
Ki wapaminan. « Tu nous vois ». Ainsi s’intitule la plaquette de jeunes Atikamekw talentueux. Ces élèves de l’École secondaire Barthélémy-Joliette ont été jumelés à des auteurs et à des auteures du collectif Moyens fakirs, dirigé par Dominique Corneillier, enseignant de littérature au Cégep régional de Lanaudière à Joliette, dans le cadre d’une démarche pédagogique sur la réussite scolaire. « [U]ne correspondance unique et touchante », nous dit Janie Handfield, directrice du projet.
Extraits : Pirecic. « L’abandon / La bêtise / La solitude et le rejet / Se posent parfois / Sur mes épaules / Comme des oiseaux / De malheur / Car je suis Atikamekw » (Eruoma Ottawa-Chilton). Sonnet. « Je les connais / Ces oiseaux précis / Qui nous visitent / Le jour la nuit / Oiseaux veules et maladroits / Vautours rapaces oiseaux de proie / Qui chantent mal de mauvaise foi / Et à l’envers et à l’endroit / Je les connais / Je sais qu’un jour / Ils disparaissent / Qu’ils n’auront pas ton âme au bec / Parce que tu es / Atikamekw » (Dominique Corneillier).
Certes, ces écrits dénoncent le sort fait aux peuples autochtones. À juste titre. Pourtant, la lumière éclaire les mots des jeunes poètes qui savent le chemin du cœur. De la joie. De l’espoir, dans une langue musicale, belle, imagée : « Nous sommes des / Amérindiens / Réservés / À l’écoute des ancêtres / De leur sagesse / Attablés en famille / Partageant la banique / Riant de bon cœur / Nous avons / Survécu » (Samuel Néquado-Flamand). Ils parlent de territoire, de traditions et de modernité, de nature, d’amitié salvatrice, d’amour, de douceur, tissent des ponts de guérison et rejoignent ainsi le chœur grandissant des voix des Premiers Peuples, paroles généreuses : « Alors tu dois savoir quelque chose d’important / Toi qui lis mon poème / On veille sur toi / Sur cette Terre » (extrait, Myninka Dubé).
« Nous participons à beaucoup de lectures publiques, de festivals », précise Tanya Millette, l’éditrice chez Bouc Productions, à qui Janie Handfield a donné carte blanche pour assurer le jumelage. L’enseignante de français, publiée aux Écrits des Forges, tenait en effet à ce que les jeunes poètes fassent l’expérience d’un travail éditorial complet menant à une publication. « Chaque fois, tout le monde est touché », ajoute Tanya Millette. Rien d’étonnant. Ki wapaminan a été finaliste au prix Coup de cœur au gala des Grands Prix Desjardins de la culture de Lanaudière. Et le recueil est en cours de réimpression. Une immense fierté pour toute l’équipe. D’ailleurs, à la demande de quelques élèves, un deuxième opus pourrait voir le jour. Pour notre plus grand bonheur.
À l’instar de Janie Handfield, je vais souhaiter « [q]ue leurs mots trouvent refuge dans votre esprit », comme ils ont trouvé refuge dans le mien.
Le 24 novembre, au Morrin Centre, à Québec, Tanya Millette et deux poètes atikamekw participeront à une table ronde sur la création littéraire comme outil de persévérance scolaire, dans le cadre du Salon du livre des Premières Nations.