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T’inquiète pas mon gars, on est mieux servi par les étrangers

Par Nancy Laroche le 2018/09
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T’inquiète pas mon gars, on est mieux servi par les étrangers

Par Nancy Laroche le 2018/09


«T’inquiète pas mon gars, on est mieux servi par les étrangers. »
Ces propos saisissants sont ceux de Lucien1, un proche aidant pour sa femme qui souffre depuis plusieurs années de la maladie d’Alzheimer. C’est avec cette réplique cinglante qu’il a riposté à son fils unique qui disait ne pas avoir de temps pour l’aider. Lucien a donc reçu la vérité en plein visage comme bon nombre de proches aidants : sa petite famille éloignée ne lui serait d’aucun secours. Un support moral, sans plus, et encore.

Que faire? Trouver un plan B. Mais à un âge avancé, sans réseau social auquel s’adresser pour un peu de répit, où pouvait-il aller? Vers les étrangers. Aller au CLSC pour crier à l’aide. Mais encore là, les portes ne sont pas toujours grandes ouvertes. Il y a du soutien au maintien à domicile, mais les heures consacrées à chaque bénéficiaire sont limitées de façon à offrir des services au plus grand nombre. De plus, parfois, le personnel est plus qu’insuffisant et il faut se tourner vers le bénévolat.

Afin de pallier au moins en partie ce manque, le Service de soutien aux proches aidants Lévis et Saint-Lambert a bonifié son aide psychosociale en offrant du répit à ses membres grâce à des bénévoles. Depuis maintenant cinq ans, plus de 200 familles ont profité de la présence sécurisante d’un bénévole qui leur a permis de prendre une pause bien méritée. La pression exercée sur les proches aidants est un enjeu qui force à innover de manière à soutenir des familles de plus en plus petites, qui comptent sur moins de relève. C’est un défi de taille, mais relevé avec fierté par l’organisation présente dans Chaudière-Appalaches. D’ailleurs, le CLSC dirige la quasi-totalité des demandes vers le Service de soutien et plusieurs organismes d’un peu partout interpellent ce dernier pour être guidés dans le développement de leur propre service de répit bénévole.

Un des effets positifs du remplacement occasionnel des proches aidants à raison de trois heures par semaine est le lien significatif qui se crée entre le proche aidant et le bénévole. Madame Roy, une proche aidante, vous dirait que monsieur Mike, comme elle se plaît à l’appeler, est son ange gardien. « Il est tellement gentil! Je peux me confier à lui. » Ce petit plus redonne espoir en la bonté humaine. Cette oreille sans jugement, patiente, douce. Cette attention bienveillante à l’évolution d’une situation facilite le relais d’informations cruciales à l’intervenante responsable. Une vigile pour les proches aidants. Un ami.

Au-delà des heures de pause que les bénévoles accordent aux familles s’ajoute le bris de l’isolement, car l’échange permet généralement aux proches aidants de s’exprimer librement sur leur situation, qui plus est auprès d’une personne qui, pour l’avoir vécue, en connaît les tenants et aboutissants. Parler de son senti avec quelqu’un qui est là exclusivement pour soi, se sentir compris, c’est une chose qui n’est pas toujours facile, même avec sa famille ou avec ses amis.

Le Service d’entraide de Breakeyville compte plus de 20 bénévoles, dont les deux tiers font partie de l’aventure depuis plus de quatre ans. Quatre ans, c’est énorme! C’est un engagement, et il se poursuit. Non, il ne s’agit pas d’une grande équipe, mais elle améliore les conditions de vie des personnes malades et aussi celles des proches aidants. Ce service est une preuve que de l’aide fournie par les étrangers peut devenir aussi sinon plus significative que celle offerte par les proches, qu’elle n’est pas à négliger et qu’elle implique l’ensemble de la société.

L’entraide est encore possible et elle fait du bien, au même titre que l’aide de la famille et de préposés. Il faut continuer d’encourager cette forme d’aide gratuite et enrichissante. Bravo à cette équipe de bénévoles attentionnés et dévoués qui offrent une petite pause qui compte énormément.

Nancy Laroche est travailleuse sociale de formation. Elle agit à titre d’intervenante responsable du répit bénévole en soutien aux proches aidants au Service d’entraide de Breakeyville. Ce programme a reçu le Prix du bénévolat du Canada en innovation sociale et un autre de l’Agence de la santé et des services sociaux pour l’aide à la population en perte d’autonomie.

1. Nom fictif.

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