
Trois ouvrages sur le travail domestique paraissaient récemment. Je ne suis peut-être pas la personne la plus compétente pour en rendre compte, mais qu’on le veuille ou non, on a tous un rapport quel qu’il soit avec le travail domestique, j’ai donc eu envie d’entamer une réflexion sur le sujet.
Je suis en appartement depuis l’âge de 18 ans. J’avais simplement besoin de quitter la maison familiale. Cependant, avec le recul, je me dis que ce n’était peut-être pas la meilleure idée que j’ai eue. En fait, ma première colocataire, également ma conjointe, était plus vieille que moi et vivait en appartement depuis plusieurs années. En d’autres mots, c’était une femme forte et indépendante, de qui je dépendais totalement pour toutes les tâches relatives au « travail invisible ».
Dans son livre Toutes les femmes sont d’abord ménagères : histoire d’un combat féministe pour la reconnaissance du travail ménager, Camille Robert indique que le travail invisible comprend « les tâches d’entretien ménager du logis, l’achat de biens pour le ménage, les tâches de planification, la préparation des repas, l’éducation des enfants et le soin des proches. » Elle ajoute que « certaines féministes incluent également dans cette définition l’affection, la sexualité et la grossesse. »
Grâce à mes lectures des dernières années, j’ai réussi à changer un tant soit peu ma façon de voir l’équilibre du travail dans le couple, mais je crois que le travail invisible demeure malheureusement une source de déséquilibre social auquel nous accordons trop peu d’importance. Si les hommes de ma génération sont capables de cuisiner, de passer l’aspirateur ou de partir une brassée, encore faudrait-il qu’on ne leur torde pas un bras pour qu’ils le fassent.
Autant Charron que Robert soulèvent l’idée d’une rétribution monétaire du travail domestique, pas seulement pour celui réalisé dans les institutions publiques et les entreprises par exemple, mais aussi pour celui qui relève de la sphère privée.
Cependant, cette idée suscite plusieurs débats au sein même du mouvement féministe : certaines craignent que cela confine les femmes à la sphère privée, d’autres contestent l’implication de l’État dans le processus, mais toutes s’entendent (à quelques modalités près) pour dire que s’il y a travail effectué, il devrait y avoir rémunération.
Personnellement, je crois que si nous vivons dans une société capitaliste dans laquelle rien n’est gratuit, pourquoi ne pas payer les tâches effectuées autant dans le domaine privé que public? Pourquoi payer une gardienne ou un gardien quand les deux parents sont sur le marché du travail, mais ne pas payer l’un des deux parents pour les mêmes tâches lorsqu’il ou elle reste à la maison?
Pourquoi payer quelqu’un pour s’occuper des membres de notre famille en perte d’autonomie, alors que nous ne recevons pas une cenne du gouvernement si nous le faisons nous-mêmes?
Où est la limite entre ce qu’une femme (ou un homme) de ménage devrait effectuer comme tâches rémunérées? À la vaisselle, au lavage, à l’aspirateur?
Tout ça, c’est sans parler du grand problème de « racisation » dans le milieu du travail domestique. Les trois livres abordent peu cette réalité très présente et pour laquelle il ne semble pas y avoir de pistes de solutions à court ou à moyen terme.
Dans notre société occidentale, le travail domestique devrait être considéré comme un travail rémunéré, mais il ne devrait pas y avoir embauche d’ouvriers ou d’ouvrières au rabais.
Si nous voulons que les choses évoluent, il faut d’abord que le microcosme qu’est notre vie privée change.
Il faut, comme le dit Camille Robert, « décharger nos corps et nos esprits, que ce soit en refusant le travail gratuit, en luttant pour le rendre visible, en faisant la grève pour en transformer les conditions ou en nous solidarisant des luttes des autres femmes. »
Et toi, mon homme, c’est quand la dernière fois que t’as passé la moppe?
Catherine Charron, Aux marges de l’emploi : parcours de travailleuses domestiques québécoises 1950-2000, Remue-Ménage, 2018, 264 p.
Camille Robert, Toutes les femmes sont d’abord ménagères : histoire d’un combat féministe pour la reconnaissance du travail ménager, Somme Toute, 2017, 178 p.
Collectif, « Travail, temps, pouvoirs et résistances », Recherches féministes, 2017, vol. 30, no 2, 321 p.