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En route vers l’autonomie alimentaire

Par Donald Dubé le 2019/07
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En route vers l’autonomie alimentaire

Par Donald Dubé le 2019/07

C’est en 2013 que le gouvernement Marois adoptait sa politique de souveraineté alimentaire. À cette époque, les produits québécois n’occupaient que 33 % de notre assiette et ce n’est guère mieux aujourd’hui. Certes ambitieuse, cette politique proposait d’augmenter le contenu de notre assiette en produits locaux à 50 %. Plus récemment, le gouvernement Couillard présentait sa politique bioalimentaire 2018-2025 portée par un étrange slogan : « Alimenter notre monde ». Ce slogan fait davantage référence à une présence plus soutenue sur les marchés extérieurs qu’à une quelconque forme de souveraineté. Le monde dans lequel nous vivons n’a plus de frontières. Les traités de libre-échange se multiplient à l’échelle planétaire et cristallisent un commerce alimentaire mondialisé. Mais que diable gagnerions-nous à produire notre nourriture? La réponse est simple: les régions du monde qui le font pour nous n’y arriveront plus dans un avenir rapproché en raison des changements climatiques.

La Californie : pourvoyeuse de produits frais

De 2012 à 2016, la Californie traversait une sécheresse historique : la pire en 120 ans. La région de la vallée centrale, secteur le plus touché par cette crise, voyait ses agriculteurs abandonner leurs terres faute d’eau pour irriguer leurs cultures. Évidemment, cette situation critique propulsa vers la hausse le prix des fruits et légumes. Cette région, couramment qualifiée de « potager de l’Amérique », voit la moitié de sa production consommée aux États-Unis et parvient à fournir plus du tiers des fruits et légumes consommés au Canada et au Québec. Ce colosse a généré des revenus de 43 milliards de dollars en 2014. En 2016, le Groupe d’approvisionnement en commun de l’Est du Québec (GACEQ) signalait des hausses vertigineuses du prix des produits frais en provenance de la Californie, hausses souvent supérieures à 50 %. Par exemple, alors que le prix du poivron vert grimpait de 67 %, il était impossible de se rabattre sur les poivrons importés d’Espagne, eux-mêmes trois fois plus chers! Ces crises se multiplieront à l’échelle planétaire en raison des changements climatiques. Les denrées circuleront plus difficilement, voire pas du tout, selon l’intensité des crises, puisque la sécurité alimentaire des États sera menacée.

Une production agricole axée sur l’exportation

L’époque des petites exploitations de cultures variées est depuis longtemps révolue. Elles étaient jadis nombreuses et participaient grandement à la vitalité des communautés. Les milieux ruraux dévitalisés en témoignent… et que dire des 8 000 hectares de terres bas-laurentiennes en friche? Nos terres agricoles de qualité sont principalement dédiées aux grandes cultures de grains (notamment le maïs) et d’oléagineux (le soja surtout). Ce modèle de la ferme productiviste et peu diversifiée est aujourd’hui la norme. Ces fermes misent en grande partie sur l’exportation et, à ce chapitre, la production porcine est le secteur d’activité le plus redoutable. En 2017, la valeur des exportations internationales de produits bioalimentaires du Québec atteignait un sommet de 8,7 milliards de dollars, une hausse de 6,2 % par rapport à 2016. La viande porcine demeure la principale composante des exportations bioalimentaires du Québec avec 19 % des ventes totales.

L’autonomie alimentaire, une affaire de communautés

Les changements climatiques perturbent déjà nos habitudes de vie. En s’accentuant, ils rendront notre approvisionnement en denrées incertain. Pour l’heure, nous sommes davantage préoccupés par les impacts environnementaux qu’engendre le transport mondialisé des aliments que par d’éventuelles pénuries responsables d’extraordinaires flambées des prix. C’est un luxe qu’ont les pays riches. Néanmoins, la demande en forte croissance pour les produits locaux est encourageante. Elle n’est pas basée sur une réelle nécessité, mais permet de voir naître en plusieurs régions du Québec une forme de lien de confiance entre citoyens. La souveraineté alimentaire est avant tout une affaire de communauté. Pour évoluer en ce sens, chacune d’elles devra en faire une priorité. De cette manière, nous verrons les paysans (espèce grandement menacée) se réapproprier le territoire pour y produire ce dont nous avons besoin. Ce processus est déjà commencé, mais le temps presse. On ne s’improvise pas éleveur ou producteur maraîcher de proximité du jour au lendemain. Cela nécessite du temps et un savoir-faire détenu par peu d’individus. Dans ce contexte, dépendons-nous trop d’autrui pour combler le besoin si fondamental qu’est celui de nous nourrir? Oui. Disposons-nous du savoir-faire nécessaire pour gagner en autonomie? Oui. Avons-nous de sérieuses politiques en place pour y parvenir rapidement? J’en doute. Manquons-nous de paysans pour l’envisager? Certes. Tout de même, j’ai confiance en nous. J’ai confiance en l’énergie que peut déployer une communauté mobilisée.

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