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Mai 68, Que reste-t-il de nos amours ?

Par Christine Portelance le 2018/05
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Mai 68, Que reste-t-il de nos amours ?

Par Christine Portelance le 2018/05

Aujourd’hui, rue Gay-Lussac, aucune trace de la fameuse nuit des barricades de 68. « L’imagination au pouvoir! Faites l’amour pas la guerre! Élections, piège à cons! » Déclenchée par les étudiants, la contestation de l’ordre établi avait alors pris beaucoup d’ampleur, mais le système politique français n’a pas été réinventé pour autant. Cette prise de parole a néanmoins ébranlé les institutions et transformé le paysage sociétal. Il y a un avant et un après. Un vent de liberté soufflait ailleurs aussi. Les manifs contre la guerre au Vietnam. La contre-culture. Le rêve de Martin Luther King. L’accession à l’indépendance de nombreux pays africains. La création du Parti québécois.

Après plus d’un siècle à vivre l’humiliation, des Canadiens français se sentaient tout à coup fiers d’être Québécois. Ont contribué à bâtir ce nouvel état d’esprit le mouvement coopératif Desjardins, l’équipe du tonnerre de Jean Lesage, la Caisse de dépôt, les grands barrages d’Hydro-Québec, Expo 67, entre autres. Maîtres chez nous. Le modèle québécois est né de cette mouvance. Le Québec inc. a réussi à se tailler une place dans le très sélect club WASP (white, anglo-saxon, protestant) de Bay Street, le centre financier du Canada. Une classe de gens d’affaires a émergé. Fiers d’avoir rapatrié notre économie, nous avons peut-être oublié en route que le bien commun ne s’exprime pas seulement en $.

La Caisse de dépôt investit dans l’électrification du transport à Montréal. Bonne nouvelle. Un projet privilégiant l’ouest (libéral) de la métropole et dont la première version avait oublié de se brancher au métro(!). Le REM a-t-il été conçu pour le bien commun? Est-ce une commande politique? Et Hydro-Québec, jadis symbole d’affirmation nationale, avec des barrages nuisibles à l’environnement dont on n’a pas vraiment besoin, travaille-t-elle pour notre plus grand bien? Ces chers dirigeants de Bombardier. Après avoir reçu 1,37 milliard à même nos impôts, ils s’octroient une indécente augmentation de salaire pour ensuite donner la CSeries en paquet cadeau à Airbus. On les aime d’amour?

Le mouvement coopératif Desjardins a été créé parce que les banques anglo-saxonnes méprisaient les Canadiens français et ne voulaient pas leur consentir de prêt, sauf s’ils étaient riches. Les cultivateurs ayant besoin d’emprunter après une mauvaise récolte étaient donc totalement coincés. Ce n’est pas un hasard si Desjardins s’est développé en région. Que reste-t-il dans l’institution de la responsabilité sociale de départ? Avec la fermeture de guichets en région, dont ceux de Rivière-Ouelle, de Kamouraska et de Saint-Roch-des-Aulnaies, êtes-vous toujours aussi fiers de Desjardins?

Suis-je la seule à avoir l’impression que la société n’a plus vraiment envie d’être distincte et que le Québec est en voie d’être aussi provincial et « drabe » que le reste du Canada? Est-ce parce que l’argent a partout la même odeur et qu’on n’échappe pas au rouleau compresseur capitaliste? Est-il encore possible d’aspirer à plus que la réussite matérielle? Sommes-nous retombés dans les ornières de l’impuissance acquise?

Les idées politiques étroitement provinciales et le tout à l’argent sont-ils au diapason du Québec actuel ? Alors il ne resterait plus qu’à s’avouer aussi vaincus que la Sainte-Flanelle en s’assurant à la Sun Life, en ouvrant un compte à la Royal Bank of Canada et en se soûlant à la bière Canadian pour oublier qu’on a déjà rêvé mieux.

Le progrès social arrive par vagues, on vit un passage à vide. Un désamour. Il y a bien eu le Printemps érable, mais le tintamarre des casseroles aura surtout servi le Parti libéral en détournant l’attention des allégations de corruption. Restent les rues gangrenées de Montréal pour nous rappeler l’argent englouti dans le mauvais asphalte. Combien d’écoles délabrées auraient pu être rénovées avec l’argent versé en trop pour les infrastructures par le gouvernement Charest?

Le ras-le-bol des femmes face aux prédateurs et la dénonciation des iniquités professionnelles créent certes un appel d’air, mais est-ce suffisant pour induire un nouveau paradigme? Par ailleurs, avec ses airs de parenté avec les manifestations contre la guerre au Vietnam, le mouvement déclenché par les élèves de Parkland contre la puissante National Rifle Association impressionne et donne envie de croire qu’une jeunesse allumée pourrait à nouveau ensemencer un vent de transformations. Néanmoins, s’agissant de la contestation des élèves du secondaire d’ici, militer pour le droit de s’exhiber le nombril à l’école me laisse plutôt perplexe… Mais cela rappelle un slogan de 68 : « Soyez réalistes, demandez l’impossible! »

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Enfin de bonnes nouvelles!