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L’indépendance a besoin de nous

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L’indépendance a besoin de nous

Ça fait longtemps qu’on répète que la cause souverainiste va mal. C’en devient une prophétie « autoréalisante », une croyance qui devient réalité à force d’être répétée. Pourtant, plus du tiers des Québécois, de sondage en sondage, se dit toujours attaché à l’idée de la souveraineté, un seuil qui demeure très respectable si on le compare à d’autres projets de société ou à d’autres périodes de notre histoire.

Ça devient une question d’œuf ou de poule : la population ne se réintéressera pas à ce dossier tant que la classe politique et la société civile ne le remettront pas à l’avant-plan; or, depuis plus d’une vingtaine d’années, on l’a mis de côté justement sous prétexte que la population ne voulait pas en entendre parler. C’est même devenu le principal argument en faveur du statu quo. Rien n’indique cependant que les Québécois auraient magiquement développé un nouvel amour pour la fédération canadienne. On constate plutôt une bête fatigue de la part de ceux qui souhaitent en sortir, malgré toutes les bonnes raisons qui sont toujours d’actualité, et ce, sur tous les plans : environnement, fiscalité, constitution, développement social, culture, économie, etc. La question se pose : pourquoi cette solution s’estompe-t-elle ainsi de notre horizon politique?

L’une des causes est malheureusement le déchirement interne du mouvement. Une grande part de l’énergie, qui pourrait être consacrée à promouvoir et à faire avancer le projet, est plutôt gaspillée en procès de pureté. Les uns reprocheront au PQ d’avoir constamment reporté le point no 1 de son programme aux calendes grecques et de s’être perdu dans un nationalisme identitaire et « provincialiste », les autres reprocheront à QS ses cafouillages sur la feuille de route du OUI, ou son refus de toute forme d’alliance électorale. On reprochera au Bloc de se faire le pendant fédéral de la CAQ et on traquera les péquistes qui se sont trouvé un emploi dans un ministère caquiste, ou les solidaires qui militent individuellement pour le NPD.

Une anecdote locale illustre bien ce genre de dérives. Lors d’une entrevue à CFYX en septembre dernier, la porte-parole féminine de QS Rimouski, Carol-Ann Kack, expliquait que les solidaires pouvaient voter et militer pour différents partis fédéraux, précisant que « ceux qui croient encore à l’indépendance » pouvaient se reconnaître dans le Bloc. Cet extrait a roulé sur les réseaux sociaux et plusieurs commentateurs s’en sont servis pour accuser la porte-parole, et son parti, de tiédeur et d’hypocrisie. C’est évidemment une interprétation tendancieuse, et il suffisait de connaître moindrement madame Kack et son association pour savoir qu’ils n’avaient de leçon d’indépendantisme à recevoir de personne. Mais que gagne-t-on exactement avec ce genre de chasse aux sorcières? Et, surtout, qui y gagne?

La vérité est que, pour plusieurs, le souverainisme est devenu une identité plus qu’un projet, un peu comme une croyance religieuse, quelque chose qu’on espère dans une espèce d’au-delà intangible, plutôt qu’une cause pour laquelle on travaille activement. D’où cette tendance à rechercher la pureté plutôt que de rassembler. C’est pourquoi des souverainistes se reconnaissent dans le « nationalisme » de la CAQ, qui n’a pourtant rien à voir avec les élans de libération nationale et de décolonisation qui ont marqué la deuxième moitié du XXe siècle. On en vient à amalgamer l’indépendance à un ramassis d’enjeux « identitaires » sans réel rapport, comme la loi 21, les demandeurs d’asile, le bonjour-hi, l’appropriation culturelle ou le racisme systémique. C’est la recette la plus efficace si l’on cherche à diviser et à décourager les gens d’adhérer à notre cause.

Il y a cependant de l’espoir, notamment depuis la fusion de Québec solidaire et d’Option nationale, et avec la volonté du Parti québécois de remettre le projet à l’avant-plan. L’initiative « Esprits convergents » offre aussi des idées inspirantes. Depuis plusieurs mois déjà, des militants de divers horizons se réunissent hebdomadairement dans les bars de Montréal pour échanger et consolider le mouvement dans une ambiance cordiale et informelle. S’en est suivie la création d’un groupe Facebook (Esprits convergents), et des événements semblables ont aussi été organisés dans la capitale. À Rimouski, une vingtaine d’indépendantistes de différentes allégeances se sont réunis le 11 septembre dernier au Bien, le Malt pour une première rencontre fort enrichissante. D’autres rendez-vous sont prévus, notamment le 21 novembre. On ignore pour l’instant vers quels horizons nous mèneront ces rencontres, mais on sait au moins qu’elles sont un pas de plus qu’on peut faire, ensemble, vers ce qui ne pourra pas toujours ne pas arriver.

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