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Veulent-ils le beurre, l’argent du beurre et le sourire de la crémière en prime?

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Veulent-ils le beurre, l’argent du beurre et le sourire de la crémière en prime?

Le 27 mars dernier, le gouvernement du Québec déposait son budget 2018. Un investissement supplémentaire de 22,5 millions de dollars y est prévu pour les organismes communautaires québécois. Hé! C’est quand même beaucoup de millions de dollars, direz-vous? Ouain… C’est mieux qu’une simple tape dans le dos, mais c’est loin d’être le Klondike! Après des dizaines d’années de sous-financement chronique et de revendications, après cinq ans et demi de campagnes de mobilisation assidue et deux motions unanimes adoptées à l’Assemblée nationale reconnaissant l’apport des organismes communautaires au développement social et économique du Québec de même que la nécessité de rehausser leur financement : le gouvernement libéral, par la voix de son budget, répond timidement aux demandes financières des 4 000 organismes d’action communautaire autonome du Québec en leur concédant un investissement qui représente moins de 5 % de leurs besoins réels. Leur manque à gagner annuel étant estimé à 475 millions… Oh! Ça c’est beaucoup, beaucoup de millions de dollars, renchérirez-vous? En effet, c’est beaucoup, beaucoup de millions de dollars… Toute chose étant relative, ce montant ne représente pourtant que 1 % des dépenses de programmes du gouvernement. Ce qui est peu quand on pense à l’apport des organismes communautaires autonomes au progrès social du Québec, à l’amélioration de la qualité de vie de la population et aux retombées dans les différentes économies locales.

Les organismes communautaires autonomes sont issus de la volonté des membres d’une même communauté de se mettre ensemble pour trouver des solutions à leurs problèmes. Grâce aux luttes qu’ils ont menées en compagnie de plusieurs acteurs de la société, dont le mouvement des femmes et des syndicats, l’apport des organismes communautaires à la transformation de la société québécoise est indéniable. Pour ne nommer que quelques exemples, plusieurs lois ont été adoptées grâce à leurs luttes (protection du consommateur, aide juridique, équité salariale, lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale, etc.). Des institutions gouvernementales et des structures telles que la Régie du logement et Recyc-Québec ont été mises sur pied. Les CLSC et le réseau des centres de la petite enfance ont été créés à partir d’expériences issues du milieu communautaire. En plus des luttes qu’ils mènent pour une transformation sociale, les organismes communautaires travaillent à partir d’une approche globale et préventive de la santé et du bien-être qui vise à améliorer les conditions de vie des gens, et par le fait même leurs conditions de santé. Investir dans le communautaire, c’est faire le choix de soutenir les Québécois et les Québécoises, tout en solidifiant notre filet social.

Pôle économique

En plus de cet apport, les organismes communautaires ont des répercussions directes et non négligeables sur l’économie. Selon une note de recherche de 2014 de la Direction de la recherche du ministère de l’Emploi et de la Solidarité sociale, le secteur de l’action communautaire au Québec contribuerait davantage au PIB que le secteur de l’extraction minière, pétrolière, gazière et en carrière1. Avec ses 58 000 emplois et son réseau de 424 000 bénévoles, le secteur communautaire est un secteur d’emploi deux fois plus gros que celui de l’agriculture ou de l’immobilier. Déjà en 2006, le Secrétariat à l’action communautaire autonome évaluait l’importance économique du secteur communautaire au Bas-Saint-Laurent à 29,8 millions de dollars. Si le secteur communautaire était un employeur manufacturier, il se classerait au troisième rang des employeurs les plus importants au Bas-Saint-Laurent2. Douze ans plus tard, il n’y a aucun doute que ces retombées sont encore plus importantes. Investir dans le communautaire, c’est encourager des retombées qui ont un impact direct dans l’économie locale, entre autres par les salaires que les travailleurs et les travailleuses communautaires réinvestissent dans leur milieu.

Malheureusement, le sous-financement chronique empêche les organismes communautaires de réaliser pleinement leur mission. Ils doivent composer, selon les défis, avec des déficits budgétaires, des périodes de chômage, des fermetures temporaires, des réductions de services et d’activités. Ils recherchent constamment du financement (par projets le plus souvent), doivent composer avec des équipes de travail réduites, une surcharge de travail, un épuisement et un roulement de personnel, en plus de devoir sous-payer leur main-d’œuvre, pourtant qualifiée et diplômée. Belle ironie que de travailler à aider les gens à se sortir de la pauvreté quand plusieurs travailleurs et travailleuses du milieu communautaire gagnent à peine un peu plus que le salaire minimum.

Hum… À quand l’argent du beurre sur la table des groupes communautaires? À quand une reconnaissance financière qui soit à la hauteur de l’apport et des retombées des organismes communautaires? Qui abuse du sourire de la crémière en ce moment?

1. Direction de la recherche, L’importance économique de l’action communautaire et bénévole au Québec, MESS, avril 2014, 18 p.

2. Secrétariat à l’action communautaire autonome, Profil régional. Soutien financier du gouvernement du Québec en matière d’action communautaire. Bas-Saint-Laurent, MESS, 2006, 90 p.

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