
Pendant qu’on dépense l’argent des contribuables pour moderniser les laboratoires nucléaires de Chalk River en Ontario, la gestion des déchets n’est pas sérieusement prise en charge. Pourtant un budget de 7,7 milliards de dollars du gouvernement fédéral est réservé au problème des déchets radioactifs hérités.
Stockage en surface
À Chalk River, les Laboratoires nucléaires canadiens (LNC) ont conçu un projet de stockage en surface pour un million de mètres cubes de déchets radioactifs de moyenne et de faible activité. Ce site, proche de la rivière des Outaouais et situé dans une zone de tremblements de terre de magnitude 6, sera exposé aux intempéries pendant les 50 années de son remplissage alors que les déchets radioactifs doivent rester au sec pour éviter une trop grande activité nucléaire. De plus, les normes de l’Agence internationale de l’énergie atomique stipulent que les déchets de faible et de moyenne activité doivent être enfouis dans un sol stable, loin des cours d’eau et des activités humaines.
Le dépotoir des déchets radioactifs en surface projeté par les LNC aurait une durée maximale de 500 ans alors que plusieurs substances radioactives ont une durée de centaines de milliers d’années. Quand le couvercle sera mis sur le monticule de déchets en 2100, il ne sera plus possible d’intervenir.
Les critères d’acceptation des déchets dans ce dépotoir sont vagues et les matières qui font exception ne sont pas traitées par une tierce partie indépendante des LNC. Il faudrait un contrôle, par la Commission canadienne de sûreté nucléaire, des inventaires et des déchets difficiles à classifier. De plus, comme plusieurs données sur les déchets ont été perdues au cours des années, il y a des déchets mixtes, inconnus et dangereux!
D’autre part, la classification par les LNC des déchets de faible activité ne respecte pas celle de l’Agence internationale de l’énergie atomique. Ainsi, les LNC incluent des déchets ayant une demi-vie de plus de 300 ans dans cette catégorie si leur concentration est faible. Il y aurait donc des déchets de très longue durée de vie dans le dépotoir, ce qui est inacceptable.
Où enfouir les déchets radioactifs?
Le 26 octobre 2017, les LNC ont pris en considération les commentaires du public dans le processus d’évaluation environnementale et ont pris la décision de stocker uniquement des déchets radioactifs de faible activité dans le dépotoir de déchets près de la surface. Les déchets radioactifs de moyenne activité continueront quant à eux d’être stockés temporairement en attendant une solution viable.
Le stockage dans des couches géologiques profondes comporte des risques plus faibles que le stockage en surface et il est plus facile d’intervenir en cas de problème. Malheureusement, il n’y a au Canada aucun site d’enfouissement pour les déchets radioactifs de moyenne activité ni pour les déchets de combustible nucléaire. C’est déplorable!
Énergie atomique du Canada (EACL) et les Laboratoires nucléaires canadiens doivent établir une solution à long terme de gestion de tous les déchets radioactifs et veiller à une surveillance rigoureuse. EACL doit aussi inclure dans son plan d’affaires tous les types de déchets à gérer, pas seulement ceux de faible activité.
Des solutions temporaires
EACL, qui représente le gouvernement dans la surveillance des contrats octroyés aux LNC, ne mentionne pas, dans son plan de 10 ans, la gestion des déchets radioactifs de moyenne activité. EACL incite plutôt les LNC à faire des économies pour développer le nucléaire quand la priorité devrait être de régler les problèmes de gestion des déchets. Sans faire une analyse critique de gestion de tous les types de déchets, les LNC et EACL donnent la priorité à ce qu’il y a de plus facile pour moderniser les laboratoires. Espérons que le nouveau président du conseil d’administration d’Énergie atomique du Canada saura redresser la situation.
En attendant, les déchets dangereux sont mis dans des contenants sur le site de Chalk River! Encore une solution temporaire! La responsabilité de la gestion des déchets hérités n’est pas assumée et la population canadienne s’en inquiète à juste titre!
Il faut changer d’attitude, faire preuve de courage et isoler de l’environnement les déchets radioactifs hérités dans un site en couches géologiques profondes. Cela coûte très cher, mais on ne peut pas refiler le problème aux générations futures. Les Laboratoires nucléaires canadiens sont pressés de moderniser leurs laboratoires pour faire du profit au détriment de la gestion des déchets radioactifs. Il est urgent de trouver une solution viable pour des centaines de milliers d’années, sinon la population en souffrira.
Ginette Charbonneau est physicienne et membre du Ralliement contre la pollution radioactive.