Le populisme des nouveaux partis
Dans le coin droit, la CAQ. Le phrasé laborieux de François Legault, sa bonhomie de gars ordinaire devenu millionnaire grâce à sa détermination ont réussi à faire passer de l’ignorance crasse pour de la modestie. Comment résister à un comptable qui vous promet plus d’autoroutes, plus d’argent dans vos poches et moins d’« étranges »? Parce que la bizness, lui, y connaît ça !
À gauche, QS. Le parler « authentique » de Manon Massé, un cadre financier rose bonbon populaire, çalapognépapeuprès! Leur campagne a eu le mérite d’avoir traité d’environnement. Dans ce parti qui se targue de représenter le « monde ordinaire », il y a probablement plus d’artistes et d’universitaires que de prolétaires. Cela dit, illustrer une argumentation (pertinente en soi) par une métaphore de cocaïne prise pour dessoûler est loin d’être « ordinaire », c’est plutôt agiter un chiffon rouge pour exciter les médias. Idem pour le vestimentaire. Par ailleurs, afin d’attirer tant la gauche fédéraliste que souverainiste, longtemps la position de QS a consisté à dire qu’il fallait sortir du néolibéralisme avant de penser à l’indépendance, reléguée à l’après-révolution. Or depuis le mariage avec Option nationale, la donne aurait changé. Mais quid des apparatchiks? Autre aporie à résoudre : combiner démocratie participative et mesures environnementales coercitives. S’il est vrai que la moitié des membres n’est pas souverainiste et les nouveaux partisans moins enclins à l’idéologie pure et dure, les discussions pourraient être houleuses.
Chez les anciens :
récolter ce qu’on a semé
Centre droit, le PLQ. Philippe Couillard a fait l’apologie de son règne comme s’il voulait faire la démonstration dans son discours d’adieu que les électeurs avaient commis une erreur. Se ramasser une cagnotte électorale grâce à une douloureuse austérité budgétaire n’a fait que renforcer l’image négative façonnée sous l’ère Charest. Les libéraux devront faire leur autocritique; il y a une limite à prendre les gens pour des imbéciles, dont acte.
Centre gauche, le PQ. Avant de s’auto-pelure-de-bananiser, Jean-François Lisée faisait la meilleure campagne. Pour renaître de ses cendres, le PQ doit maintenant s’extirper de l’aveuglement volontaire des 15 dernières années. L’idée de souveraineté n’est plus autoportante et sans elle, ce parti n’a pas de raison d’exister. Il lui faudra oublier le clientélisme de boîtes à lunch. Redevenir un parti de convictions. Renoncer définitivement à la wedge politics : on ne bâtit pas un pays en politicaillant sur l’identité (ni en gossant des poils de grenouille autour de dates référendaires d’ailleurs). En 1968, à l’époque de sa création, s’opérait le passage symbolique de la condition de Canadiens français minorés et minoritaires à Québécois fiers et majoritaires. L’heure n’est plus au patriotisme cependant, car l’urgence au XXIe siècle, c’est la menace que représente le consumérisme pour la vie humaine. Souhaitons qu’une nouvelle génération sache mettre à profit un talent ancestral pour la survivance et prenne le relais pour imaginer une « sobriété heureuse » qui permette la résilience face à l’inéluctable effondrement économique et écologique. Hissés « sur les épaules des géants », des plus jeunes auront peut-être alors envie d’écrire l’histoire et de faire entendre la voix du Québec dans le concert des nations. René Lévesque souhaitait tirer le Québec vers le haut. Voir grand. Ensemble. Souverainement. Ces objectifs sont toujours valables.
De quoi le Québec a-t-il besoin?
D’un nouveau récit éclairé par une conscience environnementale collective. D’une alliance avec les peuples autochtones pour la protection du territoire. D’une classe politique capable de s’adresser à l’intelligence des citoyens. D’une culture riche, foisonnante, accessible, car la culture contribue au bien-être et sert de liant social. Mais est-ce que la culture québécoise a assez d’assises pour s’épanouir alors que l’école lui accorde peu d’importance? Est-ce que la culture québécoise peut même survivre au sein d’une monarchie anglo-saxonne qui fonde sa cohésion nationale sur une non-existence culturelle? Car la particularité of this huge country est de nier, d’un Trudeau à l’autre, l’existence d’une (bi)culture nationale1 avec pour effet de dissoudre la English Canadian culture dans le Made in the USA et de diluer la francophonie canadienne dans une indigeste soupe multiculturelle. Des postures francophobes s’affichent de plus en plus dans le ROC. Devenir la seule province bilingue (franglais/anglais), est-ce l’avenir que nous réserve le statu quo fédéraliste?
1 Il y a aussi naturellement les cultures autochtones ayant survécu aux tentatives d’extermination.