Champ libre

La multiplicité du paysage au Centre d’art de Kamouraska

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Champ libre

La multiplicité du paysage au Centre d’art de Kamouraska

De leurs poches sont tombées des parcelles

Horizons émiettés

Déposées sur le miroir des eaux du grand Laurent

 – Ève Simard1

Source d’inspiration et de recueillement, le paysage qui nous habite au quotidien modifie notre rapport au temps et à l’espace. C’est le caractère polysémique du paysage qui est exploré dans Voir loin et Au large ces ailes aux îles déployées, deux expositions présentées au Centre d’art de Kamouraska jusqu’au 8 octobre. Que ce soit par l’utilisation de la nature comme matériel de création ou comme espace vécu, le travail des artistes exposés amène le spectateur à poser un regard nouveau sur sa perception du paysage.

Pour l’exposition collective Voir loin, Laurence Belzile, Camille Bernard-Gravel, Marie-France Bourbeau, Lorraine Dagenais et Miguel Forest dévoilent la relation qu’ils entretiennent avec le paysage ou encore la particularité qu’ils y dénotent. Par l’estampe, la peinture, l’installation vidéo ou la sculpture, les dimensions esthétiques et sensitives présentent des amalgames de la réalité et de l’artificiel.

Par exemple, les œuvres de Camille Bernard-Gravel s’amusent à berner le spectateur en jouant sur cette tension. La pratique artistique de l’artiste tente de capturer des phénomènes naturels tels que le miroitement du soleil sur l’eau, le vent et le mirage, pour leur donner un caractère tangible aux yeux du visiteur. Les installations vidéo et les murales de Bernard-Gravel provoquent un certain magnétisme, obnubilant le regard du spectateur qui cherche à comprendre le principe mécanique qui se cache derrière ces œuvres stupéfiantes.

La notion de paysage comme espace vécu, présente dans Voir loin, est entre autres explorée par Laurence Belzile, dont la pratique artistique s’intéresse au ressenti du corps dans un environnement donné. En investiguant de façon hasardeuse le territoire kamouraskois lors d’une résidence au Centre d’art, Belzile a souhaité mettre en peinture la perception corporelle de l’environnement dans lequel elle se trouvait. Ses 32 tableautins à l’imagerie abstraite sont porteurs d’une signification dont le format intime met à profit la sensibilité personnelle du visiteur.

Pour l’exposition Aux larges ces ailes aux îles déployées, le Centre d’art s’est donné le défi de joindre la documentation scientifique à l’art actuel, un mariage très réussi qui contribue autant aux deux pratiques, ouvrant ainsi les portes du Centre d’art à un public plus large. Le volet artistique présente des œuvres installatives de l’artiste Virginie Chrétien, qui abordent la morphologie des îlots maritimes. Variant le point de vue sur le paysage, les installations de Chrétien conduisent le spectateur à « s’allonger » sur une île ou à porter son regard vers le ciel. Le segment documentaire est assuré par la Société Duvetnor, qui propose entre autres au spectateur des photographies d’oiseaux de la région du Bas-Saint-Laurent. Ces deux parties, l’une rationnelle, l’autre subjective, s’enrichissent mutuellement, d’une part, en laissant la place à la photographie comme pratique artistique et, d’autre part, en contextualisant les installations artistiques de Chrétien.

Fait notable, les deux expositions présentent en grande majorité le travail d’artistes femmes, une singularité beaucoup trop rare dans le milieu muséal.

À forte dimension esthétique, les paysages présentés dans Voir loin et Au large ces ailes aux îles déployées rappellent le caractère majestueux de notre environnement et la nécessité de le préserver.

1. Extrait tiré des poèmes accompagnant l’exposition Voir loin.

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