
Le Cabaret des auteurs, présenté cinq fois l’an au Cégep de Rimouski, fait entendre les voix de la relève littéraire du Bas-Saint-Laurent. Le Mouton Noir se joint à la fête en publiant un texte écrit et lu par un étudiant ou une étudiante lors de cet événement afin d’amasser des fonds pour le voyage de fin d’année des étudiants et étudiantes des programmes en arts, lettres et communications.
Mourir, mordre, s’effondrer dans la neige. Gras, comme c’est gras, moelleux sans sucre.
Manger, c’est aussi mourir, tout comme pelleter la terre sablonneuse du jardin, quand on veut y planter nos semences de légumes. On s’écorche un pied, puis on meurt. Parce qu’on meurt chaque fois que quelque chose se produit en nous, parce que sentir nous conduit toujours vers moins de vie, plus de mort. La fin du temps où notre cœur battait plus fort.
Cueillir des patates. Et éplucher, éplucher cette vie jusqu’à ce que ne réside entre mes doigts qu’un bâtonnet d’espoir, espoir de voir, espoir de réussir quelque chose de plus grand que moi, espoir, mince filament, celui de pouvoir enfin dire que sentir amène la vie. Mais on meurt. On meurt quand notre cœur arrête de se battre, le cœur arrête de se battre quand tout est à combattre. Perte de contrôle quand sonne l’heure de vivre cette vie de misérable humeur. Cette vie de mort.
Quand plus rien ne fait sens, il ne me reste que mes cinq sens. Je suis perdu sans eux. Sans nouvelles sensations, ma mort s’effrite aussi follement que la vie dégringole de mon être, quand je marche sous la pluie. Quand les gouttes tombantes m’effleurent, supposément flammes de ma chair, moi, je cesse ma luminescence.
Rien ne va plus vite que mourir. Mourir et manger, car manger, c’est mourir en moi. Je suis pleine de mort, comme de nourriture. Je peux mourir de ce qui me fait vivre. Et si je mangeais la mort, si je l’avalais toute ronde, elle, perdue au loin, dans un creux de mon être.
Ce qu’il y a d’inspirant à mourir est probablement l’inconnu que nous espérons découvrir, sans jamais réellement espérer y faire face. L’espoir, c’est mon désir éteint. Si je sais, je perds. J’aimerais savoir, mais ce que je désire encore plus, c’est de garder en moi ce sentiment de curiosité qui me pousse dans le dos, comme le vent, l’été, sur mon vélo. Le garder à jamais, le garder à mort.
Je me rends compte que ce que je cherche, c’est la vie.
J’aime remarquer le ciel et j’aime cultiver la terre. Je suis pourtant prise dans un mauvais sort, j’ai la vision brouillée et je ne vis plus que par l’entremise de mon corps qui devient engourdi et fatigué parce qu’il a besoin d’être nourri. J’en ai marre.
J’aurais tant besoin de ta lumière chaude devant moi, d’une fleur fraîche au parfum puissant qui me pousserait à remplir tout ce champ de ma joie. Elle brûlerait la forêt, tournant dans toutes les têtes pour aller trouver le lit parfait où se déposer, pour rayonner en nous. J’ai besoin de toi seule, parce qu’une seule fleur me donnerait suffisamment de sa beauté pour transpercer mon sort, ma vie, et me transmettre l’énergie de voir en mille couleurs.
Redonne-moi l’appétit.
Vivre, mordre, se laisser tomber dans la mer.
Car tu magnifies, Soleil, ma mer, ma partenaire.