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Quels enjeux pour le Québec derrière la crise franco-ontarienne?

Par Jean-François Spain le 2019/01
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Quels enjeux pour le Québec derrière la crise franco-ontarienne?

Par Jean-François Spain le 2019/01

En apparence isolée de la réalité des Franco-Canadiens, parce que plus nombreux certes, mais principalement parce que nous sommes les seuls francophones d’Amérique à posséder un État qui soit un tant soit peu nôtre, la crise du fait français au Canada montre à quel point notre langue et notre culture sont engagées dans une érosion significative étroitement corrélée à la folklorisation de notre existence.

La diminution radicale des services en français pour les Franco-Ontariens, sous prétexte de contrôle des dépenses publiques, combinée aux pressions exercées sur les Acadiens du Nouveau-Brunswick par la mise en place d’un gouvernement d’alliance avec un parti anti-francophone et un premier ministre unilingue anglophone, montre à quel point la réalité culturelle de cette minorité canadienne – à laquelle nous appartenons toujours – est constamment mise en demeure d’exister. Dans les faits, nous continuerons de subir, tant qu’il n’y aura pas de changements importants dans les rapports de force au sein de ce pays, des pressions croissantes qui nous obligent à légitimer notre existence même.

Voilà aujourd’hui révélée toute la faiblesse de notre situation politique dans un pays qui témoigne de moins en moins d’égard et de respect pour notre histoire. Les Québécois, les premiers à refuser d’assumer leur histoire et leur destin sont en partie responsables de cette situation. Dans les faits, il nous est devenu impossible de riposter aux récentes attaques contre notre culture puisque notre poids politique à l’intérieur du Canada s’est constamment érodé depuis le référendum de 1995. Il n’est pas étonnant d’ailleurs de constater l’incapacité du Québec à secourir ses frères et sœurs, laissant au gouvernement fédéral le soin de cette démarche qui exige pourtant de nous que nous engagions avec force et détermination cette riposte.

La diminution du poids démographique des Québécois au sein du Canada et 15 années d’un régime libéral apatride au Québec, régime qui a constamment abdiqué et n’a pas défendu nos prérogatives politiques, ont accéléré l’érosion de notre rapport de force dans la fédération. L’intrusion constante de l’État Canadian dans les champs de compétence québécois, notamment en éducation avec le développement des bourses du millénaire (début 2000) devenues les chaires de recherche du Canada dans les universités, fait en sorte que les intérêts du Canada, notamment pétroliers, ont dorénavant préséance sur nos propres choix d’avenir. Notre état1, réduit à des activités d’intendance et de conciergerie, n’est actuellement plus en mesure d’organiser de riposte politique. Les velléités nationalistes de la CAQ ne changeront rien aux limites de la politique provinciale de demi-état. Cette situation de faiblesse n’ira qu’en s’accentuant, puisque notre poids démographique dans le Canada diminuera proportionnellement à notre poids culturel. Cela relève cependant de nous-mêmes, puisque la fierté de notre culture n’appartient pas aux voisins mais bien à nous. Le fait que des jeunes préfèrent chanter et s’investir en franglais, y trouvant des lieux de libération créatifs là où ils s’enferment davantage dans la pauvreté culturelle et l’incapacité à maîtriser leur propre langue, est une manifestation éloquente de notre asservissement et de l’indifférence associée à un confort très relatif. Dit simplement, le rétrécissement de nos horizons politiques n’a d’égal que notre propre incapacité à considérer l’importance de notre contribution au monde actuel et à celui de demain.

Il est stupéfiant de constater qu’en 2018, plusieurs personnes ne semblent pas comprendre que la diversité culturelle et linguistique fait partie intégrante de la biodiversité de notre monde, en ce sens qu’elle représente une façon unique d’habiter et de nommer des réalités territoriales et historiques distinctes. Au Québec, nous en sommes encore réduits à constater notre impuissance grandissante en raison des choix politiques que nous avons faits qui nous contraignent à accepter l’inacceptable. Il serait temps d’entreprendre de renverser la vapeur avant d’avoir à constater ce qui résulte de notre marche actuelle : la diminution de la biodiversité et la perte d’une autre richesse culturelle parmi les peuples du monde, sous le rouleau compresseur de l’imaginaire commercial anglo-saxon.

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