Le 30 novembre dernier, l’Assemblée nationale votait une motion invitant « tous les commerçants et tous les salariés qui sont en contact avec la clientèle locale et internationale à les accueillir chaleureusement avec le mot «bonjour» » au lieu du « bonjour, hi » utilisé de plus en plus souvent, particulièrement à Montréal. Si la défense du français comme langue d’accueil, de service dans les commerces de Montréal peut se justifier, je pense que cette position ne devrait pas être élargie automatiquement à l’ensemble de la province et à l’ensemble du monde du travail, par exemple au Bas-Saint-Laurent, où le développement des entreprises passe aussi par des relations avec nos voisins des maritimes, de l’Ontario ou des États-Unis, principalement anglophones.
Qu’on ne se méprenne pas : j’aime la langue française et souhaite qu’elle soit toujours utilisée et respectée au Québec et ailleurs dans le monde dans la vie de tous les jours. Je souligne simplement le fait que l’utilisation de l’anglais est de plus en plus nécessaire dans les entreprises; que de plus en plus d’anglophones et d’allophones habitent en région et que communiquer ponctuellement en anglais ne met pas forcément en danger la culture francophone globale d’une société ou d’une communauté. D’ailleurs, une grande partie de mes collègues ou anciens collègues de travail qui parlent anglais avec leurs clients utilisent souvent une syntaxe et des expressions calquées sur le français.
Favoriser le bilinguisme, ou plus simplement la maîtrise de la langue anglaise, pour toutes les catégories de travailleurs permettrait, à mon avis, de faciliter le recrutement dans de nombreuses entreprises de la région. Pour les emplois qualifiés, il arrive que des candidatures avec toutes les compétences professionnelles requises soient mises de côté par manque de maîtrise de la langue de Shakespeare alors que celle-ci devient prépondérante dans les communications avec les clients, les fournisseurs et parfois avec les collègues d’autres pays. Certaines entreprises proposent des mises à niveau en anglais à leurs employés, mais les ressources sont limitées et ce critère linguistique est de plus en plus critique dès l’embauche. Et même si l’entreprise réussit à n’avoir que des francophones parmi ses employés, l’ensemble de ses clients et ses partenaires (exploit de plus en plus rare dans le monde globalisé d’aujourd’hui), il reste que l’étude de la concurrence, la veille technologique et l’utilisation d’outils de communication Web passent majoritairement par la capacité à déchiffrer les sites Web rédigés majoritairement en… anglais!
Et pour les emplois non qualifiés? La capacité à comprendre, voire à parler anglais est tout aussi utile. J’ai deux exemples, tous les deux louperivois, pour vous convaincre. Le premier est la cohabitation dans des usines alimentaires d’employés québécois et de travailleurs étrangers originaires des Philippines. Pour ces derniers, l’anglais est parfois une 2e langue et leur compréhension du français est souvent très limitée à leur arrivée. L’anglais devient alors la langue de communication et, paradoxalement, le véhicule quotidien d’apprentissage du français. La capacité de leurs collègues québécois à communiquer à la fois en français et en anglais leur permet d’accélérer leur intégration professionnelle mais aussi sociale. Mon deuxième exemple est l’arrivée d’employés allophones au siège social d’une entreprise pour une durée limitée ou une mutation permanente. Pour eux aussi, la langue anglaise est la langue de communication internationale qu’ils maîtrisent à leur arrivée, en attendant de développer leurs habiletés en français. Pour eux, la moindre épicerie, le moindre repas au resto ou dans une cantine est une épreuve de communication, car les personnes en face d’eux ne les comprennent pas. Ils n’osent alors plus tellement sortir et mettent du temps à pouvoir participer pleinement au dynamisme de la région.
Alors, oui, je suis pour l’utilisation sans mesure de l’anglais au travail, dans les commerces et dans les relations sociales avec les anglophones et allophones de la région. Je ne suis ni sociologue ni linguiste, mais je pense sincèrement que cela favorise l’intégration et le maintien en fonction de ces travailleurs et permet une meilleure ouverture à l’autre pour enrichir la culture et la société francophone de la région.