta”, dit Bjorkman. Quand je lui ai demandé si l’ouest se sentait comme une colonie du Eastern Canada (terme utilisé pour désigner l’Ontario et le Québec), il me dit : « Poser la question, c’est y répondre. On est pas l’ouest, on est albertain. Tu me traites comme si j’étais dans l’ouest, alors que je suis albertain. » Donc on ne veut rien savoir de la Sakatchewan, ni du Manitoba? Et dans tout ça, personne ne semble se soucier des territoires…

En Saskatchewan, Robert Thomas, rédacteur au Moose Jaw Independant et ancien candidat Rhinocéros (2015), révèle que le mouvement du Wexit est bien présent en Saskatchewan depuis la réélection de Trudeau le 21 octobre : “Les gens voulaient vraiment un gouvernement conservateur. Ils sont très fâchés contre Trudeau. Et c’est la première fois depuis 40 ans que le mouvement Wexit dépasse le 1% dans la province, c’est énorme! Un sondage indique que 10% des saskatchewanais sont pour la séparation de l’ouest, et quand on sort des villes, je dirais que ça avoisine les 90%” dit-il. Il nous révèle aussi que le mouvement Wexit est un mouvement de droite, pro-pétrole : “Les gens n’ont plus d’emplois. La valeur des maisons baisse. Ajoutons la taxe carbone sur l’essence, l’absence de pipeline pour exporter le pétrole que l’on produit, les gens sont fâchés. Les agriculteurs ont besoin d’essence pour leurs tracteurs. Il n’y a pas de transport en commun dans les petites localités (NDLR : Moose Jaw est une ville de 35 000 habitants), les gens ont besoin d’avoir une voiture pour se déplacer.”

Robert Thomas mentionne entre autre que l’économie de l’ouest est en récession depuis 2014. Le prix du pétrole est en baisse (NDLR : entre autre parce que les États-Unis augmentent leur production pétrolière), les investissements dans le secteur pétroliers sont en baisse, la taxe carbone touche le portefeuille des ménages et des agriculteurs. De plus, 3 étés de sécheresse, suivi de saisons des récoltes humides, ont fait des récoltes atroces en Saskatchewan : « La saison végétative était mauvaise pour les plantes, et une fois récolté, il fallait utiliser des combustibles fossiles pour faire sécher le grain. Encore une fois : taxe carbone! » Je demande : “Est-ce que les gens font un lien entre les changements climatiques et ces événement météorologiques?” et Robert de répondre : “Les gens de gauche, oui. Les gens de droite, non.” Bien qu’il soit impossible de répondre à la question si un événement météo en particulier est lié aux changements climatiques, sans faire une analyse complète de l’historique climatique de la région, on y voit ici une polarisation franche de notre société. Ceux qui y croient font un lien direct, et ceux qui n’y croient pas sont convaincus qu’il n’y a aucun lien. Qui a raison? 

Un point de vue divergent

À Edmonton, une entrevue avec Liam Leroux, journaliste Gonzo qui m’a interviewé pendant la campagne fédérale de 2019 (https://docs.google.com/document/d/1LjNJE72jZ_gm1ImkKX9p0xPNxTmYruCGFyxbejlJ6Aw/edit), sur le sujet du Wexit nous donne un tout autre angle d’attaque sur le sujet : “Le Wexit est une joke parce que c’est une campagne publicitaire payée par le lobby du pétrole.”. Et il change rapidement de sujet pour aller aux changements climatiques : “Est-ce si important que ça de savoir si le CO2 créé par l’homme cause les changements climatiques ou pas? Sortir du carbone, c’est améliorer notre qualité de vie! Que ça change quelque chose ou pas aux changements climatiques est futile. La décarbonisation ne fait de mal à personne!” On doit comprendre ici que les Wexitter sont pro-carbone!

Leroux ajoute : “J’étais certain que Trump était une blague, qu’il n’y avait aucun moyen que cet idiot finisse élu. Le Brexit n’allait pas arriver, c’était seulement de la petite politique afin de brasser de l’air et de vendre des journaux. Pourquoi quelqu’un voudrait délibérément faire un trou dans le fond du bateau dans lequel ils sont? Plusieurs de ces leaders populistes me font penser à Mickey Mouse dans Fantasia, lorsqu’il découvre la formule magique pour passer la moppe et faire le ménage, mais soudainement la moppe part en couille et ça fou le bordel!” 

Conclusion

Quand je pense au mouvement Wexit, je ne vois nulle trace d’une émancipation culturelle. Aucune lutte des classes, pas d’abolition de l’esclavage. On ne dirait pas non plus qu’on veut se séparer pour tendre vers un avenir meilleur pour nos enfants. Pire, on voit même des traces d’une tentative de rétablissement de l’esclavage, une forme d’esclavage moderne où l’homme est soumis à la machine économique, où l’appât du gain est plus important que la qualité de vie des citoyens. On veut séparer le territoire dans le but de pouvoir faire ce que l’on veut avec ce territoire. Dans un monde global, mondialisé, on veut faire fi des règles de bonne conduite internationale. Dans ce monde où on a besoin de solutions globales, on veut faire à sa tête, se séparer pour exploiter les ressources sans avoir à demander la permission à personne.

On sent que l’ouest rêve l’abolition d’une relation colonisatrice. Oui, une relation colonisatrice, où Ottawa prend toutes les décisions importantes pour eux. Mais séparer un territoire dans le but d’en faire une république de banane, une monoculture d’hydrocarbure qui n’a pas su diversifier son économie dans les 50 dernières années, est-ce une si bonne idée? Ce qui est certain, c’est que l’acte de fondation du Canada signé le premier juillet 1867 par John A. Macdonald et la reine Victoria à Londres, devait donner un assemblage de provinces fortes unies par un gouvernement central mince. À l’époque, même les relations internationales n’étaient pas gérées à Ottawa : la politique étrangère du Canada était décidée à Londres! Aujourd’hui, Ottawa prend beaucoup de places, et les provinces veulent leur mot à dire. Et même plus : les municipalités veulent plus de pouvoir sur les provinces. Et même en gardant une vision globale de ce monde mondialisé, peut-être qu’en se gérant en petites communautés, on a de meilleurs résultats? Décentralisons!

Pis, pour être bien certain de laisser une empreinte carbone positive sur terre, dans 30 ans, je vais couper moi-même les érables à sucre que j’ai planté sur ma terre, je vais faire des billots de 16 pouces pis j’va les brûler dans mon poêle à bois! Carbon’s back in the air!

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