
Le Cabaret des auteurs, présenté cinq fois l’an au Cégep de Rimouski, fait entendre les voix de la relève littéraire du Bas-Saint-Laurent. Le Mouton Noir se joint à la fête en publiant un texte écrit et lu par un étudiant ou une étudiante lors de cet événement afin d’amasser des fonds pour le voyage de fin d’année des étudiants et étudiantes des programmes en arts, lettres et communications.
Après avoir entendu ma mère, mon père et ma sœur, j’ai réalisé que j’en avais un, terroir, moi, et que c’était leur terroir à eux aussi. Il porte un petit nom court, mais qui veut tellement dire de choses : Price.
Il a plusieurs réputations, positives, négatives, même douteuses, mais malgré tout, il reste que c’est le plus beau terroir au monde à mes yeux. Il m’a offert de belles soirées chaudes qui perduraient jusqu’aux petites heures du matin, des marches de confidences qui se finissaient dans la cour de la petite école pour se balancer, glisser, basculer, se coucher sur le gazon et finir les yeux pointés vers le haut pour regarder les petites étoiles blanches vives. Des hivers glacials accompagnés des joues rouges de mes amis, des cheveux glacés de neige, des flocons sur la langue et des débarques sur la glace au petit parc. Des slushs sensation extrême – bonbons sûrs quand l’école se terminait, payées avec l’argent trouvé dans la rue de l’église. Des baignades à la roche où l’on s’échangeait nos premiers baisers maladroits, mais qui semblaient si magiques. Des tournois de baseball emmitouflés dans nos grosses doudous de Dora l’exploratrice. Des 24 juin guidés par les chansons de Kaïn, Boom Desjardins ou bien l’incontournable Live is Life d’Opus. Ma première vodka jus d’orange que j’ai bue comme une assoiffée, mais qui est ressortie aussi vite (ouf!). Des dîners à la cantine La Bonne Bouffe où on mangeait comme si on n’avait rien avalé de la journée : faut dire qu’on était en pleine croissance. Pauvre Brigitte! A fournissait plus!
L’un des personnages importants de mon terroir s’appelle Réginald et on le surnomme affectueusement broum broum. Tout le monde le connaît, tout le monde connaît son histoire. Réginald se promène toujours en bicycle été comme hiver, pis il ramasse toujours des canettes. Il est toujours en bedaine, été comme hiver. Ben non, pas l’hiver, mais je vous dirais que c’est le dernier à se mettre un chandail dans le village, pis des fois on est même rendu au mois d’octobre pis il n’a pas encore de chandail sur le dos. C’est un miracle sur deux pattes : il s’est fait frapper par une auto trois fois, il s’est blessé gravement, mais chaque fois, il s’en sortait vivant. Une chance qu’il est encore là, sinon on n’aurait personne à qui parler dans la rue lorsqu’on prend une marche. Ce qui le rend vraiment heureux, Réginald, c’est de ramasser des canettes, il en ramasse tout le temps, mais surtout pendant les tournois de baseball, pis il y en a trois de trois jours à Price. Il se fait du cash, comme il dit, pis ça doit être vrai, parce que d’après une rumeur, ç’a de l’air qu’à Price, le monde a pas peur de l’alcool. Pendant les tournois, il arrive avec son bicycle, en arrière, il a attaché quatre, cinq sacs de plastique. Il le met à côté de la clôture, pis il est parti jusqu’à cinq heures du matin. En fait, c’est lui qui ferme le parc.
Je réalise que mon terroir est beau, encore plus beau que je le croyais déjà. Je vais le quitter bientôt et je veux profiter des beaux moments qu’il me reste avec lui.
L’autrice est finissante de l’option Théâtre et est habitante de Price