
Avez-vous déjà refusé d’acheter une barre de chocolat Kit Kat parce qu’elle est fabriquée par Nestlé? Après tout, cette entreprise draine des sources d’eau sans permis. Essayez-vous d’éviter Amazone qui a une sérieuse tendance à surmener ses employés? Ou avez-vous même considéré l’idée de fermer votre compte Facebook après les multiples scandales d’utilisation d’informations personnelles?
Les citoyens et les citoyennes voulant manifester leur désaccord avec les pratiques immorales des multinationales font souvent appel au boycottage. La bande dessinée de François Samson-Dunlop, Comment les paradis fiscaux ont ruiné mon petit-déjeuner, explore le thème de l’évasion fiscale et l’idée de voter avec son porte-monnaie. Même si certains ont trouvé une formule légale pour le faire, éviter de payer ses taxes comporte un lot de problèmes éthiques.
Trame
À force de prendre connaissance de scan-dales portant sur les paradis fiscaux, un jeune trentenaire entreprend une mission monumentale : boycotter tout produit associé à l’évasion fiscale. Avec humour, Samson-Dunlop pousse le concept au maximum et fait vivre à son personnage et à sa conjointe des situations toutes plus absurdes les unes que les autres.
En suivant les mésaventures du pro-tagoniste, le lecteur comprend, en même temps que lui, que les multinationales exemptes de taxes ont une emprise sur tous les aspects de la vie moderne. Éviter de consommer leurs produits exige plus qu’un changement d’habitudes : c’est un handicap.
Peut-on même affirmer qu’il est possible d’être un consommateur éthique sur tous les plans? Certains ont essayé de boycotter les « Big 5 » pendant un mois alors que d’autres ont tenté de vivre de manière « entièrement durable » pendant une semaine. Dans les deux cas, on peut conclure qu’il n’est pas réaliste de relever ce genre de défi.
Samson-Dunlop examine la question du boycottage des affiliés de l’évasion fiscale sous forme d’exercice de pensée et son travail est présenté sous une perspective invitante. L’art de l’escroquerie fiscale — légale — est décortiqué au début de la BD, à l’aide de graphiques fléchés. C’est une bonne vulgarisation — même s’il faut relire quelques fois pour bien comprendre.
Les stratagèmes d’évasion fiscale auxquels recourent les multinationales sont obscurs. Difficile de s’indigner quand on n’est pas au courant qu’on nous vole. Mais une fois indigné, il est tout de même complexe de déclarer la guerre aux paradis fiscaux. On le voit bien : le militant de Samson-Dunlop se rend misérable dans les dédales de sa mission. La consommation responsable, c’est un vrai casse-tête!
Heureusement qu’Alain Deneault est là pour nous aider. Par des capsules d’affaires publiques, le philosophe québécois nourrit le périple de l’activiste un morceau de casse-tête à la fois. La vue d’ensemble construite au fil de l’œuvre nous invite à prendre en considération certaines actions militantes qui vont au-delà du strict boycottage.
Cette BD est éducative, accessible et a le potentiel de rallier les troupes en offrant un exemple d’action militante alternative. Plus les lecteurs prendront conscience du phénomène des paradis fiscaux, plus d’indignés s’y opposeront.
Malgré la complexité du sujet, Comment les paradis fiscaux ont ruiné mon petit-déjeuner se lit facilement. De là vient sa principale force. Il reste, cependant, qu’un discours militant demande toujours un certain effort. Donc, si vous cherchez une lecture de type Reader’s Digest, laissez la BD sur la table. Par contre, si vous voulez mieux comprendre comment on se fait arnaquer par des machines des milliards de fois plus puissantes que nous et que vous vous préoccupez de l’éthique de vos achats, allez-y, faites-vous plaisir et vous pourrez facilement vous identifier à ce « héros » qui essaie, tant bien que mal, de devenir un consommateur responsable.