Champ libre

L’importance de l’anachronisme, selon Louis Bouvier

Par Joel Lelièvre le 2018/03
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L’importance de l’anachronisme, selon Louis Bouvier

Par Joel Lelièvre le 2018/03

À 37 ans, Louis Bouvier cumule dix ans de pratique artistique assidue. Ancré dans une pratique pluridisciplinaire après avoir pris ses distances de la sérigraphie, il multiplie les expos qui témoignent toutes, selon lui, de son exploration « post-maîtrise », dernier jalon d’un parcours universitaire dédié aux arts.

Au menu : dessins photoréalistes, photos, sculptures. Au final, c’est l’installation qui sert sa vision artistique, qui répond à son besoin : « Ce qui m’intéresse, ce sont les relations entre les œuvres : le dessin face à la sculpture, la sculpture face à la photographie, l’image en général face au lieu d’exposition, ou encore face à [sa propre] histoire; essayer de tout prendre en corrélation. »

Il faut reconnaître à Bouvier un sens raffiné de la composition. Épurées sans jamais paraître maigres, colorées sans être criardes, ses installations sont l’heureux produit d’une démarche phénoménologique où le sens émerge dans le réseau tissé entre les œuvres. Initialement séparées par les siècles, les océans et les cultures, les représentations nées de sa main sont appelées à communiquer, à trouver un langage commun. On peut entendre cette étrange conversation dans les installations de l’artiste. Invités à écouter, on est inéluctablement amenés à réfléchir.

La notion d’opposition — son potentiel, en fait — constitue un aspect majeur, immédiatement remarquable de son œuvre. Celle-ci agit comme levier pour activer la réflexion auprès du public. Bouvier s’investit et s’amuse à confondre époques et grands canons artistiques, à forcer des dialogues inédits entre art sacré et populaire, entre ancestral et tendance… Le mot « clash » frappe l’esprit — surtout quand formes, matériaux, sens esthétique et savoir-faire varient grandement entre chaque œuvre, dans chaque superposition inusitée… Imaginez une « nuée de gang signs urbains plaqués sur le dessin photoréaliste d’un visage antique gravé sur pierre ». Des expressions urbaines probablement fugaces — du moins lorsqu’on les compare à l’empreinte du canon gréco-romain, récurrent dans les installations de Bouvier — comme « yolo » et « loot » sont mariées ici et là à un art devenu consensuel, voire « quétaine », avec l’âge. Racoleur? Assurément. Un emprunt au pop art cher à l’artiste, à distinguer de l’art populaire.

La pratique de Louis Bouvier apparaît comme à la fois divertissante et profonde, immédiate et énigmatique. Le plaisir de l’artiste saute aux yeux : « Mon but est de m’amuser avec toutes les compétences que j’ai acquises. Et d’en trouver des nouvelles. J’ai toujours marché par exploration. J’ai besoin de me lancer de nouveaux défis. Un peu comme un athlète. »

L’expo

Après quatre expos en deux ans, Louis Bouvier n’a pas envie de recycler ni de repenser diverses pièces existantes dans la boîte blanche du centre d’artistes. Il profitera donc de l’exposition pour présenter ses premières photographies grand format. On parlerait même d’un « changement de direction », allusion qui a de quoi intriguer, quand on connaît le pouvoir ludique, évocateur et réflexif de l’artiste.

Il ne sait pas si c’est l’image qui est en train de devenir objet, ou l’objet, image de Louis Bouvier sera présentée du 29 mars au 5 mai au centre d’artistes Caravansérail.

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