
Tous les deux mois, dans le cadre de cette rubrique, Le Mouton Noir présentera une ou un artiste du Bas-Saint-Laurent. Avec l’autorisation de Coline Pierré et Martin Page, Le Mouton Noir s’est inspiré du collectif que ces écrivain.e.s ont publié en 2018 aux éditions Monstrograph, Les artistes ont-ils vraiment besoin de manger?, un recueil de 35 questions posées à 31 artistes sur leurs conditions de vie, de travail, de création.
Pour en savoir plus : www.monstrograph.com
As-tu vraiment besoin de manger, Olivier Blot?
Olivier Blot est sculpteur et peintre. Il vit à Cacouna.
Que réponds-tu quand on te demande quel est ton métier?
En général, je réponds que j’ai deux métiers. En premier, sculpteur/peintre qui est ma réelle vocation, et ensuite celui qui me permet de vivre. Je viens d’ailleurs de changer de métier après huit ans en tant qu’intervenant dans un centre de crise à Rivière-du-Loup pour travailler au Café l’Innocent… même si ces seconds métiers sont pour moi un moyen de gagner ma vie, il est essentiel de me sentir bien avec mes collègues/ami(e)s de travail. Ce n’est pas toujours facile de trouver un lieu où je me sens en équilibre….
Pourquoi crées-tu ce que tu crées?
Vaste question! Probablement pour matérialiser une petite part du gigantesque fourbi que produit mon esprit. Je regrette parfois de ne pas avoir plus de temps et d’énergie à y consacrer. J’aimerais pouvoir faire des choses de la dimension du Palais du Facteur Cheval, ou du musée Robert Tatin en France…
Quel rapport ton travail entretient-il avec la réalité?
C’est souvent très éloigné du réel. C’est plus le reflet d’une mythologie que je me suis créée ou des idées ayant une signification par rapport à mon vécu. J’ai aussi un sens de la paréidolie très aigu qui influence beaucoup mon travail. Le monde qui nous entoure ne m’enthousiasme pas souvent, la création m’aide à en générer un parallèle.
Est-ce qu’il y a des choses dans ton métier qui te mettent en colère?
Colère serait sans doute un grand mot, disons que le procédé classique pour monter une expo, avec appel de dossiers, démarche artistique, etc. m’ennuie. C’est quelque chose auquel je suis assez hermétique. Étant autodidacte, je suis à l’aise dans la création, mais la paperasse… Dans un monde idéal, il faudrait juste pouvoir arriver avec ses œuvres et si cela plaît aux musées, galeristes ou toute autre personne qui organise un événement artistique, on les expose. C’est d’ailleurs ma façon de fonctionner la plupart du temps… Sinon, je ne suis pas fan des thèmes proposés par les lieux d’expos. Ils sont souvent insipides (pas tout le temps) et, surtout, je pense que c’est aux artistes de choisir leurs sujets, voire d’aborder quelque chose de différent dans chaque œuvre d’une même exposition…
Qu’est-ce qui te sauve?
Créer bien sûr!! C’est ce qui donne un sens à ma vie!
Où est la joie dans ton métier?
Explorer de nouvelles pistes en créant, perdre le contrôle et finalement sentir que j’ai passé une nouvelle étape dans mon travail une fois l’œuvre achevée.
Est-ce que le fait d’être un homme a une influence sur ton travail ou tes conditions de création?
J’ai été le seul homme de la Galerie des Nanas, à Danville, en Estrie. Je me sentais très à l’aise quand même dans le rôle de « pas nana » officiel de la galerie puisque c’était la fondatrice, Martine Birobent, et son mari, Jean-Robert Bisaillon, qui m’avaient choisi… Ayant vu beaucoup d’œuvres féminines étant donné que je fréquentais assidûment ce lieu, je peux affirmer que mon travail dégage quelque chose de masculin…. Cela ne m’empêche pas de régulièrement collaborer avec des artistes féminines, notamment en envoyant des œuvres inachevées à des amies, en France, qu’elles complètent et me renvoient. Cela peut être des dessins, mais cela a parfois été des broderies mélangées avec de la sculpture…
Comment t’es-tu organisé pour tenter de vivre de ton art?
Pas facile, travailler à côté me semble pour le moment la meilleure solution afin de rester libre dans ma création… Parfois certains types de mes œuvres se vendaient bien, comme mes cuillères. J’en ai fait quelques-unes, mais rapidement cela va à l’encontre de mes envies, de mes valeurs, d’exploiter un filon. Donc, j’arrête, sauf si une idée particulière de cuillère me venait et que je sentais le besoin de la réaliser… Peut-être un jour arriverais-je à vivre de mon art. Mais je ne me vois pas gérer cela tout seul. J’ai eu un agent formidable pendant quelques années, mais toute bonne chose a une fin. Si un lecteur veut s’occuper de ma carrière, je suis preneur, haha!!
As-tu vraiment besoin de manger?
J’essaie d’arrêter, mais c’est pas facile… Il faudrait que je revoie le documentaire Lumière, dont c’était le sujet. Ça pourrait être une bonne piste…