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Enseigner l’histoire des NoirEs et de l’esclavage au Québec

Par Vinciane Cousin le 2018/11
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Enseigner l’histoire des NoirEs et de l’esclavage au Québec

Par Vinciane Cousin le 2018/11

Aly Ndiaye, plus connu sous le nom de Webster, est un historien et rappeur originaire de Québec. À l’occasion des Journées québécoises de la solidarité internationale de 2018, il a accepté de nous accorder une entrevue pour parler de sa démarche ainsi que du rôle de l’éducation dans notre vision de l’histoire du Québec.

Passionné par l’histoire, il observe depuis plusieurs années un manque par rapport à la connaissance de l’histoire des NoirEs et de l’esclavage au Québec. À travers le rap, ses conférences et la visite guidée qu’il a mise en place dans la ville de Québec, il offre un éclairage sur notre passé collectif, plus pluriel qu’on le pense. En effet, selon lui, le Canada et incidemment le Québec se sont toujours mis en opposition par rapport aux États-Unis à propos du racisme et de l’esclavage. « Tout ce dont on se souvient, c’est que les esclaves se sauvaient des États-Unis pour se réfugier au Canada. Mais on ne parle pas de l’esclavage […], des lois racistes et des formes de ségrégation qu’il y a eu ici. » Au Québec plus particulièrement, il y a selon lui une dynamique supplémentaire qui génère des réticences à l’égard de cette reconnaissance de l’histoire des NoirEs : « Le Québec s’est toujours senti comme une minorité face au reste du Canada. […] Les gens s’imaginent qu’à travers [mes] initiatives, je remets en question la québécité, mais je remets plutôt en question la vision que les gens se font de l’Histoire du Québec. »

En ce sens, Webster a récemment déposé une demande auprès du ministère de la Culture pour faire reconnaître Olivier Lejeune, premier esclave africain du Canada, comme personnage historique : « Sa seule présence est importante, car elle remet en question […] le fait que le passé est complètement homogène et qu’il n’y a pas eu d’esclavage ici. […] Mon objectif, c’est que les gens au Québec grandissent en connaissant les grandes lignes d’une présence noire ici. Que ça ne soit plus des connaissances dites alternatives. Qu’on ait des référents locaux quant à l’histoire noire ici. » En effet, si on se réfère souvent à des figures états-uniennes pour parler de la lutte pour les droits civiques des NoirEs, on connaît moins des figures canadiennes comme Olivier Lejeune, Alexander Grant ou encore Viola Desmond.

Pour Webster, l’éducation a un rôle important à jouer pour développer la conscience que l’histoire du Québec n’était pas isolée du reste de la planète et que le Québec d’aujourd’hui doit aussi tourner son regard vers le monde. À propos de nos systèmes scolaires, il ajoute : « Quand je peux mettre la main sur des manuels scolaires, je me demande si on parle de la présence noire ici, de l’esclavage autochtone et noir. Ce qui est rare. […] Il n’y a pas encore d’outils adéquats que les jeunes peuvent consulter. Même pour les enseignants c’est difficile, ils ne savent pas par où commencer. » Il reçoit cependant de plus en plus de demandes à tous les niveaux d’enseignement et voit un désir notable de sensibiliser les jeunes à cette partie de l’histoire, notamment en invitant des conférenciers : « Il y a au moins un désir d’ouvrir, un désir que ces informations se rendent jusqu’aux élèves. […] Je trouve ça magnifique et je suis content de voir plusieurs personnes dans le corps professoral s’y intéresser. »

Cette année, le ministère de l’Éducation a investi dans la mise à jour des manuels scolaires pour remplacer le terme Amérindiens par Autochtones ou Premières Nations, ce qui a suscité la controverse : « Il faut changer la terminologie qu’on utilise. Bien sûr, pour moi ça dépend beaucoup des Autochtones ou des Premières Nations, comment ils se sentent par rapport à ça. […] Indiens, Amérindiens, ce sont des termes qui sont utilisés depuis plus de 500 ans. Et c’était une erreur de Christophe Colomb! Les gens qui se plaignent sont les gens qui ne sont pas affectés par ces terminologies. […] Je pense qu’à un moment, il faut écouter l’inconfort des gens. »

Pour Webster, il est urgent de travailler sur deux plans à la fois: « D’un côté, on a besoin d’une meilleure connaissance et compréhension dans le milieu de l’enseignement, […] il faut parler du passé pour avoir un impact sur le présent. Mais on doit aussi avoir une relation présent-présent. À travers la culture, à travers la télé, les films, le théâtre, on doit avoir une plus grande représentativité de la diversité si on veut que les gens se reconnaissent plus dans le modèle culturel québécois actuel. […] Il faut utiliser le présent pour avoir un impact sur le présent et le futur. »

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