
L’évolution au cours des 30 dernières années dans les domaines technologique, économique, écologique et social donne lieu à de nouvelles logiques de localisation chez les entrepreneurs, les travailleurs et les familles. Étonnamment peut-être, ces logiques vont dans le sens d’une reconquête des régions.
La dématérialisation de l’économie, la révolution numérique, l’essor du télétravail, des nouvelles organisations de travail, le coworking, la quête d’une meilleure qualité de vie libèrent de l’obligation de la concentration et invitent à porter un regard nouveau sur les villes petites et moyennes et les villages en région, comme lieux de vie et de travail.
Par ailleurs, le dysfonctionnement des grandes villes (pollution, congestion routière, coût élevé de l’habitation et des espaces de bureau, stress de la vie quotidienne, niveau imposant de taxation, insécurité et criminalité, etc.) est de plus en plus contraignant.
Ce contexte à double dimension – libération/répulsion – confère un potentiel nouveau d’attractivité aux régions, à leurs villes petites et moyennes et aux territoires ruraux, désormais vues comme des lieux alternatifs désirables et viables pour les entreprises, les jeunes qui démarrent dans la vie et les familles. Ce potentiel explique en grande partie l’apparition des mouvements d’exode urbain qui contribuent à atténuer, sinon renverser les mouvements d’exode rural qui prévalent depuis plus de 60 ans et qui ont conduit plusieurs régions dans la spirale du déclin et de la dévitalisation.
Cette évolution récente ouvre de nouveaux territoires à la résidence, à la création et à la production : nous ne sommes plus condamnés à vivre dans les grandes villes!
Malgré le constat d’une urbanisation effrénée à l’échelle de la planète (la population urbaine mondiale a dépassé les 50 %), les pays d’économie post-industrielle vivent des bouleversements dans le rapport de l’activité humaine avec l’espace qui remettent en cause l’hyperconcentration et l’urbanisation illimitée.
L’attractivité nouvelle des régions
Plusieurs sondages et statistiques de migrations interrégionales témoignent du désir croissant d’une partie de la population, notamment celle des grandes villes, de vivre en région.
Selon les résultats d’un sondage de l’Observatoire de l’habitat en France rendus publics le 21 mars 2019, « 82 % des Français aimeraient vivre dans un village, moins de 20 % dans une ville dense ». Chaque année, ce sont près de 100 000 citadins qui prennent la clé des champs, dont 12 000 Parisiens. La plupart souhaitent bénéficier d’un meilleur climat, se rapprocher de la nature, avoir un rythme de vie moins intense.
Il s’agit, en majorité, de jeunes adultes âgés de 30 à 45 ans, souvent accompagnés de leurs enfants en bas âge. Ils ont en commun de ne plus supporter le stress, la nuisance sonore, la pollution et les autres désagréments de la grande ville. Le logement est aussi devenu un élément vital pour les citadins en fuite parce qu’ils cherchent à se loger pour moins cher et dans plus grand. La révolution numérique et, avec elle, l’apparition du télétravail sont également des occasions d’exercer ses activités professionnelles à distance, ce que la société d’hier n’offrait pas.
Au Québec, d’après un sondage sur les intentions de migration en milieu rural réalisé en 2009 auprès d’adultes des régions métropolitaines de Québec et de Montréal pour le compte de la coalition Solidarité rurale, un résident sur cinq (19,5 %) a pensé s›installer dans une municipalité rurale, ce qui représente environ 700 000 adultes.
Le sondage révèle aussi les principales raisons qui motivent les citadins à vouloir migrer vers les milieux ruraux : recherche de tranquillité (58,9 %), recherche de grands espaces ou envie de se retrouver dans la nature (21,6 %), fuite de la ville et de son stress (10,1 %).
Certains facteurs sont déterminants dans le choix d’une municipalité rurale plutôt qu’une autre : disponibilité des services (34,5 %), proximité de la nature et des grands espaces (24,9 %), proximité du travail, d’écoles, de la famille ou d’amis (13,4 %), coût d’acquisition d’une maison ou d’un terrain (8,6 %).
Enfin, 46 % des répondants affirment que la disponibilité d’Internet haute vitesse pourrait être un facteur qui influencerait leur choix d’aller vivre dans une municipalité rurale plutôt qu’une autre.
Ces citadins qui font le choix de s’établir dans une petite ville ou en milieu rural sont souvent porteurs d’idées, de talents et de compétences, et contribuent à injecter un nouveau dynamisme dans leur communauté d’accueil. Dans ce dossier spécial, Le Mouton Noir présente des expériences qui témoignent de ce nouveau dynamisme, plus particulièrement dans les territoires du Kamouraska, de Rivière-du-Loup, du Témiscouata et des Basques. La transformation de certains milieux, à laquelle participent des résidents venus de l’extérieur et d’autres bien installés, témoigne d’une même passion pour la communauté.